Tout le monde l’a remarqué : Québec solidaire est largement absent du débat politique depuis les élections du 3 octobre dernier. Les résultats n’ont pas été mauvais : deuxième parti au vote populaire, un député de plus. Mais aussi, moins de voix qu’aux élections de 2018 et, surtout, une grande déception parce qu’on s’attendait à beaucoup mieux.

En plus, la défaite dans Rouyn-Noranda de la députée Émilise Lessard-Therrien, très appréciée de ses collègues et qui avait joué un rôle important dans le dossier de la Fonderie Horne, a été dure à accepter, même si QS a fait élire deux nouveaux députés.

Au premier caucus après les élections, les deux porte-parole du parti, Gabriel Nadeau-Dubois et Manon Massé, ont surtout insisté sur le fait que la formation avait su résister au tsunami caquiste et qu’on avait maintenant quatre ans pour bâtir la prochaine plateforme électorale.

Reste qu’au mieux, on peut dire que QS a fait du surplace à ces élections et devra redoubler d’efforts quand les travaux parlementaires reprendront, dans quelques semaines, avec la Coalition avenir Québec qui occupera toute la place à l’Assemblée nationale, laissant les trois partis de l’opposition se battre pour un peu d’attention.

Pendant que QS était essentiellement aux abonnés absents, le Parti québécois, avec l’aide de Charles III, occupait le devant de la scène. Avec le résultat prévisible que le PQ lui a ravi la deuxième place dans le dernier sondage de l’année.

Rien de très sérieux, mais c’est le prix qu’on doit payer quand on ne prend pas sa place.

Pas étonnant qu’il y ait une sorte de malaise chez des députés solidaires. On ne peut pas vraiment parler de division, mais il y a de l’insatisfaction qui a été exacerbée par le fait qu’il n’y a pas eu de véritable bilan de la campagne électorale.

Pour le chef parlementaire du parti, Gabriel Nadeau-Dubois, cela n’est pas nécessaire et il répète à qui veut l’entendre que la campagne électorale était jouée d’avance et que les résultats n’auraient pas été différents si les élections avaient eu lieu le 3 septembre plutôt que le 3 octobre.

Ce n’est pas faux, mais il faut quand même noter qu’il y a eu un tournant pour QS. Ce fut la présentation du plan fiscal au début de la campagne électorale, plan qui était inutilement compliqué, et donc difficile à expliquer en détail. D’ailleurs, dès le lendemain de sa présentation, QS devait reculer sur la question des terres agricoles.

Est-ce que la Dodge Caravan est un véhicule très polluant et qui doit donc faire l’objet d’une surtaxe ? Est-ce qu’un fonctionnaire à la retraite qui a un modeste régime de retraite et qui a passé sa vie à payer son duplex doit vraiment être taxé à titre de millionnaire ? C’est le genre de questions auxquelles les candidats de QS ont été confrontés pendant leur porte-à-porte.

« Ce n’était pas un programme politique, c’était un séminaire universitaire sur la fiscalité », s’est désolé un candidat.

Après des sondages qui, à ce moment-là, montraient que QS avait le vent dans les voiles et avait en vue la barre des 20 % des voix, les choses se sont mises à changer de manière sensible sur le terrain. Avec le résultat que l’on a vu le 3 octobre au soir.

C’est plus qu’une question de stratégie. La question va au cœur d’un débat qui a cours, bien qu’en sourdine, depuis la fondation du parti. Il y a des membres qui voient QS comme un parti tranquillement social-démocrate et d’autres, issus de mouvements beaucoup plus radicaux, qui considèrent comme une insulte d’être vus comme des sociaux-démocrates.

Cette tension existe depuis la fondation de QS et fait partie du décor autant que les souverainistes pressés et les partisans du « bon gouvernement » au Parti québécois.

Cela dit, personne ne remet en question le talent de Gabriel Nadeau-Dubois. Mais certains craignent qu’on tente d’escamoter un examen de ce qui a moins bien marché lors de la dernière campagne. « On a beau être de gauche, on n’est pas très portés sur l’autocritique », faisait remarquer un député.

Ce sera un débat d’autant plus aisé à escamoter que deux évènements incontournables attendent Québec solidaire au cours des prochains mois.

D’abord, il y aura la partielle dans Saint-Henri–Sainte-Anne, une circonscription que QS peut gagner. L’élection pour remplacer Dominique Anglade devrait donc avoir lieu au printemps et le candidat solidaire Guillaume Cliche-Rivard – qui a terminé deuxième, moins de 3000 voix derrière la cheffe libérale – a déjà indiqué qu’il serait de la course. Avec le PLQ qui connaît des jours difficiles, ce sera surtout un test pour QS.

Par ailleurs, les solidaires doivent tenir leur congrès à l’automne et on s’attend généralement à ce que la co-porte-parole du parti, Manon Massé, ne sollicite pas de nouveau mandat. Une course qui n’est pas encore commencée, mais qui pourrait avoir un gros impact sur l’image et même l’orientation du parti.