Vous maugréez en faisant vos impôts ? Vous faites partie de la moitié des Québécois qui estiment en payer trop ? Plus un pays a un fardeau fiscal lourd, plus vous avez de chances d’être heureux. Et riche. Sceptique ? Nous allons vous en faire la démonstration.

Payer des impôts rend-il heureux ?

  • Scène de rue à Helsinki, capitale de la Finlande. Pour la sixième année consécutive, le pays, qui a un fardeau fiscal très lourd, est le pays le plus heureux au monde, avec une note de 7,8 sur 10 dans un rapport produit par un groupe de chercheurs universitaires.

    PHOTO JUHO KAVA, ARCHIVES THE NEW YORK TIMES

    Scène de rue à Helsinki, capitale de la Finlande. Pour la sixième année consécutive, le pays, qui a un fardeau fiscal très lourd, est le pays le plus heureux au monde, avec une note de 7,8 sur 10 dans un rapport produit par un groupe de chercheurs universitaires.

  • Tromso, en Norvège. Ce pays nordique se classe aussi très haut dans le classement du bonheur.

    PHOTO SERGEY PONOMAREV, ARCHIVES THE NEW YORK TIMES

    Tromso, en Norvège. Ce pays nordique se classe aussi très haut dans le classement du bonheur.

  • Stockholm, capitale de la Suède. Tout comme dans les pays voisins, les contribuables doivent composer ici avec un lourd fardeau fiscal, mais sont parmi les plus heureux.

    PHOTO LINUS SUNDAHL-DJERF, ARCHIVES THE NEW YORK TIMES

    Stockholm, capitale de la Suède. Tout comme dans les pays voisins, les contribuables doivent composer ici avec un lourd fardeau fiscal, mais sont parmi les plus heureux.

  • Même chose pour le Danemark. Ici, des passants admirent les arbres en fleur dans un cimetière de Copenhague.

    PHOTO ARCHIVES REUTERS

    Même chose pour le Danemark. Ici, des passants admirent les arbres en fleur dans un cimetière de Copenhague.

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Nous y sommes : il ne vous reste que quelques heures pour faire vos impôts.

Ah, la damnée saison des impôts !

Je me souviens encore de la soirée où mes parents faisaient leurs impôts quand j’étais enfant. Il y avait plein de papiers sur la table de la cuisine, mon frère et moi avions la permission de regarder la télé toute la soirée, et on entendait mon père rouspéter quand ses calculs « faits à la mitaine » n’arrivaient pas…

Aujourd’hui, on ne fait plus ses impôts « à la mitaine ». Mais beaucoup de contribuables continuent de maugréer quand vient le temps de remplir leur déclaration de revenus. Parce qu’ils sont en retard. Qu’il leur manque un formulaire. Qu’ils regardent le montant d’impôt payé en se disant : ouf, c’est beaucoup d’argent !

Un Québécois sur deux pense qu’il paie trop d’impôt.

Si c’est votre cas, on a une bonne nouvelle pour vous : vos impôts vous rendent secrètement… plus heureux.

Dans les pays développés, en général, plus le fardeau fiscal est lourd, plus vous êtes heureux. Et ce n’est pas tout : vous êtes aussi en moyenne plus riche.

Vous n’y croyez pas ? Voici la preuve.

Chaque année, pour la Journée internationale du bonheur, le 20 mars, un groupe de chercheurs universitaires publie un rapport sur le bonheur. Ces chercheurs indépendants – des économistes renommés, mais aussi des psychologues – classent les pays selon leur niveau de bonheur.

Il s’agit d’un rapport très sérieux, publié par le Réseau de solutions pour le développement durable des Nations unies. Les chercheurs proviennent entre autres de l’Université Oxford, de la London School of Economics, de l’Université Columbia à New York et de deux universités canadiennes (UBC, Simon Fraser).

Pour classer les pays selon leur niveau de bonheur, le rapport utilise six critères. Un critère économique, le PIB par habitant. Les cinq autres sont des réponses au sondage mondial de Gallup sur la santé mentale et physique, le niveau de soutien social, la liberté de faire des choix de vie, le niveau de générosité, et la perception de la corruption.

Pour la sixième année consécutive, la Finlande, qui a un fardeau fiscal très lourd, est le pays le plus heureux au monde, avec une note de 7,8 sur 10. Cinq des sept pays les plus heureux au monde ont aussi un fardeau fiscal parmi les plus lourds.

