À 18 mois de la prochaine élection présidentielle et à 8 mois du début du choix des délégués aux conventions des deux partis, tout indique que la course à la nomination est pratiquement finie avant même de commencer. Ce sera donc un match revanche – dont les deux tiers des Américains ne veulent pas – entre Donald Trump et Joe Biden.

Il est rare qu’un président ne se représente pas pour un second mandat. La dernière fois, ce fut Lyndon B. Johnson en 1968, quand son parti s’était retourné contre lui à cause de la guerre du Viêtnam. Mais dans le cas de Joe Biden, beaucoup pensaient qu’en raison de son âge, 80 ans, il ne ferait qu’un seul mandat. C’est ce que souhaitent 70 % des Américains, selon un récent sondage de NBC.

Mais le principal intéressé estime qu’il est encore capable de remplir sa charge pour un autre mandat qui se terminerait quand il aura 86 ans.

Bien sûr, M. Biden doit lutter contre certaines perceptions négatives, comme le fait qu’il a souvent l’air de buter sur des mots. Mais notons que ce n’est pas à cause de l’âge, c’est parce qu’il combat un bégaiement qui l’afflige depuis l’adolescence.

Il est certain que la question de l’âge de M. Biden sera l’un des enjeux de l’élection. Mais il sera plutôt compliqué pour M. Trump d’en faire un grand enjeu : il n’a que quatre ans de moins que son rival et il se plaît à répéter ces temps-ci que « la vie commence à 80 ans ».

Le taux d’approbation de M. Biden est remarquablement stable depuis un an et se situe autour de 43 %, ce qui est comparable à celui qu’avait Donald Trump à ce moment dans son mandat (il a perdu) et à celui de Barack Obama (il a gagné).

Mais les stratèges démocrates prennent ces sondages avec un grain de sel : beaucoup de progressistes répondent aux sondeurs qu’ils sont insatisfaits de Biden, qui ne serait pas assez progressiste à leur goût. Mais ils n’iront certainement pas voter Trump pour autant.

On dit souvent que la situation économique du pays pèse plus lourd que tout autre facteur dans une élection présidentielle. Le bilan de Biden n’est pas si mauvais, l’inflation est à 5 %, mais elle est en baisse. Le taux de chômage, lui, est à 3,5 %, le plus bas en 50 ans. Mieux encore, il semble que les États-Unis pourraient éviter une récession qui semblait certaine encore récemment.

Il fut un moment, au début de l’année, où on aurait pu penser que le Parti républicain allait choisir un candidat plus jeune et moins clivant que Donald Trump. Le gouverneur de la Floride, Ron DeSantis, facilement réélu en novembre dernier, semblait le nouveau favori.

Mais celui-ci a eu toutes sortes d’ennuis au cours des derniers mois alors qu’il a tenté de devenir plus conservateur que son rival et de mener une guerre au mouvement woke qui l’a plutôt mal servi. L’adoption d’une loi – la plus restrictive au pays – interdisant l’avortement après six semaines et sa guerre sans merci contre Disney, l’un des plus importants employeurs de son État, lui auront nui. On ne peut pas gagner contre Mickey Mouse !

Pendant ce temps, Donald Trump engrangeait les appuis et sa base se consolidait tant et si bien qu’il apparaît aujourd’hui comme le candidat inévitable des républicains. Même sa mise en accusation pour fraude dans l’État de New York l’aura bien servi, beaucoup de républicains ayant accepté son argument que les accusations étaient essentiellement partisanes.

Mais M. Trump n’en a pas terminé avec la justice. Il pourrait être accusé dès cet été d’avoir essayé de faire invalider le résultat de la dernière élection en Géorgie – il y a un enregistrement où il demande au responsable des élections de Géorgie de lui « trouver 11 780 voix », soit juste assez pour gagner cet État.

Une autre enquête pourrait également donner lieu à des accusations d’incitation à l’émeute en lien avec le saccage du Capitole le 6 janvier 2021.

Le danger pour M. Trump, c’est qu’une accusation, ça passe toujours, mais deux ou trois, ce pourrait refroidir bien des électeurs.

L’autre problème de M. Trump est celui qui lui a sans doute fait perdre l’élection de 2020 : l’électorat féminin des banlieues, qui l’avait fait élire en 2016, lui a tourné le dos quatre ans plus tard.

En 2024, c’est la question de l’avortement qui devrait jouer contre les républicains. On l’a vu aux élections de novembre dernier, la décision de la Cour suprême de révoquer le droit à l’avortement établi en 1973 a été déterminante dans nombre de courses serrées. Et la mobilisation sur cette question ne semble pas faiblir, d’autant que les États républicains continuent d’adopter des lois très restrictives sur l’avortement.

Dans un match revanche qui pourrait être aussi serré que l’élection précédente, ce pourrait bien faire pencher la balance pour Joe Biden.