De l’avis général, François Legault mène une campagne très ordinaire, l’expression polie qu’on emploie pour ne pas dire « médiocre ». Mais après quatre semaines de campagne et deux débats, il devient évident que les partis de l’opposition ne réussiront pas à le faire trébucher.

La division du vote d’opposition entre quatre partis pourrait faire en sorte que la Coalition avenir Québec pourrait se retrouver avec une super-majorité de 75 ou 80 % des sièges à l’Assemblée nationale avec moins de 40 % des voix.

Trois des quatre chefs des partis de l’opposition ne sont pas du tout certains d’être élus dans leur circonscription, l’exception étant Gabriel Nadeau-Dubois dans Gouin. L’opposition officielle a toutes les chances de rester au Parti libéral à cause de ses forteresses de l’Ouest-de-l’Île, mais possiblement sans sa cheffe.

Dans les circonstances, l’opposition sera extra-parlementaire et il sera de plus en plus évident qu’elle viendra du monde municipal. Comprenons-nous bien, il ne s’agira pas d’une opposition au sens traditionnel du terme.

Mais les élus municipaux de cette nouvelle génération ne s’en cachent pas : leurs priorités sont aux antipodes de celles du gouvernement Legault. Le développement à tout prix fait place au développement durable. L’étalement urbain est contré par la densification des quartiers centraux. Le tout-à-l’auto se fait damer le pion par le transport en commun.

Ces maires sont à peu près tous d’une nouvelle génération de politiciens pour qui le municipal est un lieu de pouvoir plutôt que l’antichambre qui permet de préparer son passage à un ordre supérieur.

Autrefois, c’était vu comme une promotion pour un maire d’être élu député à Québec ou à Ottawa.

Aujourd’hui, il n’est pas rare de voir un député démissionner pour se présenter à la mairie. Ce n’est pas tant une question de prestige que d’être dans l’ordre de gouvernement qui est le plus proche des citoyens et où on peut en faire plus et plus facilement pour leur qualité de vie.

Pas étonnant, alors que ces maires ne se voient surtout pas comme des « créatures des provinces ». Ils sont même prêts à utiliser leur force politique pour faire changer d’idée un premier ministre qui refusait de les écouter.

Le 13 septembre, François Legault opposait une fin de non-recevoir à une demande exprimée par la mairesse de Montréal, Valérie Plante. Un plan de 2 milliards de dollars d’investissements pour adapter les infrastructures aux changements climatiques. Trois jours plus tard, il a ouvert un peu la porte, reconnaissant les besoins d’améliorer les infrastructures.

Il n’a sans doute pas nui que la veille, il avait davantage plu en un après-midi que la moyenne des précipitations pour l’ensemble du mois de septembre. Mais ce qui l’a fait changer d’idée, ce n’est pas tant ce déluge que les pressions politiques des maires et mairesses.

Il reste que l’environnement demeure l’angle mort de la CAQ, comme en fait foi tout le débat sur le troisième lien à Québec. Une saga qui serait comique si les enjeux n’étaient pas si importants. Après plusieurs versions du premier ministre sur les études appuyant le projet de tunnel, M. Legault, de guerre lasse, a dû admettre que, sans égard aux résultats des études d’experts, la décision était politique et qu’elle était donc déjà prise.

Évidemment, les maires n’auront pas le monopole de l’opposition extraparlementaire. Les syndicats, par exemple, ont l’habitude de jouer ce rôle dans leur secteur. Mais les maires auront toujours un avantage : ce sont des élus, au même titre que les députés. Et leur mandat a donc la même légitimité sur le plan politique.

Il sera de plus en plus difficile pour le gouvernement de jouer les villes les unes contre les autres ou de retenir le financement d’un projet pour en faire accepter un autre. Les électeurs voient de plus en plus clair dans de telles manœuvres et n’acceptent plus guère cette petite politique.

Mais surtout, les priorités des citoyens ont changé et les villes, qui constituent des gouvernements de proximité, seront beaucoup plus au diapason des demandes de leurs électeurs que le gouvernement du Québec.

Ainsi, quand on voit le maire de Laval, Stéphane Boyer, rêver tout haut de quartiers sans voitures dans une ville où le « tout-à-l’auto » était la norme encore tout récemment, on comprend que les choses ont beaucoup changé et que les politiciens comme M. Legault ne sont plus du bon côté de ce débat.

De même, le gouvernement Legault n’a pas manifesté beaucoup d’intérêt pour la crise du logement qui sévit depuis des années et qui a fait que le taux d’inoccupation est descendu à moins de 1 % dans plusieurs villes du Québec.

Il essaie de se reprendre en campagne électorale en promettant 11 700 nouveaux logements sociaux au coût de 1,8 milliard de dollars. Encore une fois, voilà longtemps que les maires dénonçaient son inaction.

Il faut donc s’attendre à ce que sa nouvelle opposition extraparlementaire lui demande des comptes sur ce dossier, et sur bien d’autres, au cours des quatre prochaines années.

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