Est-ce un hasard ? Ou payer des impôts rend-il plus heureux ?

Pour répondre à cette question, nous avons pris un groupe de 25 pays développés semblables au Canada. Des pays comme le Danemark, le Japon, les États-Unis, l’Australie, la Suisse qui ont une démocratie stable, un État de droit, une population d’au moins 4 millions de personnes, et qui ne sont pas en guerre.

Nous les avons divisés en trois groupes selon leur fardeau fiscal (cela inclut tous les types d’impôts et de taxes), de celui où il est le plus lourd à celui où il est le plus léger.

Un constat s’impose : le groupe de pays avec le fardeau fiscal le plus lourd est en moyenne le plus heureux.

« Ça ne me surprend pas de découvrir que les sociétés avec un fardeau fiscal lourd et qui le dépensent judicieusement sont parmi les sociétés les plus heureuses », dit l’économiste Tim Besley, professeur à la London School of Economics et l’un des auteurs du rapport annuel sur le bonheur.

En plus, il s’agit du groupe de pays où l’écart de bonheur est le moins prononcé entre la moitié des citoyens les plus heureux et la moitié des citoyens les moins heureux. Bref, le bonheur est réparti de façon plus égale dans les pays où le fardeau fiscal est le plus lourd.

Mais attention, le bonheur n’est pas le seul avantage de payer beaucoup d’impôts.

***

Vous ne croyez pas à l’indice du bonheur et ne jurez que par les données économiques ?

Vous risquez aussi d’être surpris : les pays avec le fardeau fiscal le plus lourd sont en moyenne plus riches. Ils ont un PIB par habitant plus élevé et une croissance économique depuis 11 ans plus forte que celle des deux autres groupes.

Pour faire nos calculs, nous avons fait un ajustement aux données économiques de l’Irlande, dopées par son statut de paradis fiscal pour les multinationales.

Pourtant, on entend de la part de la droite que des baisses d’impôt et un fardeau fiscal peu lourd permettent de stimuler la croissance économique. À long terme, les chiffres ne justifient pas cette affirmation. Ils pourraient même tendre à démontrer le contraire.

« La preuve de cette théorie [baisses d’impôts = croissance économique] est extrêmement faible, dit l’économiste Tim Besley, de la London School of Economics. Ce qui stimule la croissance, ce sont les investissements. La fiscalité n’est pas un facteur déterminant des investissements tant que les taux d’imposition sont raisonnables et non répressifs. »

PHOTO TIRÉE DE WIKIPÉDIA

Tim Besley, économiste de la London School of Economics

En plus, si vous avez un fardeau fiscal plus lourd, vous pouvez financer davantage d’investissements publics qui sont importants pour la croissance économique, comme le système d’éducation, les infrastructures et le système judiciaire.

Tim Besley, économiste de la London School of Economics

Les pays ayant un fardeau fiscal lourd sont aussi ceux où les inégalités économiques sont plus faibles.

« On constate que plus il y a de fiscalité, plus l’État intervient, moins il y a d’inégalités de richesse et de bonheur, et vice-versa », résume l’économiste québécois Pierre Emmanuel Paradis, président de la firme d’analyse économique AppEco.

Conclusion : les pays avec un fardeau fiscal lourd sont généralement plus heureux, plus riches, et ont une meilleure croissance économique.

Apprenez-en davantage sur nos calculs

Nous avons pris 25 pays développés semblables au Canada, à partir d’une liste de pays dans le Bilan de la fiscalité au Québec (édition 2023), publié par la Chaire en fiscalité et en finances publiques de l’Université de Sherbrooke. Nous avons pris tous les pays dans cette liste avec une population d’au moins 4 millions de personnes, où règne un État de droit et qui n’est pas en guerre. Nous avons divisé ces 25 pays en 3 groupes selon leur fardeau fiscal (lourd, moyen, léger). Il y a huit pays dans le premier groupe (fardeau fiscal lourd), neuf pays dans le deuxième groupe (fardeau fiscal moyen) et huit pays dans le troisième groupe (fardeau fiscal léger).

Pour obtenir le niveau de bonheur moyen du groupe, nous avons pris l’indice du bonheur de chacun des pays selon le Rapport mondial sur le bonheur, publié en mars 2023 par le Réseau de solutions pour le développement durable des Nations unies.

