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Est-ce vrai que le gouvernement a transféré une partie des services du ministère des Anciens Combattants à une organisation privée ? Je trouve que le pays se doit de traiter ses anciens soldats de manière digne et correcte.

Georges Bigonnesse

En novembre dernier, Anciens Combattants Canada (ACC) a effectivement confié à un nouveau sous-traitant le soin d’administrer les dossiers des vétérans, un contrat d’une valeur de 570 millions de dollars.

Depuis, c’est PSRVC, une coentreprise entre WCG International (auparavant engagée par ACC pour effectuer ce travail) et Lifemark (une filiale de Loblaw), qui gère les dossiers des vétérans. On parle en gros de suivis en réadaptation pour ceux et celles qui ont servi leur pays (psychothérapie, suivi psychiatrique, physiothérapie, etc.).

L’attribution de ce nouveau contrat a fait peu de bruit dans les médias. La vétérane Christine Gauthier, blessée à la moelle épinière, y a fait allusion en entrevue à l’émission Le monde à l’envers, sur les ondes de TVA, le 10 février dernier. Elle affirmait que la plupart des vétérans – ainsi que les fonctionnaires du Ministère – avaient appris la nouvelle avec surprise lors des audiences du comité permanent des anciens combattants. De son côté, ACC nous assure qu’au contraire, il y avait eu des rencontres et des consultations au préalable.

Mais qu’est-ce que ce changement administratif change dans la vie des vétérans ? Beaucoup de choses, si on se fie aux nombreuses critiques.

Les vétérans estiment que la mise en place des nouveaux services a été désastreuse. Les critiques vont toutes dans le même sens : le sous-traitant n’était pas prêt pour ce contrat et la transition a été chaotique. Certains vétérans n’ont plus eu accès à leur suivi psychologique ou psychiatrique, d’autres se sont plaints de devoir reprendre leur histoire depuis le début, ou de perdre l’accès à certains services. Résultat : beaucoup de détresse chez les vétérans et leurs proches, à un point tel qu’ils ont demandé l’annulation du contrat, une demande appuyée par l’Alliance de la fonction publique du Canada (AFPC) et le Syndicat des employé-e-s des Anciens Combattants (SEAC).

La situation était suffisamment problématique pour qu’ACC suspende le début de la phase 2 durant quelques semaines, le temps de rectifier le tir. La mise en place de la phase 2 a finalement débuté le 15 mars dernier et ACC assure aujourd’hui que les doléances des vétérans ont été prises en considération. Une consultation auprès des vétérans, la troisième menée par ACC, prend d’ailleurs fin ces jours-ci et mènera sans doute à d’autres ajustements, mais ACC n’a aucune intention d’annuler le contrat.

« Nous avons tiré des leçons de la phase A, nous avons consulté les vétérans, les gestionnaires de cas et l’entrepreneur, et nous prenons le temps nécessaire pour que la migration se fasse en douceur et soit gérable pour toutes les personnes concernées, nous a répondu le Ministère par écrit. La continuité des soins est vitale pour les vétérans et ils continuent à recevoir les services dont ils ont besoin tout au long de ce processus. »

ACC ajoute que le plan de migration a été adapté et que « tous les participants reçoivent des services durant cette période, tandis que chaque semaine, les participants nouvellement admissibles au programme et les personnes qui ont un nouveau besoin en matière de réadaptation professionnelle sont aiguillés vers PSRVC ».

Mais ces explications ne semblent pas convaincre les vétérans et les syndicats qui les appuient. Ils persistent et continuent de demander l’annulation du contrat « pour le bien-être de nos anciens combattants qui se sont battus pour nous et notre pays ».

Ajoutons que cette affaire s’ajoute aux révélations de décembre dernier concernant le comportement d’un travailleur social employé par ACC qui avait proposé l’aide médicale à mourir à plusieurs vétérans. Il ne travaille plus pour le ministère.

Le Canada traite-t-il ses vétérans à la hauteur des sacrifices qu’ils ont consentis pour servir leur pays ? On est en droit de se poser la question.

Rectificatif: dans une version précédente du texte, il était écrit que le travailleur social employé par Anciens combattants Canada qui avait proposé l’aide médicale à mourir à plusieurs vétérans avait été congédié. Il aurait plutôt fallu lire: «il ne travaille plus pour le ministère». Nos excuses.