Avez-vous vu la dernière publicité gouvernementale sur la langue française ? On y voit Céline Dion et Gilles Vigneault, Jean Lesage et René Lévesque, Jean Béliveau et Xavier Dolan, Robert Bourassa et Joannie Rochette. Tous réunis, en photos, pour célébrer la fierté de parler français.

Normalement, il n’y aurait pas grand-chose à redire, si on fait exception du fait que nous entrons en année électorale.

Or, qui est en train de légiférer sur la langue ? Et qui parle du français comme une source de fierté dans ses discours officiels ? Le gouvernement Legault, bien évidemment. Ce qui fait qu’on est très proche de franchir la ligne qui sépare une publicité gouvernementale d’un message partisan.

Autre exemple : au cours de la dernière semaine, on a vu une conférence de presse pour annoncer une politique gouvernementale – le remplacement du cours d’Éthique et culture religieuse par un cours de Culture et citoyenneté québécoise.

Ont pris la parole à la suite du ministre Jean-François Roberge les comédiens Pierre Curzi, Ingrid Falaise et Dany Turcotte. Tous conscrits pour dire du bien de cette politique, qui était une promesse électorale de la Coalition avenir Québec.

Il s’agissait d’un évènement organisé par l’État qui a été transformé en opération partisane. D’autant que tout de suite après, on a vu un message vidéo où on retrouvait bien une douzaine de ministres – et le premier ministre François Legault – disant tout le bien de ce nouveau cours qui apprendra à tous « ce qu’on est comme Québécois ».

Mais ce qu’on notera, c’est qu’on essaie maintenant d’envelopper le message gouvernemental avec des approbations de gens connus du milieu culturel – une clientèle qui appartenait autrefois presque exclusivement au Parti québécois.

Dans un autre contexte, on appellerait cela de « l’appropriation culturelle ». Ou, tout au moins, de l’appropriation politique.

Il y a eu un lent glissement à la faveur de la perte d’intensité de la pandémie. Au début, il y avait les conférences de presse du premier ministre, du ministre de la Santé et du directeur national de santé publique. On y faisait le bilan de la pandémie et on expliquait les consignes sanitaires. Rien à redire, c’était bien évidemment ce qu’il fallait faire.

Mais avec le temps, on en est venu à passer de petits messages plus politiques. Un blâme à l’ancien gouvernement ou une réponse à une des rares critiques de l’opposition.

Mais on a surtout pris goût aux grandes conférences de presse diffusées en direct sur les réseaux d’information. Mais pour s’assurer de ces couvertures en direct, il fallait ajouter un petit quelque chose, d’où l’idée d’inviter des artistes connus et appréciés du public à y assister – et à dire quelques bons mots pour une politique gouvernementale ou une autre.

Mais on doit aussi surveiller la publicité gouvernementale. Et plus les élections vont approcher, plus elle a tendance à se rapprocher d’un discours partisan. Parce que la ligne entre les deux est souvent bien mince.

Revenons à cette publicité sur la fierté de parler français. Normalement, il y aurait là bien peu de choses qui puissent choquer. Le problème, c’est qu’elle soit mise en ondes quelques jours à peine après le discours inaugural de la session dans lequel c’était un message central du premier ministre.

La « cohésion nationale trouve sa source dans notre histoire commune, dans notre culture, dans notre façon de vivre ensemble ainsi que dans notre langue. Cette cohésion nationale est très précieuse et doit être cultivée dès l’enfance », disait M. Legault.

En passant, a-t-on demandé aux gens dont on utilisait l’image – ou à leur famille dans le cas des personnes décédées – l’autorisation de figurer dans ce message publicitaire ?

Mais il est clair que pour la publicité gouvernementale, il y a eu glissement à la faveur de la pandémie. Entre mars 2020 et février 2021, le gouvernement du Québec a dépensé à lui seul plus que le gouvernement fédéral et toutes les autres provinces qui ont publié leurs chiffres.

On parle ici de 133,5 millions de dollars en publicité. Quand le gouvernement du Québec dépense trois fois plus que le gouvernement fédéral pour le Canada tout entier, il y a des raisons de s’inquiéter. Et de penser qu’on n’a pas passé que des messages incitant les gens à se faire vacciner.

Quand on pense que, lorsqu’elle était dans l’opposition, la CAQ avait vertement critiqué le gouvernement précédent pour des dépenses de 7,8 millions de dollars qu’elle considérait comme de la propagande.

Dans l’année électorale qui s’amorce, il sera encore plus important de faire la différence entre un message gouvernemental d’intérêt public et un message qui glisse plus ou moins doucement vers le discours partisan.

Et il faudra se méfier des vedettes qui viennent, volontairement ou pas, valider le discours gouvernemental par leur simple présence.

Dans les deux cas, on assiste à un glissement très évident depuis quelques mois et on doit être vigilant pour que les habitudes prises au cours des derniers mois par le gouvernement caquiste ne s’accentuent pas au fur et à mesure qu’on se rapproche de l’échéance électorale.