Comment en est-on arrivé, il y a maintenant un an, au déclenchement d’une guerre en Ukraine ? La réponse à cette question, réduite à sa plus simple expression, tient en un mot : Poutine. Le grand responsable de cette invasion meurtrière, c’est lui. D’où l’intérêt de comprendre quelle est sa vraie nature et ce qui l’anime. Notre éditorialiste Alexandre Sirois vous propose aujourd’hui quatre sources pour tenter d’y voir plus clair.

Poutine l’Homo sovieticus

PHOTO ARCHIVES SPUTNIK, FOURNIE PAR REUTERS

Vladimir Poutine a célébré le « retour » de la Crimée à la Russie devant une foule réunie dans un stade de Moscou, le 18 mars 2022, quelques semaines après le début de l’actuelle invasion de l’Ukraine.

À la fin des années 1990, la publication du Livre noir du communisme, où on recensait les dérives de cette idéologie, avait fait grand bruit. Aujourd’hui, dans ce nouveau « livre noir », des spécialistes décryptent le phénomène Poutine en une vingtaine de chapitres sur autant de thèmes. Leur réquisitoire est aussi implacable qu’instructif. Entre autres parce qu’on y démontre la cohérence de la logique poutinienne. Convaincu que la dissolution de l’URSS a été la pire tragédie géopolitique du siècle dernier, Poutine, « être cruel et froid, formé à l’école politique du vieux KGB », cherche à rendre à la Russie sa grandeur. Ça signifie, en amont, déployer des efforts pour « changer radicalement les mentalités de la population russe et la préparer à l’exploit et au sacrifice au nom de la patrie ». En aval, ça veut notamment dire faire la guerre « contre les principes que l’Occident est censé incarner » et se lancer dans des « conquêtes » sanglantes. L’essai est à la fois riche en enseignements et terrifiant. Et on y explique l’« obsession ukrainienne » de Poutine, tout en l’accompagnant d’une mise en garde : la Russie doit être « sévèrement » punie « pour son agression et ne doit pas avoir la possibilité de recommencer ».

Le livre noir de Poutine

Le livre noir de Poutine

Robert Laffont/Perrin

453 pages

Poutine le parrain

PHOTO ALEXANDER ZEMLIANICHENKO, ARCHIVES ASSOCIATED PRESS

Critique des politiques des Vladimir Poutine en Tchétchénie notamment, la journaliste Anna Politkovskaïa a été assassinée à Moscou le 7 octobre 2006, le jour de l’anniversaire du président russe. Quinze ans plus tard, son bureau était encore inoccupé au journal Novaya Gazeta, en octobre 2021 (photo).

La journaliste russo-américaine Masha Gessen est en quelque sorte une lanceuse d’alerte. Elle a compris depuis longtemps que « les objectifs de Poutine sont la brutalité, la domination et un pouvoir illimité ». Depuis de nombreuses années, elle le répète sur toutes les tribunes. Poutine, l’homme sans visage, où elle révèle la véritable nature du tyran russe, a été initialement publié en 2012. Il vient tout juste d’être réédité avec un avant-propos inédit et c’est une très bonne nouvelle. Car il n’a pas pris une ride et demeure l’un des ouvrages les plus éclairants sur le politicien russe, mais aussi sur le système qu’il a mis en place après son arrivée à la tête du pays à la toute fin de 1999. Masha Gessen a enquêté sur les rouages de ce système « reposant sur un contrôle absolu ». Elle nous entraîne avec elle dans les coulisses de cet État mafieux, où ceux qui osent défier le parrain Poutine sont souvent, brutalement et sommairement, éliminés.

Poutine, l’homme sans visage

Poutine, l’homme sans visage

Fayard

340 pages

Poutine 101

PHOTO ARCHIVES AGENCE FRANCE-PRESSE

Vladimir Poutine en avril 2000

Cet ouvrage du Britannique Darryl Cunningham se résume aisément : c’est essentiellement un condensé, en bande dessinée, d’une poignée d’essais sur Poutine (dont celui de Masha Gessen). Bref, si ce livre était un cours, ce serait Poutine 101. C’est d’ailleurs ce qui fait son intérêt, pour quiconque voudrait comprendre rapidement comment s’est opérée la transformation de Poutine, « passé de bureaucrate qui s’est vu confier les destinées d’un immense pays à dictateur mégalomane ». Et comment la consolidation de son pouvoir est à la source de terribles dérapages, à l’intérieur comme à l’extérieur de la Russie. Le plus récent étant bien sûr l’invasion de l’Ukraine. C’est que pour le président russe, « il n’existe pas d’empire russe sans l’Ukraine », explique le bédéiste. « Avec sa culture et ses ressources, voilà ce qu’il essaie de récupérer. En bon ancien du KGB, il veut retrouver les jours anciens de la puissance soviétique. »

Poutine : l’ascension d’un dictateur

Poutine : l’ascension d’un dictateur

Delcourt

160 pages

Poutine l’empoisonneur en chef

PHOTO KIRILL KUDRYAVTSEV, ARCHIVES AGENCE FRANCE-PRESSE

L’opposant russe Alexeï Navalny pendant une audience à Moscou en février 2021

Dès le premier épisode du Poison de Poutine, cette courte série produite par des journalistes de l’Agence France-Presse (AFP), on se croirait plongé dans une émission balado de type documentaire criminel (true crime). Normal. Celui qui a été le rival le plus célèbre de Vladimir Poutine au cours de la dernière décennie, Alexeï Navalny, est le personnage principal de cette balado. Et il a été la cible d’une tentative d’empoisonnement spectaculaire il y a deux ans et demi. Mais c’est loin d’être l’unique raison de s’intéresser au sort de cet opposant russe, aujourd’hui en prison. Son histoire est celle du système autocratique mis en place par Poutine, qui neutralise les dissidents jugés les plus menaçants et qui étouffe dans l’œuf toute contestation. C’est donc celle, aussi, de la consolidation du pouvoir de Poutine, au mépris des droits de la personne et des libertés du peuple russe.

Écoutez l’émission balado Poison de Poutine