Qu’il s’agisse de drag queens, de compétitions sportives ou même de toilettes, les questions liées à l’identité et à l’expression du genre suscitent des discussions animées. Or, pour beaucoup de gens, la pluralité des genres reste un concept assez abstrait. Marie-Philippe Phillie Drouin, à la direction générale de l’organisme Divergenres, propose quatre sources pour mieux naviguer dans cet univers parfois étonnant.

Une expo : à chacun son genre

  • L’exposition Unique en son genre s’intéresse notamment aux luttes pour l’égalité des genres, du féminisme au mouvement trans.

    PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, LA PRESSE

    L’exposition Unique en son genre s’intéresse notamment aux luttes pour l’égalité des genres, du féminisme au mouvement trans.

  • L’exposition vise à mieux faire comprendre tout ce qui touche au genre.

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    L’exposition vise à mieux faire comprendre tout ce qui touche au genre.

  • La binarité sexuelle est un mythe. « Beaucoup de sociétés traditionnelles s’organisent avec plus que deux catégories », dit Marie-Philippe Phillie Drouin, qui a collaboré à la conception de l’exposition.

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    La binarité sexuelle est un mythe. « Beaucoup de sociétés traditionnelles s’organisent avec plus que deux catégories », dit Marie-Philippe Phillie Drouin, qui a collaboré à la conception de l’exposition.

  • L’exposition célèbre la résilience et la créativité des personnes trans.

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    L’exposition célèbre la résilience et la créativité des personnes trans.

  • La visite au Musée de la civilisation de Québec se fait en un peu plus de deux heures.

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    La visite au Musée de la civilisation de Québec se fait en un peu plus de deux heures.

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« Tout le monde a une identité de genre, donc tout le monde est concerné », commence Marie-Philippe Phillie Drouin. Peu importe que cette identité corresponde aux attributs biologiques (cisgenre) ou pas (transgenre), par exemple. Présentée au Musée de la civilisation, à Québec, l’exposition Unique en son genre veut mieux faire comprendre tout ce qui touche au genre. Et déconstruire au passage certains mythes, comme celui de la binarité. « La sexuation chez les animaux ou les humains est complexe », même du point de vue des organes génitaux, plus variés qu’on le pense. « La non-binarité, ce n’est pas un phénomène de millénariaux qui veulent de l’attention. Beaucoup de sociétés traditionnelles s’organisent avec plus que deux catégories », dit Marie-Philippe Phillie Drouin, qui a collaboré à la conception de l’exposition. La division entre le masculin et le féminin est une norme sociale, qui valide certaines identités et en marginalise d’autres. Et qui a un impact sur les dynamiques de pouvoir dans une société. L’exposition s’intéresse d’ailleurs aux luttes pour l’égalité des genres, du féminisme au mouvement trans. Et célèbre aussi la résilience et la créativité des personnes trans. La visite se fait en un peu plus de deux heures.

Unique en son genre, présentée au Musée de la civilisation, à Québec, jusqu’au 14 avril 2024

Consultez le guide de l’exposition

Une série : des identités en quête de personnages

Les personnages transgenres ou non binaires intéressants restent trop rares à la télévision québécoise, estime Marie-Philippe Phillie Drouin, qui utilise le pronom « iel ». « C’est toujours les deux ou trois mêmes stéréotypes qui sont représentés, la réalité est beaucoup plus diversifiée. » Femmes trans blanches, pour la plupart, sans handicap, dont la vie est marquée par le drame, la violence, la toxicomanie, l’exclusion, ces personnages « victimisent les personnes trans et servent essentiellement à éduquer les personnes cis ». L’organisme Divergenres, qui fait de l’éducation populaire et accompagne les personnes qui se questionnent sur leur genre ou sont en transition, s’apprête d’ailleurs à publier, en collaboration avec l’Université Laval, une étude qui détaille ce constat. Marie-Philippe Phillie Drouin préfère se tenir loin de « ces trans de service ». Or, une amie lui a chaudement recommandé la série canadienne Sort Of, de la CBC, dont la version française baptisée En quelque sorte est diffusée sur l’Extra de Tou.tv. « Une fiction centrée sur une personne non conforme dans le genre, qui n’est pas blanche et qui est en contact avec d’autres personnages queers, où il est question de thèmes comme les relations au travail et avec la famille, dans toutes leurs nuances », voilà qui fait changement au petit écran.

