Avec l’hiver, commence la saison des marches dans la neige. En politique, une « marche dans la neige », ça signifie les grandes réflexions sur l’avenir d’une carrière politique. Cela fait allusion à Pierre Trudeau, qui avait décidé de démissionner le 29 février 1984 après être allé marcher un soir de tempête.

Évidemment, il est trop tôt pour penser que Justin Trudeau va faire une marche dans la neige cet hiver. Après tout, les dernières élections fédérales ont eu lieu il y a seulement 14 mois et les libéraux ont un accord avec le NPD qui devrait voter avec le gouvernement jusqu’en 2025.

D’autant que le premier ministre semble bien en selle. Son récent témoignage devant le juge Paul Rouleau sur l’opportunité d’avoir recours à la Loi sur les mesures d’urgence semble avoir rassuré tous ceux qui pensaient que Justin Trudeau n’avait plus trop envie de rester premier ministre encore très longtemps.

En fait, M. Trudeau semble avoir envie d’affronter le nouveau chef conservateur Pierre Poilievre aux prochaines élections, même si les sondages actuels le placent en avance et qu’en 2025, il y aura 10 ans qu’il est au pouvoir, ce qui est, au Canada, la durée du cycle de vie d’un gouvernement.

Ce n’est donc pas le signe qu’il pourrait quitter le pouvoir que surveillent autant ses ministres que les partis de l’opposition. C’est l’idée qu’il pourrait bien ne pas aller faire « une marche dans la neige ».

Sa situation ressemble un peu à celle de Brian Mulroney à la fin de son second mandat après presque neuf ans au pouvoir. Il était convaincu, malgré les sondages, qu’il pouvait battre le chef libéral Jean Chrétien qu’au demeurant, il n’estimait guère.

Il a fallu qu’il arrive à la cinquième année de son second mandat pour réaliser qu’il n’allait pas être capable de renverser la vapeur. Il a finalement choisi d’annoncer son départ, le 24 février 1993.

M. Trudeau a donc du temps. Il aura tout le loisir de voir venir et d’espérer un changement dans l’opinion publique. Mais sa décision d’attendre encore un peu avant de décider de son avenir pourrait provoquer d’autres « marches dans la neige ».

Il y a des membres en vue de son Conseil des ministres qui voient des occasions qui s’offrent à eux maintenant et qui ne seront peut-être plus là dans deux ou trois ans.

Ainsi, c’est un secret de Polichinelle que la vice-première ministre et ministre des Finances, Chrystia Freeland, aimerait succéder à M. Trudeau.

Mais tout indique aussi que si celui-ci décidait de briguer un nouveau mandat, elle pourrait bien aller voir ailleurs. On la dit intéressée par le poste de secrétaire général de l’OTAN.

Un autre ministre qui a des ambitions est celui de l’Innovation, des Sciences et de l’Industrie, François-Philippe Champagne, dont on dit qu’il songe à une campagne au leadership libéral. Permettez qu’on pose la question : dans quelle capitale ?

Évidemment, il aimerait bien succéder à M. Trudeau. Mais une règle non écrite, vieille de plus d’un siècle, jouera contre lui, celle de l’alternance entre un chef francophone et un chef anglophone. La dernière fois qu’on a fait exception à cette règle remonte à 1880 quand Edward Blake a succédé à Alexander Mackenzie.

Cette même règle jouerait contre la ministre des Affaires étrangères, Mélanie Joly, si elle décidait de se présenter à la direction du Parti libéral du Canada (PLC).

En attendant, le nom de François-Philippe Champagne figure de plus en plus souvent dans les discussions internes au Parti libéral du Québec. Il a déjà dit ne pas être intéressé, mais elles ont repris de plus belle depuis que des candidats pressentis comme Pierre Moreau ont fermé la porte.

M. Champagne a certainement le profil recherché. Un francophone qui vient d’une région, la Mauricie, et qui a passé beaucoup de temps à parcourir le Québec. Avec un profil économique bien étoffé. Et à 52 ans, il est dans la fleur de l’âge.

Chose certaine, aucun des candidats potentiels n’a un curriculum vitæ qui s’approche de celui de François-Philippe Champagne.

Évidemment, la reconstruction du Parti libéral du Québec (PLQ) exigera beaucoup d’énergie de son nouveau chef. Ça tombe bien, M. Champagne en a à revendre. Ce n’est pas pour rien que son surnom est le « lapin Energizer ».

Évidemment, il y a longtemps que le PLQ est allé magasiner au Parti libéral du Canada pour se trouver un chef. La dernière fois, c’était Jean Lesage. Mais si c’était possible pour le PLQ d’accepter un conservateur fédéral comme Jean Charest, M. Champagne ne devrait pas causer trop d’ennuis.

Chose certaine, au rythme où vont les désistements dans la course à la direction du PLQ, les pressions sur M. Champagne vont reprendre de plus belle au cours des prochaines semaines. Ça ne garantit pas qu’il voudra faire le saut, mais il est certain que plusieurs, au PLQ, le voient déjà comme un candidat de premier plan.