De la mise à jour du ministre des Finances, Eric Girard, on aura surtout retenu les chèques de Québec, comme bouclier anti-inflation, et une aide spéciale pour les aînés.

Difficile de faire autrement, des députés de la Coalition avenir Québec ont passé la fin de la dernière campagne électorale à rappeler aux électeurs que s’ils voulaient recevoir leur chèque, il fallait voter du bon bord. Ce n’était pas subtil et ce n’était pas conçu pour l’être.

Le problème, c’est que pendant que le Québec se dirige peut-être vers une récession — la possibilité, selon M. Girard, est passée d’une chance sur trois à l’automne à une sur deux aujourd’hui —, on ne peut que constater une dégradation des missions essentielles de l’État québécois.

On peut aussi se demander si cet argent ne va pas priver le gouvernement — si la récession devait être juste un peu plus forte que prévu — de ressources pour s’acquitter de ses missions essentielles.

D’abord la santé. On ne va pas rendre le gouvernement ou le ministre Christian Dubé responsable de la triple crise qui affecte ce secteur, soit l’épidémie de COVID-19 qui reprend ; les virus respiratoires, surtout chez les enfants, qui explosent ; et la grippe saisonnière qui serait plus virulente que d’habitude.

Il reste que l’ensemble du système de santé semble de façon permanente sur le bord de l’implosion. Et le ministre Dubé semble à court de solutions : il en est rendu à publier une lettre ouverte qui dit qu’il faut lui laisser encore du temps pour mettre en place son plan santé.

Peut-être, mais en attendant, le « temps supplémentaire obligatoire » continue pour les infirmières. Des gestionnaires stupides suspendent des employés pour le « vol » d’une modeste toast au beurre d’arachides. Bref, on ne voit toujours pas de changements promis et qui seraient susceptibles de donner un peu d’air à des employés débordés.

Et pour changer le sujet de conversation, le ministre Dubé revient avec une vieille idée, soit d’envoyer une facture aux patients indiquant combien a coûté leur hospitalisation.

On a fait cela peu après la création du régime d’assurance maladie dans les années 1970 et ce fut abandonné en catimini après quelques années parce que cela ne générait pas la reconnaissance escomptée.

C’est parce que les Québécois ont compris très tôt qu’ils payaient pour un régime d’assurance maladie par leurs impôts et que c’était tout sauf un cadeau du gouvernement, comme l’a malheureusement laissé entendre M. Dubé.

L’éducation est une autre mission de l’État qui se relève mal de la pandémie. On ne peut en rendre responsable le ministre Bernard Drainville, qui vient d’arriver.

Mais la vérificatrice générale critique durement le Ministère. Selon elle, il n’a pas les données qui lui permettraient de dire si les élèves québécois ont pris du retard pendant la pandémie.

En bref, le Ministère n’a pas demandé des comptes aux centres de services scolaires, qui semblent avoir gardé tous les défauts des anciennes commissions scolaires sans avoir donné les économies ou les autres avantages escomptés.

Quand le deuxième budget en importance de l’État québécois n’a pas de reddition de comptes qui vaille, on peut certainement se demander ce qui se passe dans des écoles.

Autre mission essentielle de l’État, avec un budget beaucoup plus modeste : la justice. Encore cette semaine, la juge en chef de la Cour supérieure disait, dans un véritable cri du cœur, que le système « tient avec du duct tape ».

Bien sûr, la Cour supérieure est de compétence fédérale et c’est Ottawa qui nomme les juges. Mais c’est Québec qui est responsable de l’administration de la justice.

« Notre système de justice a atteint ses limites et présente des risques alarmants de dérapage ou de rupture de services », a dit la bâtonnière du Québec, Catherine Claveau, pendant la campagne électorale, en demandant qu’on double le budget du ministère de la Justice.

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, LA PRESSE

Simon Jolin-Barrette, ministre de la Justice

Et pour cause : selon le ministre de la Justice, Simon Jolin-Barrette, quelque 50 000 dossiers sont à risque d’être abandonnés pour cause de délais inacceptables, comme le prévoit l’arrêt Jordan de la Cour suprême.

Des erreurs administratives — comme d’envoyer des documents sans exiger de signature — ont signifié l’annulation de près de 5000 poursuites.

Pendant que le système craque de partout, M. Jolin-Barrette est engagé dans une partie de bras de fer avec la juge en chef de la Cour du Québec, Lucie Rondeau, sur la nomination d’une quarantaine de juges et l’augmentation du temps consacré aux délibérés.

Qu’importe qui gagnera ou même qui a raison, la réalité, c’est qu’il faut plus de juges à la Cour du Québec et une augmentation des budgets, parce que les délais ne cessent d’augmenter et que pas moins de 500 employés sont partis l’an dernier, laissant les tribunaux avec encore moins de soutien.

Il faudra bientôt que le gouvernement s’occupe de choses moins rentables politiquement que d’envoyer des chèques et commence à se préoccuper des grandes missions de l’État. Parce qu’il devient évident que le système craque de partout.