Regardez En quelque sorte sur l’Extra de Tou.tv

Une bande dessinée : enfance et transidentité

IMAGE TIRÉE DU SITE WEB DES ÉDITIONS DENT-DE-LION

Extrait de la bande dessinée Assignée garçon – Ambiance trans de feu, de Sophie Labelle

Pour aborder la question de l’identité de genre avec les enfants ou les ados, les bandes dessinées de Sophie Labelle, dont Assignée garçon – Une ambiance trans de feu, sont une précieuse source. L’auteure, une militante trans qui vit à Montréal, « a un humour qui parle vraiment très bien aux 12-20 ans », souligne Marie-Philippe Phillie Drouin. Voilà un autre rare espace fictif où le personnage trans n’a pas comme unique fonction d’éduquer les gens « ordinaires ». Sophie Labelle, qui ne cache pas son côté revendicateur, touche à de nombreux aspects de la réalité trans, dont la colère face à un monde qui impose parfois sa rigidité sans ménagement. Comment d’ailleurs expliquer les réactions parfois très émotives dès qu’il est question de transidentité, en particulier quand elle concerne des enfants ? « De dire que les organes génitaux ne définissent pas la place que tu occupes dans la société, ça va à l’encontre d’un apprentissage qui est vraiment ancré chez les gens », répond Marie-Philippe Phillie Drouin, pour qui cette transgression des normes, comme toutes les transgressions, menace un certain ordre établi. Et provoque un ressac. Un peu comme les luttes pour le droit de vote des femmes ou les droits civiques à d’autres époques…

Assignée garçon – Ambiance trans de feu

Assignée garçon – Ambiance trans de feu

Dent-de-lion

234 pages

Une formation : devenir expert des genres

IMAGE TIRÉE DE LA FORMATION

L’Institut national de santé publique offre gratuitement en ligne la formation « Sexes, genres et orientations sexuelles : comprendre la diversité ».

C’est souvent aux personnes non conformes qu’incombe la responsabilité d’expliquer la transidentité et la pluralité des genres. Un exercice complexe, parfois confrontant, même quand les interlocuteurs sont bien intentionnés. « C’est extrêmement lourd pour les personnes qui n’ont rien demandé – et qui veulent juste vivre avec dignité – de devoir éduquer, argumenter, s’exposer, témoigne Marie-Philippe Phillie Drouin. Moi, ça m’a tellement tanné que j’en ai fait un métier. » Bonne nouvelle : inutile de tourmenter le premier trans venu pour connaître sa réalité. L’Institut national de santé publique offre en effet gratuitement en ligne la formation « Sexes, genres et orientations sexuelles : comprendre la diversité ». Conçue pour les employés du milieu de la santé et des services sociaux, cette formation est néanmoins ouverte à tous. Elle dure quatre heures et se penche notamment sur les origines des préjugés liés à la diversité des genres et les impacts de la discrimination. Par l’entremise de graphiques, de questionnaires, et grâce au concours de chercheurs renommés, cette « formation très complète permet d’avoir les connaissances et les compétences nécessaires pour développer un savoir-être et un savoir-dire adéquats », conclut Marie-Philippe Phillie Drouin, qui croit que le système d’éducation devrait offrir ce genre d’outils aux élèves québécois.

Consultez le site de la formation de l’Institut national de santé publique

Qui est Marie-Philippe Phillie Drouin ?

  • Marie-Philippe Phillie Drouin, qui possède un baccalauréat en travail social de l’UQAM, s’implique depuis une dizaine d’années dans le milieu LGBTQ+.
  • Aujourd’hui à la direction générale de Divergenres, un organisme communautaire qui fait de la défense collective des droits des personnes trans dans la Capitale-Nationale, Marie-Philippe Phillie Drouin milite notamment pour la pleine reconnaissance des personnes non binaires.
  • Marie-Philippe Phillie Drouin a écrit Des mots pour exister. Cet ouvrage de référence recense le vocabulaire LGBTQ+ utilisé en français au Québec.