Pour obtenir le niveau de richesse, nous avons pris les données économiques de la Banque mondiale (le PIB par habitant en 2021 pour la richesse ; la croissance du PIB par habitant entre 2010 et 2021 pour la croissance économique). Nous avons utilisé le PIB par habitant en dollars internationaux selon la parité du pouvoir d’achat. Les dollars internationaux sont une monnaie fictive avec le même pouvoir d’achat dans un pays donné qu’un dollar américain aux États-Unis, pour une année donnée (2021 dans notre cas).

Pour le PIB par habitant, nous avons fait deux ajustements. Premièrement, nous avons conservé seulement 60 % du PIB de l’Irlande, parce que le PIB de ce pays est dopé à 40 % par son statut de paradis fiscal pour les multinationales, selon un rapport de l’économiste Patrick Honohan, ex-gouverneur de la Banque centrale d’Irlande⁠1. Ces 40 % du PIB ne rendent pas les Irlandais plus riches en pratique. L’Irlande fait partie du groupe des pays avec le fardeau fiscal le moins lourd. Sans cet ajustement, le PIB moyen par habitant de ce groupe serait de 61 375 dollars internationaux. Deuxièmement, nous avons retranché 4,3 % au PIB de la Norvège, qui fait partie du groupe des plus imposés, pour soustraire sa richesse pétrolière. Pour la croissance économique, nous n’avons pas tenu compte de la croissance économique de l’Irlande, pour les mêmes raisons que celles expliquées précédemment. Avec l’Irlande, la croissance économique moyenne du groupe des pays les moins imposés est de 3,8 % par an.

Par ailleurs, dans nos résultats, on remarque que le groupe des pays les moins imposés (le troisième groupe) est en moyenne plus heureux, plus riche et a une meilleure croissance économique que le groupe des pays avec un fardeau fiscal moyen (le deuxième groupe). Dans ce deuxième groupe, on compte notamment la Grèce, qui a connu une crise économique importante de 2010 à 2018 et qui a le plus faible PIB par habitant de notre groupe de 25 pays. En enlevant la Grèce, le groupe des pays avec un fardeau fiscal moyen est presque aussi heureux (indice de bonheur de 6,76 sur 10) que les pays avec une fiscalité peu élevée (indice de 6,81). Il reste néanmoins moins riche que le groupe des pays les moins imposés (PIB par habitant), mais sa croissance économique est légèrement plus forte (3,2 %/an contre 3,1 %/an).

En séparant les 25 pays en deux groupes (plutôt que trois), nous arrivons aux mêmes conclusions : le groupe de 12 pays avec un fardeau fiscal lourd est plus heureux et plus riche que le groupe de 13 pays avec un fardeau fiscal léger. La croissance économique annuelle du premier groupe (fardeau fiscal lourd) est de 3,0 %, celle du deuxième groupe (fardeau fiscal léger) de 3,1 %.

1. https://www.centralbank.ie/docs/default-source/publications/economic-letters/vol-2021-no-1-is-ireland-really-the-most-prosperous-country-in-europe.pdf ; https://www.politico.eu/article/ireland-gdp-growth-multinationals-misleading/ ; https://www.irishtimes.com/business/economy/we-re-not-as-rich-as-we-have-been-told-to-think-we-are-1.4476247

Qu’est-ce qui fait le bonheur ?

  • Des gens dansent dans un parc de Copenhague. Dans les faits, les Finlandais et les Danois ne sont pas plus heureux parce qu’ils paient davantage d’impôts. Ils sont plus heureux entre autres parce qu’ils vivent dans une société qui offre des services gouvernementaux qu’ils apprécient et un filet social important.

    PHOTO HANNAH MCKAY, ARCHIVES REUTERS

    Des gens dansent dans un parc de Copenhague. Dans les faits, les Finlandais et les Danois ne sont pas plus heureux parce qu’ils paient davantage d’impôts. Ils sont plus heureux entre autres parce qu’ils vivent dans une société qui offre des services gouvernementaux qu’ils apprécient et un filet social important.

  • Des passagers dans un bus à l’hydrogène, aux Pays-Bas. Des impôts élevés permettent de financer des services de meilleure qualité.

    PHOTO ILVY NJIOKIKTJIEN, ARCHIVES THE NEW YORK TIMES

    Des passagers dans un bus à l’hydrogène, aux Pays-Bas. Des impôts élevés permettent de financer des services de meilleure qualité.

