C’est l’un des virus les plus dangereux, parce qu’il s’attaque à la démocratie elle-même. Un virus qui sévit aux États-Unis et qui aurait, selon une étude de l’Université McGill, franchi la frontière : les sympathisants conservateurs sont trois fois plus nombreux que ceux des autres partis à croire des théories complotistes à propos des dernières élections.

Voilà qui est très pernicieux. On le voit actuellement aux États-Unis où près de 400 candidats aux élections de mi-mandat croient au Big Lie selon lequel Donald Trump aurait gagné l’élection présidentielle de 2020, mais qu’il se serait fait voler l’élection.

C’est l’un des thèmes sous-jacents des élections de mi-mandat de la semaine prochaine, et beaucoup d’Américains craignent que leur système démocratique en sorte très amoché.

Ce qui est étonnant, c’est que les partisans du Big Lie ont des théories particulièrement déjantées. On parle de rayons provenant du Venezuela, de Chine et d’ailleurs qui auraient truqué le résultat des machines des bureaux de scrutin, avec la complicité de George Soros, des Clinton, et d’un cercle de pédophiles qui sévissait du sous-sol d’une pizzeria de Washington.

Ça dure depuis deux ans, et malgré toutes les contestations juridiques imaginables des résultats du scrutin devant tous les tribunaux possibles, on n’a pas trouvé un seul vote déposé illégalement dans l’urne ou la machine à voter lors de la présidentielle. Rappelons qu’il y a eu 7 millions de votes de plus pour Joe Biden que pour Donald Trump.

Qu’à cela ne tienne, à peu près tous les leaders du Parti républicain sont soit silencieux sur cette question, soit bien décidés à « reprendre le contrôle » du processus électoral.

Comme ce sont les États qui déterminent les règles, les élections à ce niveau — particulièrement celles de fonctions comme les secrétaires d’État — sont à suivre. Dans plusieurs cas, on voudrait que la législature de l’État ait le pouvoir de se prononcer sur des cas de « fraude » et puisse alors contredire le vote populaire. Rien de moins.

Bref, pour les républicains, si on gagne, c’est grâce à la volonté souveraine du peuple qui s’est exprimée aux urnes. Si on perd, c’est nécessairement parce que les adversaires ont triché. Et c’est précisément pour cela qu’il faut s’inquiéter que de telles attitudes puissent se retrouver chez nous.

D’abord, on notera — et c’est tout à son honneur — que le chef conservateur Éric Duhaime accepte sans réserve les résultats des élections du 3 octobre. Mais il doit en faire plus.

Ses partisans ont le droit d’être déçus du fait qu’un demi-million de voix conservatrices ne soient pas représentées à l’Assemblée nationale. Mais pas au point de remettre en question la légitimité des élections.

Le seul moyen de contrer toute cette désinformation est d’y répondre systématiquement, point par point, quoi qu’en disent ceux qui font profession de propager les théories du complot. M. Duhaime a une responsabilité particulière de le faire au sein de son parti.

Par exemple, au Québec, on a toujours utilisé un crayon de plomb pour marquer les bulletins de vote parce que le vote doit être secret et ne pas comporter un élément qui permettrait d’identifier l’électeur.

Penser qu’on peut effacer les bulletins remplis au crayon de plomb relève tout simplement du délire. D’autant que les directives d’Élections Québec sont limpides : « Toute marque permettant de connaître clairement l’intention de l’électrice ou de l’électeur est acceptée. »

Éric Duhaime a mené une campagne honorable en respectant les règles. Et il a tout à fait le droit de se plaindre d’un système électoral qui l’a mal servi. Mais il a une responsabilité particulière de remettre les pendules à l’heure à propos des théories du complot qui ont cours chez un nombre significatif de ses partisans.

Aux États-Unis, ce virus s’est développé à coup de petites et grandes lâchetés et surtout en raison du refus d’affronter ceux qui remettent carrément en question les principes démocratiques dès qu’ils ne gagnent pas.

Deux ans après l’élection présidentielle, les leaders républicains de la Chambre des représentants suivent encore aveuglément l’ancien président Donald Trump qui répète que l’élection de 2020 lui a été volée. Ce qu’il a dit, soit dit en passant, chaque fois qu’il lui est arrivé de perdre, ne serait-ce qu’une élection primaire.

Beaucoup d’Américains craignent que les élections de la semaine prochaine ne mettent en place un système qui permettra de contourner le résultat des urnes s’il ne fait pas l’affaire de certains.

Nous n’en sommes pas là au Québec, mais ce qui se raconte dans certains milieux conservateurs est inquiétant, même si cela n’atteint pas la virulence de ce qui se passe chez nos voisins. Il faut s’en occuper avant que ce virus ne devienne une sorte de pandémie antidémocratique.