Les enfants ont changé parce que leur éducation et leurs parents ont changé, expliquent tous les experts consultés pour ce dossier.

En quoi les parents d’aujourd’hui sont-ils différents ?

Annie Loiseau, pédopsychiatre : « On a beaucoup de parents épuisés. C’est pire depuis la pandémie. Les enfants ont besoin d’un encadrement, les parents rentrent le soir, c’est difficile de mettre une limite aux enfants, de se battre avec. C’est plus facile d’acheter la paix. Ça marche bien, mais à long terme, l’enfant n’apprend pas à gérer les frustrations, à tolérer les délais, à fonctionner dans un cadre avec des limites, ce qui entraîne des troubles de comportement. »

Les parents font-ils des choses en pensant aider leur enfant qui, au contraire, leur nuisent ?

Benoît Hammarrenger, neuropsychologue : « Oui, argumenter et expliquer quand on demande à l’enfant de faire quelque chose ou quand on dit non à sa demande. Les parents ont l’impression qu’ils sont de bons parents s’ils expliquent calmement à leur enfant pourquoi ils doivent se coucher, qu’il faut se brosser les dents pour éviter les caries. La plupart de ces discussions n’apprennent pas à l’enfant l’importance du brossage de dents, mais plutôt qu’il a le droit d’argumenter et qu’il peut contredire l’autorité. Ça indique à l’enfant qu’il est au même niveau que l’adulte, qu’il n’y a pas de hiérarchie. Ça lui apprend des choses qu’on ne veut pas lui apprendre. »

Comment se fait-il que l’intuition des parents, en matière d’éducation, fonctionne moins qu’en 1980 ?

Benoît Hammarrenger : « Il y a un temps où les enfants s’adaptaient à la discipline des parents. Aujourd’hui, les parents s’adaptent aux enfants. À une autre époque, les parents utilisaient effectivement leur intuition. Parfois ça marchait moins bien, mais ça finissait par s’harmoniser. […] Il y a aussi une différence dans les outils de discipline qui étaient disponibles dans les années 1970, 1980, 1990. […] Monter le ton, mettre des conséquences, on a l’impression que ça ne fait pas partie de la psychologie positive, ce qui n’est pas vrai. Ça fait partie d’élever les enfants d’avoir une approche plus encadrante. »

Quelle est la plus grande erreur que les parents commettent ?

Linda Pagani, psychoéducatrice et chercheuse : « C’est de ne pas être assez encadrant lors de la petite enfance et après. L’encadrement est nécessaire pour éviter la rébellion et les enfants qui nous repoussent quand on dit non. Il faut des règlements, une routine. On ne peut pas commencer à gérer les habitudes de son enfant rendu au secondaire. L’autre chose qu’il faut, c’est de l’affection, et les deux doivent toujours être d’importance égale. Si on est très autoritaire, il faut être très affectueux. Il faut être les deux en même temps. »

Que peuvent faire les parents pour aider leurs enfants à être bien, tout simplement ?

Jean-François Chicoine, pédiatre : « Les enfants veulent jouer, c’est tout. Un enfant, il faut que ça joue, que ça parle et que ça fasse preuve d’imagination. Ce sont trois données hyper importantes avant l’âge de 5-6 ans. Combien d’enfants ne jouent pas trois heures par jour avant l’âge de 6 ans ? Une grande majorité. Pourtant, ça réglerait bien des problèmes. »

Linda Pagani : « J’aimerais que les parents pensent plus au moment présent. On ne sait même pas ce qu’est la pleine conscience ! On pense que c’est faire des mouvements de yoga. Ce n’est pas ça. Quand tu pellettes de la garnotte, tu penses à la garnotte. Quand on soupe en famille, on parle de notre journée. Quand on n’est pas en pleine conscience, on est moins intelligent, tant sur le plan émotionnel que sur celui de l’intelligence fluide (le raisonnement). »

Les parents devraient-ils se sentir coupables si leur enfant éprouve des difficultés ?

Jean-François Chicoine : « Le parent est trop seul dans notre monde. Il se culpabilise, mais au fond, c’est son réseau qui n’est pas là. Tous les milieux autour de lui ne le soutiennent pas. C’est ça qu’il faut ramener pour aider la situation. »

Comment aider nos enfants ?

  • Favoriser le bricolage, les jeux dans la nature, les activités demandant de la dextérité fine, de la créativité.
  • Pratiquer la pleine conscience avec ses enfants pour développer la capacité de concentration.
  • Faire bouger les enfants (3 heures par jour jusqu’à 6 ans).
  • S’assurer que l’enfant dorme suffisamment.
  • S’assurer que l’enfant mange bien (varié, le moins transformé et industriel possible, beaucoup de fibres et de couleurs dans l’assiette).
  • Encadrer ses enfants (pour qu’ils apprennent à respecter l’autorité, la hiérarchie, à suivre une consigne) tout en leur offrant autant d’affection.
  • Éviter d’argumenter avec les enfants pour les convaincre de suivre une consigne.
  • S’assurer que le temps d’écran ne gruge pas le temps de jeu, de parole, d’activités physiques, d’interactions sociales.
  • Ne pas empêcher l’enfant de vivre des échecs formateurs.
  • Veiller à ce que l’enfant fasse des choses difficiles, longues, qui demandent des efforts, de la patience, de la persévérance.
  • S’assurer que ses enfants jouent avec d’autres enfants dehors.
  • Manger en famille et en profiter pour discuter de sa journée.
  • Éviter d’avoir des attentes uniformes ou trop élevées dans un groupe.
Lisez Éducation : Qu'est-ce qui cloche avec nos enfants ? (1re partie de notre dossier) Lisez Éducation : La société a changé (2e partie de notre dossier)