(Sophie Brochu) L’influence est une vertu que Sophie Brochu cultive depuis toujours et qu’elle chérit par-dessus tout.

Il y a neuf mois, lors de l’entrevue que Sophie Brochu m’avait accordée pour discuter de sa désignation comme femme la plus inspirante au Québec, la PDG d’Hydro-Québec m’avait confié qu’elle préférait se définir d’abord comme une femme d’influence plutôt que comme une femme de pouvoir.

« C’est toujours vrai, réaffirme aujourd’hui Sophie Brochu. Le pouvoir peut s’exercer d’autorité alors que l’influence n’a rien à voir avec l’autorité. Tu peux avoir de l’autorité, beaucoup de pouvoir, mais n’avoir aucune influence », évoque-t-elle.

Influencer, c’est pouvoir donner le goût aux autres de s’intéresser à des possibilités auxquelles ils n’avaient pas nécessairement songé. Influencer relève davantage d’une démarche collective qu’individuelle, estime Sophie Brochu.

« Mon influence est le fruit du travail et de la réflexion de tous ceux et celles avec qui je collabore. Tout le monde a une influence et elle est beaucoup plus grande que celle que les gens s’autorisent. Je dis ça aux jeunes garçons et aux jeunes filles, et je leur signale que plus ils approfondiront leurs connaissances, plus ils auront d’influence autour d’eux », m’explique Sophie Brochu.

PHOTO MARTIN TREMBLAY, LA PRESSE

Sophie Brochu

Ce n’est pourtant pas le type d’exemple d’influence que cultivent les réseaux sociaux auprès de ces mêmes jeunes. Comment évalue-t-elle ce vaste mouvement contagieux de superficialité assumée ?

« Je ne comprends tout simplement pas ce phénomène des influenceurs et des influenceuses sur les médias sociaux. Quand j’entends cela, ça m’écorche les oreilles, ils sont là pour vendre n’importe quoi, c’est du lobbyisme, et je suis contre ça », insiste Sophie Brochu.

Par qui et par quoi Sophie Brochu a-t-elle été elle-même influencée au cours de sa vie et de sa carrière ?

Il y a un fil conducteur, c’est la collectivité et le service public. Les gens qui décident de s’impliquer, notamment en politique, ils le font pour le bien du plus grand nombre, cela m’inspire. Il faut agir sur plus grand que de penser seulement à vendre un produit spécifique.

Sophie Brochu

« C’est ce qu’on fait chez Hydro-Québec. On n’est pas là pour maximiser les profits, mais pour les optimiser. On a une marge de manœuvre qui nous permet de bien poser les bons gestes », souligne Sophie Brochu.

Authenticité et optimisation

La PDG d’Hydro-Québec a récemment été au cœur d’une controverse qu’elle ne souhaitait pas amorcer avec le nouveau ministre de l’Économie et de l’Énergie, Pierre Fitzgibbon, en déclarant que la société d’État ne devait surtout pas se transformer en « Dollarama de l’électricité ».

« Je ne souhaite surtout pas être dans les journaux toutes les deux semaines. Ce que je disais durant cette entrevue avait du sens. J’ai nommé certaines affaires. Je ne suis pas contre la contribution d’Hydro-Québec, loin de là, mais l’idée, c’est de savoir comment on peut participer au développement économique de façon sensée », explique Sophie Brochu.

Hydro-Québec n’est pas une shop économique, pas une shop environnementale, pas une shop autochtone, pas une shop sociale, on est tout ça en même temps. Il faut trouver ce qu’il y a de mieux pour le plus grand nombre.

Sophie Brochu

Quand Sophie Brochu a réfléchi au sujet de l’empreinte de l’influence dans sa gestion chez Hydro-Québec, elle cite en exemple le dossier de la communauté autochtone de Kitcisakik, au sud de Val-d’Or.

« La communauté y est installée depuis des années, sans eau courante ni électricité. Ils ont bâti une école. Le gouvernement fédéral voulait créer une réserve plus loin. Cela fait des années que ça dure. Nous, on trouve que cela n’a pas de bon sens de vendre de l’électricité à New York et de garder une communauté à 1 h 15 minutes de Val-d’Or sans électricité. On a entrepris de les brancher et tout le monde trouve aujourd’hui que ça a bien du sens », souligne Sophie Brochu.

Une petite anecdote pour finir. Il y a une dizaine d’années, j’allais rencontrer Sophie Brochu à son bureau de PDG de Gaz Métro (aujourd’hui Énergir), rue du Havre, dans le Centre-Sud de Montréal, lorsqu’elle m’a accueilli à la porte principale et que je lui ai signalé qu’un homme venait tout juste de fracasser une vitre d’auto pour y voler un sac à main.

PHOTO FRANÇOIS ROY, LA PRESSE

Sophie Brochu durant la séance photo

La PDG n’a fait ni une ni deux et — plutôt que d’appeler la police — est partie à la poursuite du délinquant, au grand étonnement de la femme sur le trottoir qui m’avait prévenu du larcin, comme du mien. Elle n’a jamais rejoint le voleur, mais ne s’est pas gênée pour lui adresser à distance un flot de reproches.

Au-delà de son rôle et de ses fonctions de PDG de Gaz Métro, Sophie Brochu s’est pleinement investie dans le quartier défavorisé de Sainte-Marie, en cofondant notamment la Ruelle de l’avenir, un organisme qui lutte contre le décrochage scolaire, et en s’impliquant dans la communauté. Une proximité dans la collectivité, dans sa zone d’influence.

Qui est Sophie Brochu ?

  • Née à Lévis en 1963
  • Admise au Conservatoire d’art dramatique, elle poursuivra des études en sciences économiques à l’Université Laval.
  • Elle entreprend sa carrière en 1987 à la Société québécoise d’initiatives pétrolières (SOQUIP) avant de faire le saut chez Gaz Métro en 1997.
  • En 2007 elle devient présidente et cheffe de la direction du distributeur gazier qui diversifiera ses activités pour devenir Énergir sous sa gouverne.
  • En mai 2020, elle devient la première femme PDG d’Hydro-Québec.