  • Une famille dans les rues de Stockholm, en Suède. Un bon filet social tend à diminuer les inégalités.

    PHOTO CASPER HEDBERG, ARCHIVES THE NEW YORK TIMES

    Une famille dans les rues de Stockholm, en Suède. Un bon filet social tend à diminuer les inégalités.

  • New York. Historiquement, selon une étude universitaire, 40 % des Américains les moins riches avaient tendance à être plus heureux lorsque le fardeau fiscal était plus lourd, et les 20 % des Américains les plus riches n’étaient pas moins heureux pour autant.

    PHOTO ANGELA WEISS, ARCHIVES AGENCE FRANCE-PRESSE

    New York. Historiquement, selon une étude universitaire, 40 % des Américains les moins riches avaient tendance à être plus heureux lorsque le fardeau fiscal était plus lourd, et les 20 % des Américains les plus riches n’étaient pas moins heureux pour autant.

  • Sortie sur un lac de Zug, en Suisse. Ce pays défie la règle qui lie filet social important et bonheur, avec un niveau de bonheur élevé et un fardeau fiscal moins lourd. On peut penser qu’on y offre des services publics de façon très efficace.

    PHOTO ALEXANDRA WEY, ARCHIVES ASSOCIATED PRESS

    Sortie sur un lac de Zug, en Suisse. Ce pays défie la règle qui lie filet social important et bonheur, avec un niveau de bonheur élevé et un fardeau fiscal moins lourd. On peut penser qu’on y offre des services publics de façon très efficace.

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On est donc plus riche et plus heureux dans les pays où l’on paie beaucoup d’impôts.

Dans ce cas, pourquoi tous les gouvernements de pays développés comme le Canada ne haussent-ils pas les impôts ? Tout le monde serait alors plus heureux ?

Ce n’est pas aussi simple que ça.

Dans les faits, les Finlandais et les Danois ne sont pas plus heureux parce qu’ils paient davantage d’impôts. Ils sont plus heureux entre autres parce qu’ils vivent dans une société qui offre des services gouvernementaux qu’ils apprécient et un filet social important qui tend à diminuer les inégalités. Ce filet social plus important est financé par des impôts plus élevés.

Leurs impôts plus élevés sont la conséquence de leur bonheur, et non la cause.

« Si votre gouvernement hausse les impôts de 5 % [sans rien faire en retour], ça ne mènera pas à une hausse du bonheur », illustre l’économiste Tim Besley, de la London School of Economics.

Pourquoi certains pays ont-ils un filet social plus important que d’autres ? L’économiste canadien John Helliwell, l’un des auteurs du rapport annuel sur le bonheur, a étudié cette question toute sa vie. Il vient d’avoir 85 ans.

Sa réponse : la bienveillance des citoyens.

C’est un cercle vertueux : plus les citoyens sont bienveillants envers les autres, plus ils ont confiance l’un en l’autre, plus ils ont tendance à faire confiance à leur gouvernement et plus ils acceptent de payer des impôts élevés pour financer un filet social important.

Les pays qui ont le meilleur filet social sont aussi ceux qui ont le plus confiance en leurs gouvernements. Ce n’est pas un accident.

John Helliwell, professeur émérite d’économie de l’Université de la Colombie-Britannique (UBC)

Au fil de ses recherches, John Helliwell a développé une façon intrigante mais efficace de mesurer la bienveillance des citoyens dans différents pays : le test du portefeuille perdu.

La corrélation est très forte : plus on croit qu’on reverra son portefeuille perdu, plus on fait confiance aux autres, plus on accepte de payer des impôts pour financer un filet social, et plus on est heureux, constate le chercheur.

Il y a aussi un aspect psychologique : donner rend généralement heureux. Dépenser de l’argent pour autrui améliore même la santé cardiovasculaire⁠1. « Le fait de donner a un effet bénéfique sur la santé psychologique des gens. C’est une tendance naturelle chez l’être humain qu’on retrouve dès l’enfance », dit le psychologue Jacques Forest, professeur à l’École des sciences de la gestion de l’UQAM.

Mais pour donner à son gouvernement, il faut faire confiance aux autres.

Quand il y a un haut niveau de confiance sociale, les citoyens pensent davantage que leurs impôts vont être bien dépensés. Et ils sont prêts à en payer davantage.

