Est-on sur le point d’assister, au Québec, à une ruée vers l’or des temps modernes ?

Certains se posent la question à voir l’enthousiasme manifesté par l’industrie minière à l’égard des minéraux stratégiques, présents en grande quantité dans le sous-sol de notre province.

Et cet enthousiasme est dopé, on le sait, par les efforts faits par le gouvernement du Québec pour « valoriser » ces minéraux. On cherche à développer ici une filière de la batterie électrique.

Nous avons, dans ces pages, salué cette initiative en raison de son potentiel pour le développement économique du Québec et de son importance pour la transition énergétique, essentielle à la lutte contre les changements climatiques.

Maintenant que le train est lancé, il est important de veiller à ce qu’il reste sur les rails. Tout en limitant les dégâts qu’il pourrait faire là où il va passer.

L’heure est venue de débattre de façon sérieuse et transparente des coûts environnementaux de l’établissement de cette filière et de se donner les moyens de les réduire à leur plus simple expression.

La CAQ doit se préoccuper sérieusement de la grogne et des inquiétudes des résidants face aux bouleversements annoncés par ce boom minier.

Il y a quelques jours, 21 municipalités de l’Outaouais (de la MRC Papineau) ont lancé une offensive contre ce qu’elles qualifient d’« envahissement » de leur territoire par « l’industrie de l’exploration minière du graphite ».

C’est l’un des minéraux stratégiques qu’on utilise dans les batteries des voitures électriques. Et on en retrouve en grande quantité dans l’Outaouais, mais aussi dans les Laurentides et dans Lanaudière.

On comprend que les conséquences d’un boom minier dans ces régions du Sud du Québec pourraient être majeures (dans la MRC de Papineau, certains s’inquiètent déjà du sort des lacs et des cours d’eau).

Il faut tout faire pour protéger nos écosystèmes et limiter les impacts sur la qualité de vie des habitants de ces régions.

Il ne serait pas logique, pour favoriser l’électrification des transports ici comme ailleurs et réduire les émissions de gaz à effet de serre, d’en venir à sacrifier des pans de notre territoire et à menacer les écosystèmes.

Notons que ce débat survient dans la foulée de nouvelles révélations au sujet du scandale environnemental de la Fonderie Horne à Rouyn-Noranda, ce qui a assurément contribué à éveiller les consciences encore un peu plus.

Un sondage Léger dévoilé le 3 août dernier montre d’ailleurs qu’une majorité de Québécois estiment que l’industrie minière et le gouvernement du Québec n’en font pas assez pour protéger l’environnement.

Et bon nombre de Québécois souhaitent visiblement que l’industrie minière soit mieux bridée par le gouvernement.

À preuve : 79 % des personnes interrogées pensent qu’il faut prioriser la santé et l’environnement avant l’économie, « même si cela signifie que certains projets miniers devront cesser leurs opérations ».

Le sondage, effectué à la demande de la Coalition Québec meilleure mine et d’une poignée de partenaires, indique aussi que 89 % des Québécois voudraient empêcher l’industrie de rejeter des déchets miniers « dans tout lac, rivière ou milieu écologique sensible », alors que 86 % souhaiteraient « exiger que tous les projets de mines et d’agrandissement soient soumis à des évaluations environnementales ».

Consultez les résultats du sondage Léger

Une autre saprée bonne raison de débattre au plus vite du nouveau boom minier, c’est que le bilan du ministère de l’Environnement est notoirement faible lorsqu’il s’agit de remplir sa mission dans ce secteur — comme dans d’autres, hélas.

On le répète — avec raison — depuis de nombreuses années, mais un petit essai de l’ancien journaliste du Devoir, Louis-Gilles Francœur (ex-vice-président du Bureau des audiences publiques sur l’environnement), est récemment venu mettre de la chair autour de l’os, notamment en analysant les budgets du Ministère depuis sa création et en les mettant en contexte*.

Le ministère de l’Environnement « n’arrive pas à imposer son autorité et ses politiques aux ministères à vocation économiques et à leurs clientèles », et ça n’a rien d’étonnant, conclut-il.

Ministère junior sur le plan budgétaire, le ministère de l’Environnement se voit aussi relégué à l’arrière-plan des politiques économiques du secteur minier.

Louis-Gilles Francœur, ex-vice-président du Bureau des audiences publiques sur l’environnement

Les experts vous diront aussi, parallèlement, que notre arsenal législatif n’est pas à la hauteur du défi posé par les impacts du développement d’une filière de la batterie électrique.

Message aux formations politiques qui s’apprêtent à nous proposer des tonnes d’idées pour améliorer nos politiques publiques avant le prochain scrutin : la face cachée du boom minier mérite d’être explorée.

* La caution verte, de Louis-Gilles Francœur, avec la collaboration de Jonathan Ramacieri. Publié aux Éditions Écosociété.