Maintenant qu’il est l’accusé Donald Trump, l’ancien président n’a plus que deux thèmes dans ses discours : il est une victime et il a le droit de se venger.

L’incroyable discours qu’il a prononcé dans son fief de Mar-a-Lago, mardi soir dernier, ne contenait que victimisation et désir de vengeance, sans compter les exagérations habituelles. Pas étonnant que le réseau ABC ait mis fin à la diffusion de son discours quand il a prédit que le président Joe Biden préparait une Troisième Guerre mondiale « Nucléaire », a-t-il pris soin d’ajouter.

Mais au-delà des discours de plus en plus éloignés de la réalité de M. Trump, il reste une réalité incontournable : il est le premier président de l’histoire des États-Unis à avoir été accusé devant un tribunal pour une cause de nature criminelle.

Une cause qui n’est pas aussi faible que certains le prétendent. Bien sûr, elle se retrouve à la jonction des lois de l’État de New York et des lois fédérales sur les élections, ce qui est toujours risqué. Mais cela est plus un inconvénient pour les procureurs qu’une raison de prononcer un acquittement.

Actuellement, nous n’avons pas la preuve proprement dite, mais seulement une déclaration des faits qui est beaucoup plus large et plus sérieuse qu’on aurait pu le penser au départ. D’abord parce qu’elle ratisse beaucoup plus large que la seule affaire Stormy Daniels, dont les faits sont maintenant bien connus.

Il y a maintenant trois tentatives documentées d’acheter le silence à propos de révélations embarrassantes pour M. Trump avant les élections de 2016. Toutes avec l’assistance de la société qui publie le National Enquirer, un tabloïd à sensation, qui a acheté – avec l’argent de Trump – les témoignages, pour ensuite ne pas les publier.

Une fois, c’est un incident, trois fois, c’est un système. Sur le plan juridique, c’est une grosse différence.

Mais surtout, le fait d’avoir brisé la glace et d’avoir fait la première mise en accusation d’un ancien président rend la suite des choses plus facile pour les autres chefs d’accusation – autrement sérieux – qui attendent l’ancien président.

La cause la plus dangereuse pour lui est celle de la Géorgie, où il a demandé – en étant enregistré – que le secrétaire d’État lui « trouve » 11 780 voix pour qu’il puisse se dire gagnant dans cet État clé. On parle ici d’une tentative explicite de truquer les résultats de l’élection de 2020.

Mais il y a aussi de possibles accusations entourant les documents que l’ancien président aurait dû remettre aux Archives nationales. Ce n’est pas la première fois que cela arrive, mais le nombre de documents retenus par M. Trump est beaucoup plus important, comme le fait qu’il a refusé de collaborer avec le FBI.

Enfin, il y a de possibles accusations d’incitation à l’émeute – peut-être même de sédition – entourant l’assaut de ses partisans contre le Capitole, le 6 janvier 2021, alors que les élus assistaient à la proclamation des résultats.

On aura beaucoup noté ces derniers jours que tous les déboires de l’ex-président ont tout simplement fait monter sa cote de popularité chez les républicains. Ce qui est exact. Mais on ne sait pas ce que pourrait être l’effet d’une deuxième ou d’une troisième accusation.

Mais surtout, il faudra voir quel sera l’effet d’autres accusations – particulièrement celle de la Géorgie, sur le Parti républicain, tant au Congrès que chez les simples sympathisants.

Actuellement, pas un seul élu républicain à Washington n’a voulu s’inscrire en faux contre les accusations portées la semaine dernière contre l’ancien président. C’est un signe de la radicalisation du Parti républicain, qui est en voie de devenir une filiale à part entière de l’Organisation Trump.

Mais l’association avec l’ex-président n’a pas été nécessairement un gage de succès pour le Parti républicain. Avec M. Trump à leur tête, les républicains n’ont pas obtenu la majorité des voix aux élections présidentielles.

Par ailleurs, les sondages indiquent que les électeurs indépendants – ceux qui font et défont les majorités électorales – croient à hauteur de 62 % que les accusations criminelles contre M. Trump sont justifiées.

Pendant ce temps, la radicalisation des élus du Parti républicain continue de plus belle, tant pour défendre M. Trump que pour les sujets qui leur tiennent à cœur comme la criminalisation de l’avortement et le droit de posséder des armes à feu.

Ainsi, jeudi dernier, on a vu la majorité républicaine – ils ont près des trois quarts des sièges – à la législature de l’État du Tennessee expulser deux représentants démocrates pour avoir exigé un contrôle accru des armes à feu, après une nouvelle tuerie. Pas suspendus pour quelques séances. Expulsés de la législature où ils avaient été dûment élus.

Bref, on est au point de ne plus tolérer la dissidence et de l’interdire carrément. Sans cette radicalisation des républicains, la candidature Trump pourrait difficilement survivre. Mais c’est une réalité qui inquiète de plus en plus d’Américains.

Rectificatif: Une version précédente de l’article affirmait que le Parti républicain n’avait jamais « obtenu la majorité des voix soit aux élections présidentielles, soit au Congrès » avec M. Trump comme chef, alors que les candidats républicains à la Chambre des représentants ont obtenu la majorité des voix en 2016 et 2022.