Nous sommes en pleine crise climatique.

Nous avons davantage de problèmes de santé liés à la sédentarité et au surplus de poids.

Nous faisons face depuis peu à une hausse importante du coût de la vie.

Si seulement il existait un moyen de transport actif qui n’émet pas de CO2, qui permet de faire de l’exercice sans arriver en sueur au bureau, et qui ne coûte pas cher…

Évidemment que ce moyen de transport existe. Plus de 15 000 cyclistes l’utiliseront aujourd’hui dans les rues de la métropole pour le Tour de l’Île.

C’est la seule journée de l’année où les cyclistes ont les rues pour eux seuls. Une expérience qui a quelque chose d’irréel.

Regardons les choses en face : les cyclistes qui utilisent leur vélo comme moyen de transport ne sont pas choyés au Québec.

Sur les 4,5 millions de cyclistes au Québec, 2,1 millions (dont 1,6 million d’adultes) utilisent le vélo comme un moyen de transport. Parfois chaque jour, parfois de façon occasionnelle.

Le problème, c’est que nos gouvernements n’investissent pas assez dans les pistes cyclables. Plus précisément les pistes cyclables sécuritaires et séparées des autos, comme le REV (Réseau express vélo) à Montréal.

Le ministère des Transports du Québec investit environ 50 millions par an en transport actif (vélo et piétons). Ça représente 1,6 % du budget des routes et 1,0 % du budget des transports (routes, transports collectifs, train, avion) dans le Plan québécois des infrastructures. On ne connaît pas la part modale du vélo pour l’ensemble du Québec, mais le vélo représentait 1,9 % de tous les déplacements dans la grande région de Montréal en 2018. (La popularité du vélo étant en hausse depuis des décennies, elle a fort probablement augmenté depuis.)

On entend souvent que l’administration Plante favorise les vélos au détriment des autos. Vraiment ? En 2022, la Ville de Montréal investira 17 millions pour les pistes cyclables. C’est 3,3 % du budget de la Ville pour les routes. Sur l’île de Montréal, le vélo représentait très exactement 3,3 % de tous les déplacements… en 2018. Ça a assurément augmenté depuis (le chiffre n’a pas été mis à jour). Dans les quartiers centraux, le vélo représentait 5 % des déplacements en 2018 (13 % sur le Plateau Mont-Royal, 7 % dans Villeray).

Projet Montréal aime le vélo, c’est bien connu. Mais dans son budget pour les transports, l’administration Plante investit probablement un petit peu moins pour les pistes cyclables que la part du vélo dans l’ensemble des déplacements à Montréal. On est loin d’une administration qui se réveille la nuit pour trouver une façon de remplacer l’auto par le vélo.

Il y a aussi le facteur « Si tu le construis, ils viendront ». Cette célèbre citation tirée du film Field of Dreams s’applique aussi aux pistes cyclables.

Selon une étude réalisée auprès des 50 plus grandes villes aux États-Unis, 12 % des Américains en milieu urbain aimeraient utiliser le vélo comme moyen de transport peu importe le type de pistes cyclables (ex. : des pistes partagées avec les autos comme la rue Saint-Urbain à Montréal). Ce chiffre augmente à… 63 % des Américains s’il y a des pistes cyclables sécuritaires (ex. : des pistes séparées des autos comme le REV Saint-Denis1).

En matière de culture vélo, on cite – avec raison – l’exemple des Pays-Bas et des pays du nord de l’Europe. Mais les Néerlandais et les Danois ne sont pas des extraterrestres. Au fil des décennies, ils ont simplement aménagé leurs routes et fait les investissements publics nécessaires pour donner une place de choix au vélo. Résultat : les Néerlandais font 27 % de leurs déplacements en vélo (rappel : c’est 3,3 % sur l’île de Montréal), ce qui augmente leur espérance de vie d’environ six mois.

Si nos gouvernements se mettent à financer adéquatement des pistes cyclables sécuritaires et séparées des autos, les Québécois prendront eux aussi davantage le vélo. Au moins 8 mois sur 12.

Construit dans la controverse, le REV Saint-Denis de l’administration Plante est une réussite au-delà des espérances après seulement un an et demi. Au cours de la dernière année, il y a eu 1,2 million de passages sur le REV Saint-Denis. C’est 4,7 fois plus que durant l’année 2018 (250 000 passages). La preuve que si vous construisez une piste cyclable sécuritaire en milieu urbain, les cyclistes viendront.

On ne plaide évidemment pas pour que les rues de Montréal deviennent un Tour de l’île permanent 365 jours par année. Personne ne prétend que le vélo remplacera les transports en commun et l’auto (notamment à cause du rude hiver québécois). Il est primordial que les transports en commun restent la colonne vertébrale de notre stratégie de transport en milieu urbain. Mais pour des distances relativement courtes (moins de 10 km) en milieu urbain, il faut mettre un maximum d’incitatifs pour privilégier le vélo. Pas un minimum.

Même avec des infrastructures sous-financées, environ 2,1 millions de Québécois utilisent déjà leur vélo comme moyen de transport en milieu urbain. Un nombre grandissant de Montréalais, de Québécois, de Longueuillois, de Gatinois, de Sherbrookois aimeraient visiblement l’utiliser plus souvent.

Ils n’exigent pas de traitement de faveur.

Ils veulent seulement un traitement équivalent à celui des automobilistes : des pistes sécuritaires et dédiées uniquement à leur moyen de transport.

1. L’étude a été réalisée par la professeure Jennifer Dill, spécialiste en transports et en urbanisme de l’Université d’État de Portland aux États-Unis.

Lisez l’étude (en anglais)

450 $

Coût annuel moyen d’un vélo

Source : Vélo Québec

10 171 $

Coût annuel moyen d’une voiture multisegment neuve (ex. : VUS compact comme une Toyota RAV4). Ce coût inclut la dépréciation du véhicule, l’essence (20 000 km à 1,92 $ le litre), l’entretien, les assurances, l’immatriculation. Le coût annuel moyen d’une voiture compacte neuve est de 8062 $ en 2022.

Source : CAA-Québec

13,6 %

Pourcentage des cyclistes montréalais qui font aussi du vélo l’hiver

Source : Vélo Québec, L’état du vélo au Québec en 2020