L’un des buts avoués du premier ministre François Legault en formant son Conseil des ministres était de changer le ton, trop souvent inutilement acrimonieux, qui provenait de son gouvernement. On l’espère. Mais il aurait été plus efficace de changer les affectations de certains ministres.

Plus que jamais, l’environnement sera l’angle mort de ce gouvernement. Selon bien des groupes environnementaux, Benoit Charette n’a pas été à la hauteur des attentes pendant le premier mandat.

Et il est douteux qu’il le devienne au cours du nouveau, ne serait-ce qu’à cause des objectifs trop modestes que le gouvernement se donne pour réduire les gaz à effet de serre. Ainsi, en avril dernier, la mise à jour du plan vert présenté un an et demi plus tôt montrait qu’il n’était en voie de réduire que de moitié ses GES par rapport à ses propres cibles déjà modestes.

Mais, surtout, pour l’avenir, on peut se demander quel poids réel M. Charette aura au sein du Conseil des ministres.

Dans une « discussion animée » avec un collègue de la garde rapprochée du premier ministre, surtout s’il est question de développement économique, on peut douter que celui-ci tranchera en faveur du ministre de l’Environnement. En tout cas, si c’était arrivé souvent pendant le premier mandat, on le saurait.

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Benoit Charette, ministre de l’Environnement

Mais le principal problème pour M. Charette ne viendra pas de son gouvernement, mais d’Ottawa. La crédibilité du ministre fédéral de l’Environnement, Stephen Guilbault, n’est plus à faire et il aura tout le loisir de dénoncer des projets comme le troisième lien : bon pour les gaz à effet de serre et néfaste pour l’environnement.

Pendant ce temps, M. Charette aura les mains liées par certaines politiques de son propre gouvernement. Ce second mandat va être bien long pour le ministre de l’Environnement.

L’angle obtus du gouvernement est son ministre de l’Économie, qui vient d’élargir ses responsabilités en obtenant le portefeuille de l’Énergie. Sans compter le titre de responsable de la région de Montréal. Obtus dans le sens de large, bien sûr, mais aussi dans le sens de têtu. Ce qui, en politique, peut être un avantage autant qu’un problème.

Le danger dans une telle concentration de pouvoirs est que Pierre Fitzgibbon — qui en menait déjà très large au Conseil des ministres — supporte encore moins facilement la contradiction.

Ce n’est pas étonnant qu’on ait vu, ces derniers jours, une offensive préventive bien ciblée de la présidente d’Hydro-Québec, Sophie Brochu, contre le type de développement que privilégie M. Fitzgibbon, qu’elle qualifiait de « Dollarama de l’énergie ».

Pour éviter l’affrontement direct, le premier ministre Legault a formé un comité sur l’économie et la transition énergétique présidé par lui, et qui comprendra des ministres et la PDG d’Hydro.

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Pierre Fitzgibbon, ministre de l’Économie, de l’Innovation et de l’Énergie, ministre responsable du Développement économique régional, et ministre responsable de la Métropole et de la région de Montréal

C’est bien la première fois qu’un comité ministériel présidé par le premier ministre comprend quelqu’un qui ne fait pas partie du Conseil des ministres. Mais cela démontre combien il redoutait un éventuel départ de Mme Brochu après un affrontement avec M. Fitzgibbon. M. Legault a décidé qu’il ferait lui-même les arbitrages, plutôt que d’essayer de recoller les pots qui auraient été cassés.

Par ailleurs, la mairesse Valérie Plante s’est dite heureuse de voir M. Fitzgibbon devenir ministre responsable de Montréal. En fait, c’est une nomination à double tranchant. Pour les questions de développement économique, l’arrivée de M. Fitzgibbon — un Montréalais, même si sa circonscription est en banlieue — signifie la possibilité de faire débloquer rapidement des dossiers. Il y a des avantages à avoir un ami bulldozer.

Par contre, dans des dossiers importants pour les Montréalais comme le logement social, l’itinérance, la violence armée et l’inclusion, on ne peut pas dire que cela tombe droit dans les sensibilités de M. Fitzgibbon. Il reste à voir si on pourra amener le ministre à y consacrer des énergies.

Enfin, il y a un dossier qui exigera d’abord et avant tout de recoller les pots cassés et c’est celui de l’immigration : l’angle aigu du gouvernement, celui sur lequel on se pique.

La nouvelle ministre, Christine Fréchette, a tout ce qu’il faut pour réussir au ministère de l’Immigration, autant l’expérience des milieux d’affaires que les sensibilités internationales requises dans ce poste.

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Christine Fréchette, ministre de l'Immigration

Mais il est clair qu’après cette campagne électorale où l’immigration a le plus souvent été montrée par le premier ministre et ses collègues comme un problème et même un danger mortel pour la survie du français, sa priorité devra être de rétablir des ponts avec beaucoup de gens qui ont été blessés par les propos du chef de la CAQ.

Il faut souhaiter que la ministre n’ait pas trop souvent à réparer les pots cassés par ses collègues ministres — y compris le premier. Durant la campagne électorale, le discours de M. Legault n’était certes pas celui de l’ouverture et l’accueil.

Le premier ministre a indiqué qu’il voulait changer ce discours, mais il est si facile de retomber dans de vieilles habitudes, surtout quand on croit que c’est payant électoralement.