Max Norton, étudiant au doctorat en économie à l’UBC et l’un des auteurs du rapport mondial sur le bonheur

À l’inverse, dans les pays où le niveau de corruption est élevé et la démocratie chancelante, les contribuables perdent confiance en leur gouvernement et ne veulent pas le financer.

Même dans les pays développés – comme les 25 de notre étude –, le niveau de confiance à l’égard d’autrui et des gouvernements diffère. Ce qui explique en partie pourquoi le fardeau fiscal varie selon les pays.

En moyenne, offrir un filet social important et des services gouvernementaux appréciés est la recette qui fonctionne le plus souvent pour que les citoyens soient plus heureux. Entre autres parce que ça réduit les inégalités économiques. Historiquement, selon une étude universitaire, 40 % des Américains les moins riches avaient tendance à être plus heureux lorsque le fardeau fiscal était plus lourd, et les 20 % des Américains les plus riches n’étaient pas moins heureux pour autant2.

Des pays défient aussi la règle qui lie filet social important et bonheur. La Suisse et l’Australie ont un niveau de bonheur égal à celui du Canada ou plus élevé, avec un fardeau fiscal moins lourd. On peut penser qu’ils offrent des services publics de façon très efficace.

« Que vous ayez un gros ou un petit gouvernement, vous pouvez être heureux. Regardez la Suisse », dit John Helliwell. Le pays helvète se classe effectivement 7e sur nos 25 pays pour l’indice du bonheur, et son fardeau fiscal est au 3e rang des moins lourds.

John Helliwell suggère aux pays comme le Canada de miser sur l’efficacité des services publics et la prise en compte du bonheur collectif dans l’évaluation des politiques publiques. « Les enfants sont-ils heureux à l’école ? Les personnes âgées sont-elles heureuses dans leur milieu de vie ? Le plus important, c’est ce que vous faites les uns pour les autres, pas combien ça coûte », dit-il.

Pour beaucoup d’experts, le lien reste néanmoins clair entre l’importance du filet social – financé par les fonds publics – et le bonheur collectif des citoyens.

L’économiste luxembourgeois Kelsey O’Connor a examiné les données de 104 pays entre 2005 et 2012. Sa conclusion : c’est surtout la taille du filet social qui donne des citoyens plus heureux⁠3.

Ça tend à valider notre hypothèse du départ : plus vous vivez dans une société où le fardeau fiscal est lourd, plus vous bénéficiez d’un filet social important avec des inégalités économiques réduites, plus vous serez heureux.

Même si vous maugréez parce que vous gaspillez un beau dimanche de printemps pour faire vos impôts.

1. Lisez « Is spending money on others good for your heart ? » (en anglais) 2. Lisez « Progressive taxation, income inequality, and happiness » (en anglais) 3. Lisez « Happiness and Welfare State Policy Around the World » (en anglais)

Les Finlandais savent quand ils en ont assez

Les Finlandais forment le pays le plus heureux depuis six ans. Ils ont un filet social important. Mais il y a une autre raison : ils savent reconnaître quand ils sont assez riches, estime Arto O. Salonen, un professeur qui étudie le bien-être à la faculté des sciences sociales de l’Université de l’est de la Finlande. « Il n’y a pas de différence significative de niveau de bonheur selon le niveau de revenu en Finlande, écrit-il par courriel. Les Finlandais font assez bien la distinction entre leurs besoins réels et leurs désirs sans fin. Pour être heureux, savoir faire cette distinction est plus important que de hausser ses revenus. Quand vous savez ce qui est suffisant, vous êtes heureux. »

L’autre secret pour être heureux : être riche

Les pays où on paie le plus d’impôts ont généralement des citoyens plus heureux. Mais il y a un autre facteur très important qui influence le niveau de bonheur : la richesse. De façon générale, plus un pays est riche, plus ses citoyens sont heureux. Dans notre groupe de 25 pays, 6 des 10 pays les plus heureux sont aussi parmi les 10 pays les plus riches. On trouve toutefois quelques anomalies. Les Israéliens (3es parmi les plus heureux, 20es parmi les plus riches), les Finlandais (1ers pour le bonheur, 12es pour la richesse) et les Néo-Zélandais (8es pour le bonheur, 16es pour la richesse) sont beaucoup plus heureux que le laisse présager leur richesse. À l’inverse, les États-Unis sont au 3rang des pays les plus riches, mais seulement au 13rang des pays les plus heureux. Et le Canada ? Il est un peu plus heureux (11rang) que le laisse présager sa richesse (13rang).

