François Legault doit se sentir un peu comme Al Pacino dans Le parrain III.

« Juste quand je croyais m’en être sorti, ils m’y ramènent. »

Mais contrairement au célèbre personnage fictif, le premier ministre se bat contre un ennemi sans pays ni visage, qu’il ne peut vaincre à lui seul.

En novembre, M. Legault disait, les doigts croisés, que le pire de la pandémie semblait derrière nous. En fait, elle revenait de l’arrière en reprenant de la vitesse pour le frapper comme un boomerang derrière la tête.

La dernière année de son mandat consistera, comme les deux précédentes, à gérer la crise.

La cinquième vague – s’il est encore pertinent de lui attribuer un chiffre – éclipsera la rentrée parlementaire cet hiver.

Deux dates sont à encercler au calendrier en janvier.

Le 13 janvier, Marguerite Blais devrait comparaître aux audiences de l’enquête du Bureau de la coroner. En arrêt de travail pour épuisement, elle n’avait pas pu y donner sa version à l’automne. Ce mandat risque d’être son dernier. Elle voudra défendre son héritage politique. Et puisqu’elle n’a rien à perdre, son passage pourrait donner des sueurs froides à ses collègues.

Plus tard en janvier, la commissaire à la santé et au bien-être, Joanne Castonguay, déposera son rapport attendu sur la « performance du système de santé » en ce qui concerne les aînés durant la pandémie. Son rapport préliminaire, déposé en septembre, jugeait le réseau « désorganisé » et en dénonçait le manque de vision et de données fiables. La suite ne devrait pas être plus positive…

L’opposition en profitera pour réclamer de nouveau une enquête publique sur la gestion de la pandémie. Mais le gouvernement caquiste plaidera que ce rapport, tout comme celui déjà déposé par la protectrice du citoyen, regorge de recommandations. L’heure est à l’action, plaidera M. Legault.

Il reste que tant que les audiences de la coroner feront entendre des témoignages contradictoires, comme ce fut le cas à l’automne, M. Legault sera sous pression pour faire toute la lumière avec une commission d’enquête publique.

Les caquistes ne seront pas les seuls à passer un hiver difficile.

La pandémie menace encore d’éclipser les libéraux, les péquistes et les solidaires, qui se battront pour les miettes de l’attention collective.

* * *

Une fois de plus, Christian Dubé, ministre de la Santé, sera sous les projecteurs. En plus de combattre la pandémie, il tentera de faire adopter deux projets de loi déposés à l’automne – le premier sur les données des patients, le second sur les données liées à la pratique des médecins généralistes et la centralisation de la plateforme de rendez-vous. La négociation avec les omnipraticiens se poursuivra également pour modifier leur mode de rémunération.

Un troisième projet de loi devrait suivre à l’hiver pour assouplir la gestion du réseau après la fin de l’état d’urgence. Québec s’est engagé à y mettre fin quand suffisamment de jeunes de 5 à 11 ans auraient été vaccinés – le taux visé n’a pas été chiffré.

Simon Jolin-Barrette, ministre de la Justice, sera lui aussi sous pression. Travaillant, il mène de front trois projets costauds sur la protection du français, l’identité de genre et le droit de la famille en matière de filiation.

Également au menu législatif : les réformes des garderies et de la Direction de la protection de la jeunesse par Mathieu Lacombe et Lionel Carmant. Après un laborieux début de mandat, ces ministres ont pris de l’assurance et inspirent désormais confiance.

Mais le gouvernement caquiste sera vulnérable sur d’autres fronts, comme les soins aux aînés.

Son projet d’assujettir des CHSLD privés aux normes du public – donc de les « conventionner » – devrait être bien reçu. Mais il lui reste encore à démontrer qu’une de ses promesses phares de 2018, les maisons des aînés, ne serait pas ruineuse étant donné l’ampleur du choc démographique.

Les caquistes seront aussi surveillés en environnement. Ils déposeront leur politique nationale d’architecture et d'aménagement du territoire – le terme « urbanisme » a été effacé, ce qui inquiète les écologistes. Proposer en même temps de construire un tunnel Québec-Lévis et de freiner l’étalement urbain, ce sera difficile à vendre…

À prévoir aussi : la bataille des cibles de réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES). Contrairement à ses adversaires, M. Legault refuse de se doter d’objectifs plus exigeants. Certes, ce serait préférable. Mais l’essentiel serait de commencer par montrer comment il atteindra son objectif actuel. Tant que l’opposition ne précisera pas elle-même comment elle y parviendrait, ses critiques perdront de leur mordant.

Bien malin qui peut prédire la teneur du dernier budget de son mandat, habituellement déposé en mars. On ne connaît pas les dégâts qui seront causés par Omicron. Mais à Québec, on dit vouloir éviter les bonbons préélectoraux et l’austérité. À suivre, donc.

Et enfin, il y aura « l’identité » québécoise.

M. Legault a causé la surprise en promettant de mettre à jour la Loi sur le statut de l’artiste. Il lui faudra du courage – chaque camp se battra pour tirer la couverture de son côté, et il sera impossible de plaire à tous.

Ce dossier sera toutefois éclipsé par les audiences de la Cour d’appel sur la loi 21 sur la laïcité.

Comme pour la pandémie, chaque fois que M. Legault croit avoir trouvé une solution, le sujet revient le hanter. Mais là aussi, c’est l’opposition qui risque encore plus d’en payer le prix. Car en matière de signes religieux, les libéraux et les solidaires savent que leur position est impopulaire auprès des électeurs et qu’elle divise leurs militants.

En fait, ce sont surtout les libéraux et les solidaires qui pourraient citer Al Pacino avec la laïcité. Une fois de plus, ils croyaient s’être sortis du débat, mais l’actualité les y replonge, pour le meilleur et le pire.