Les généralisations sont nombreuses à propos de la jeune génération et de sa réaction face aux changements climatiques. Dans un essai tiré de ses recherches doctorales, l’ex-recteur de l’Université Laval Michel Pigeon offre un éclairage nuancé sur les valeurs, la vision, les comportements et les inquiétudes des étudiants en matière de climat.

Soulignons d’abord le parcours exceptionnel et très atypique de cet étudiant de 77 ans. Ingénieur de formation, ancien professeur et chercheur à l’Université Laval, Michel Pigeon est reconnu pour ses recherches sur la durabilité du béton. Il a été recteur de cette même université avant d’être élu député de Charlesbourg en 2008. Intéressé par les enjeux sociaux et l’environnement, il est retourné aux études pour faire une maîtrise en sociologie, puis réaliser une thèse de doctorat sur la vision des jeunes face aux changements climatiques. Ce sont les parties « grand public » de sa recherche qualitative qu’il partage dans Les jeunes et les changements climatiques – Quels choix de société ?

Avec ce livre, il désire « que les gens qui ont une certaine influence sur le futur sachent ce que les jeunes souhaitent », a-t-il déclaré dans un texte publié sur le site de l’Université Laval.

Michel Pigeon a mené en 2020 des entrevues semi-dirigées auprès de 34 étudiants et étudiantes de l’Université Laval et du cégep de Limoilou. Il s’agit certes d’un échantillon restreint et on peut présumer que ceux qui ont levé la main avaient au départ un intérêt pour cette question. Ce sont les limites de l’exercice, lequel offre néanmoins un coup d’œil intéressant sur la pensée des jeunes qui, contrairement à l’image parfois véhiculée, n’est pas monolithique.

Après un détour par les grandes enquêtes sociales et les travaux de recherche sur les valeurs des jeunes réalisés ailleurs dans le monde, Michel Pigeon s’attelle à comprendre les valeurs qui animent les membres de cette génération ainsi que les changements qu’ils croient nécessaires et ceux qu’ils sont prêts à mettre en œuvre pour limiter le réchauffement climatique.

D’entrée de jeu, tous ont dit accorder une importance à la nature, et l’auteur constate que la plupart possèdent une bonne compréhension des changements climatiques. Bien qu’à côté des optimistes, qui croient au salut technologique, s’en dressent d’autres, plus pessimistes, qui évoquent la fin de l’humanité, on sent chez eux peu d’écoanxiété.

Les jeunes interviewés, écrit l’auteur, « ne sont pas, sauf exception, des écologistes radicaux, et leurs comportements semblent en fait assez typiques de ceux des jeunes de leur génération ». Ils consomment pour la plupart de la viande, mais tentent d’en manger moins, certains ont une voiture, d’autres pas, mais beaucoup voyagent, et ne sont pas prêts à y renoncer.

En revanche, à une exception près, ils ont déclaré souhaiter des changements au système économique actuel, allant du ralentissement de la croissance, voire la décroissance, à un système plus égalitaire, voire coopératif.

Dans leur vision de la société de 2050, malgré leur attachement à la liberté, les répondants souhaitent une certaine forme de contrôle pour encadrer les comportements afin d’assurer le respect de l’environnement. Ce leadership doit, selon eux, venir des gouvernements.

Preuve que les jeunes ne sont pas faits d’un seul bloc, l’auteur a noté trois lignes de fracture chez les interviewés, soit celle entre les radicaux et les modérés, celle entre ceux qui ont confiance aux humains et ceux qui croient que des règles devraient être imposées et, enfin, celle entre ceux qui ont exprimé ou pas le souhait d’une société plus juste et égalitaire.

Un panorama certes limité, mais approfondi et nuancé, qui montre qu’en matière de climat, malgré quelques contradictions et angles morts, les jeunes sont plutôt bien informés.

Extrait

« Quelle société nos répondants et répondantes veulent-ils avoir en 2050 ? Premier constat : à peut-être une exception près, tous et toutes souhaitent une société où le respect de l’environnement et la lutte aux changements climatiques sont la “première” priorité, plusieurs d’entre eux y associant explicitement le vœu d’une vie meilleure et plus paisible. »

Qui est Michel Pigeon ?

Michel Pigeon est professeur associé au département de sociologie et professeur émérite de génie civil à l’Université Laval. Il a été directeur du Centre de recherche interuniversitaire sur le béton, doyen de la faculté des sciences et de génie, recteur de l’Université Laval (2002-2007) et député de la circonscription de Charlesbourg à l’Assemblée nationale (2008-2012).

Les jeunes et les changements climatiques – Quels choix de société ?

Les jeunes et les changements climatiques – Quels choix de société ?

Presses de l’Université Laval

148 pages

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