Pour cette analyse sur le bonheur et la richesse, nous avons diminué de 40 % le PIB par habitant de l’Irlande, en vertu de l’étude de l’économiste irlandais Patrick Hononan.

Consultez l'étude (en anglais)

Les Québécois mécontents… mais prêts à payer plus d’impôts

  • Selon la Chaire en fiscalité et en finances publiques de l’Université de Sherbrooke, les Québécois sont d’accord en majorité avec une hausse de la TVQ si c’est pour financer spécifiquement la santé (62 % des répondants) ou l’éducation (58 %).

    PHOTO ROBERT SKINNER, ARCHIVES LA PRESSE

    Selon la Chaire en fiscalité et en finances publiques de l’Université de Sherbrooke, les Québécois sont d’accord en majorité avec une hausse de la TVQ si c’est pour financer spécifiquement la santé (62 % des répondants) ou l’éducation (58 %).

  • « Les gens sont prêts à payer plus, malgré tout, si c’est pour un service public précis », dit Luc Godbout, professeur et titulaire de la Chaire en fiscalité et en finances publiques de l’Université de Sherbrooke.

    PHOTO ALAIN ROBERGE, ARCHIVES LA PRESSE

    « Les gens sont prêts à payer plus, malgré tout, si c’est pour un service public précis », dit Luc Godbout, professeur et titulaire de la Chaire en fiscalité et en finances publiques de l’Université de Sherbrooke.

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En 2022, 53 % des Québécois trouvaient qu’ils payaient trop d’impôts.

Depuis que la Chaire en fiscalité et en finances publiques a commencé à publier cette donnée en 2005, la part des Québécois estimant payer trop d’impôts a varié entre 44 % (en 2020, durant la pandémie et ses programmes d’aide gouvernementale) et 70 % (en 2011, en pleine commission Charbonneau sur la corruption).

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, ARCHIVES LA PRESSE

Luc Godbout, professeur et titulaire de la Chaire en fiscalité et en finances publiques de l’Université de Sherbrooke

Ça montre clairement une tendance lourde : beaucoup de Québécois ont une perception que leurs impôts sont trop élevés.

Luc Godbout, professeur et titulaire de la Chaire en fiscalité et en finances publiques de l’Université de Sherbrooke

Et pourtant, les Québécois sont d’accord en majorité avec une hausse de la TVQ si c’est pour financer spécifiquement la santé (62 % des répondants) ou l’éducation (58 %). « Les gens sont prêts à payer plus, malgré tout, si c’est pour un service public précis », dit Luc Godbout.

Quand on se compare à d’autres pays, on s’aperçoit que les Québécois sont peut-être moins grognons qu’on le pense face à leur fardeau fiscal.

Comme le fait l’OCDE ailleurs dans le monde, la Chaire en fiscalité a aussi demandé aux contribuables québécois s’ils croient obtenir leur juste part des services publics compte tenu de leur fardeau fiscal.

Résultat de ce coup de sonde : le Québec est au 10rang des États où le fardeau fiscal est le mieux accepté, sur 26 États. Pourtant, il a seulement le 17fardeau fiscal parmi les plus faibles des 26. Les Québécois acceptent donc bien leur fardeau fiscal plus lourd que la moyenne.

Vous ne payez pas 50 % d’impôts

On entend parfois que le gouvernement « prend la moitié de notre paie ». C’est faux, vous ne payez pas 50 % d’impôts. Au Québec, en tenant compte des déductions de base, un salarié gagnant 35 000 $ par an paie 13,5 % en impôts sur son revenu total, un salarié gagnant 50 000 $ paie 18 %, un salarié gagnant 75 000 $ paie 24 %, un salarié gagnant 100 000 $ paie 27 %, et un salarié gagnant 200 000 $ paie 38 % de son salaire total en impôts. Ces calculs tiennent compte des déductions pour montants personnels de base, de la déduction pour RRQ, de la déduction pour travailleurs, du crédit d’impôt pour cotisations sociales et du crédit d’impôt pour emploi.

Source : Chaire en fiscalité et en finances publiques de l’Université de Sherbrooke