L’artiste Marc Séguin propose son regard unique sur l’actualité et sur le monde.

C’était en 1988, sur un viaduc. « Lisez l’Évangile », en lettres majuscules, était peint au pochoir avec de la peinture en aérosol, et le « brossez-vous les dents » en lettres attachées, manifestement écrit par quelqu’un d’autre au pinceau.

Une semaine éprouvante pour les sentiments : le chemin Roxham – sa fermeture violente – et les voitures et camions de médias partout dans ma campagne. Un budget provincial qu’un gouvernement a souhaité être une fête et qui a plutôt eu de mauvaises cotes d’écoute. On a aussi appris que toutes les écoles sont belles et en ordre. Et cette publicité-sermon sur le français des jeunes…

Faisant naître davantage de questions que de solutions, celle-ci est restée dans ma petite tête (et un soupir). Je me suis demandé comment, exactement, s’installe une forme de déconnexion de la réalité, et une fracture, entre les générations.

J’adore le plancher des vaches. Mais j’aime aussi beaucoup le béton et l’asphalte, fasciné par le vivre-ensemble et l’urbanité.

Les interventions naturelles, celles en marge, me rassurent sur l’état du monde. À cet effet, j’ai énormément de respect pour l’art urbain, manifestation libre et dépolissée qui soulage d’un présent que certains bien-pensants voudraient améliorer par des excès théoriques ou trop savants, se substituant volontiers aux curés de l’ancien monde. Des soupirs, donc, en entendant la publicité sur la langue « anglicisée » des jeunes. Le déclin est amorcé depuis plus longtemps que nous…

Quelque part dans leur inquiétude bourgeoise, un mononcle ou une matante aura décidé que chill, insane ou sick allaient sonner le glas de la langue française alors que depuis plusieurs décennies, on utilise au quotidien des centaines d’anglicismes : bumper, rack, shift, show, groupie, flusher, momentum, varia, lift, dispatcher, brakes, fan, bum, guts, week-end, overdose, puff, lousse, Boxing Day, kit, trip, timing, cheap, dealer, top, sold out, plug, booker, chum, pattern, back-order, cool, avoir de la drive… L’Office québécois de la langue française en répertorie plus de 300. Oh, il y a aussi top gun qu’il faudrait ajouter à cette liste.

Si prêcher par l’exemple doit venir d’en haut, il peut aussi venir d’en bas. Comme dans l’art urbain.

  • Art urbain

    PHOTO FOURNIE PAR ALEXANDRE ARNOLD

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Ainsi donc, cette semaine, un plaidoyer en photos.

Un constat de santé autour de cette langue qui continue de vivre, s’obstinant à survivre ; qui se parle et s’écrit toujours en 2023. Certains revendiquent sa sensibilité et l’importance de nous la faire voir sur le mobilier urbain avec une dose de dissidence qui, justement, fait état de sa pertinence et du bien-fondé de la contestation comme marqueur identitaire social valide et essentiel.

J’ai beaucoup de respect pour les gestes sauvages, et parfois moins pour ceux des corridors administratifs.

Sur cette langue, portée aussi par des artistes et des penseurs non officiels et pour qui elle est assez belle pour nommer et dire ce qu’on est. Sans faute et poétique. Faire la démonstration de l’écart monstrueux entre les intentions de la Bible et une simple brosse à dents.

Les images ci-dessus sont d’Alexandre Arnold, diplômé en beaux-arts de Concordia et chercheur en chimie à l’UQAM, qui en fait un magnifique projet photo.