Quand il s’est couché à Mar-a-Lago, lundi soir dernier, Donald Trump était certain qu’il serait consacré comme le grand vainqueur des élections de mi-mandat qui auraient lieu le lendemain.

Après tout, il avait choisi et financé bien des candidats, tenu de grands rassemblements de ses partisans un peu partout dans le pays et pas un seul républicain ne pouvait rivaliser avec sa popularité auprès des électeurs du parti. Il disait même qu’il allait annoncer sa candidature à la présidence en 2024 dès la semaine prochaine.

Il n’était pas le seul à penser ainsi. Chez les républicains, la seule question qui semblait se poser est : devrait-on appeler ça un tremblement de terre ou un tsunami rouge ?

Près d’une semaine plus tard, les jeux ne sont pas encore faits, même s’il semble probable que les républicains contrôleront de justesse la Chambre des représentants et que la majorité au Sénat se réglera plus tard, dans un deuxième tour de l’élection en Géorgie.

Les démocrates ne croient pratiquement pas à leur chance. Ils perdront entre 10 et 20 sièges à la Chambre des représentants alors que la moyenne pour le parti qui détient la Maison-Blanche depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale est de moins 27. Pour mémoire, Barack Obama en avait perdu 63 lors des élections de 2010.

Pourtant, tout devait jouer pour les républicains cette année. Les électeurs semblaient prêts à tenir des démocrates et le président Joe Biden responsables de l’inflation et des prix records de l’essence.

C’était compter sans la question de l’avortement. Depuis le jugement de la Cour suprême dans la cause Dobbs, qui a invalidé le célèbre arrêt Roe c. Wade, les États qui le veulent peuvent recriminaliser l’avortement.

Les démocrates, qui traditionnellement votent moins que les républicains aux élections de mi-mandat, avaient, cette année, une grande motivation pour aller voter.

On croyait que l’effet de la cause Dobbs allait s’estomper tout au long de l’été et de l’automne et que la situation économique allait être « la question de l’urne ». Mais les sondages de sortie des urnes démontrent le contraire.

Si l’économie était la principale motivation des électeurs avec 31 %, l’avortement était tout proche, au deuxième rang, avec 27 %.

Depuis les années 1980, les républicains avaient fait alliance avec la droite religieuse en lui promettant des juges qui allaient casser le jugement Roe c. Wade légalisant l’avortement. Ce fut un puissant moteur pour l’électorat républicain.

Mais les démocrates ont désormais un électorat aussi motivé de leur côté. L’un des observateurs les plus perspicaces de l’électorat américain, Tim Alberta du magazine The Atlantic, écrivait même que c’est « un nouvel univers » pour la politique américaine.

Mais il y avait bien d’autres mauvaises nouvelles pour Donald Trump dans la soirée de mardi dernier.

D’abord, un grand nombre des candidats qu’il avait personnellement choisis, financés et appuyés ont mordu la poussière. Que ce soit, au Sénat, Mehmet Öz en Pennsylvanie ou l’ancienne vedette du football Herschel Walker — en ballottage en Géorgie – ou plusieurs candidats à la Chambre.

Ce qu’on remarque un peu partout aux États-Unis, c’est que le seul fait de se réclamer de Trump ne fait plus recette. Le trumpisme s’est transformé en une sorte de culte de la personnalité dont le seul credo est que l’élection de 2020 lui a été volée. Sauf que maintenant, ça fait deux ans qu’il le dit, et qu’on n’en a toujours pas l’ombre d’une preuve.

M. Trump a tenté de faire élire ses partisans à des postes importants dans l’organisation de la prochaine élection — comme les secrétaires d’État — et la plupart d’entre eux ont aussi été défaits.

Il faut dire que le président Joe Biden a utilisé l’argument de la menace que cela faisait peser sur la démocratie elle-même au cours des derniers jours de la campagne pour mobiliser les démocrates, qui ont répondu à l’appel.

Si bien qu’après cette campagne dominée par l’image de M. Trump, même les partisans de celui-ci commençaient à s’interroger sur son avenir et l’utilité pour le parti de lui offrir le match revanche qu’il réclame.

« Chaque fois qu’il [Trump] parle de 2020, on perd », a dit le sénateur Lindsey Graham, l’un de ses plus fidèles alliés.

IMAGE TIRÉE DU SITE DU NEW YORK POST

La une du New York Post du 9 novembre

Mais le principal problème de M. Trump est qu’il a désormais un adversaire pour la nomination républicaine à la présidence, lui qui croyait écraser les prétendants potentiels dès la ligne de départ.

Ron DeSantis, gouverneur de la Floride, est tout aussi acceptable aux yeux des conservateurs que M. Trump, mais sans l’ego et le besoin démesuré d’être adulé. Ses résultats en Floride ont été impressionnants, avec une victoire déterminante dans la très démocrate ville de Miami, y compris dans la communauté latino.

On n’avait qu’à voir la une du New York Post – l’un des rares journaux qu’aime Donald Trump — avec une photo de DeSantis et la manchette « DeFUTURE » pour comprendre que, pour plusieurs, l’ère Trump est maintenant terminée.