Vous avez des questions sur nos éditoriaux ? Des interrogations sur les sujets chauds de l’actualité ? Chaque semaine, l’équipe éditoriale répond aux lecteurs de La Presse.

La Santé publique aurait déclaré que les émissions de la Fonderie Horne à Rouyn-Noranda comportent un risque minime pour la santé des personnes vivant dans cette région. Qu’est-ce qu’un risque minime, et combattre tous ces risques minimes qui nous entourent en vaut-il vraiment la peine ?

Hugues Beauregard 

Avec tout ce qui s’est dit, il règne en effet toute une confusion à propos des risques posés par les rejets de la Fonderie Horne à Rouyn-Noranda.

Pour répondre clairement à votre question, les risques actuels sont très loin d’être « minimes ».

Tant la Direction de santé publique de l’Abitibi-Témiscamingue que l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ) nous confirment d’ailleurs qu’ils n’ont jamais employé cet adjectif.

Le directeur national de santé publique du Québec, Luc Boileau, a lui-même affirmé l’été dernier que le maintien des émissions actuelles n’était « pas acceptable ».

C’est en fait François Legault qui a parlé de « risque minime », mais le premier ministre ne parlait pas du risque actuel. Il évoquait plutôt un scénario dans lequel les émissions de la Fonderie Horne seraient abaissées pour atteindre une concentration d’arsenic dans l’air de 15 nanogrammes par mètre cube (ng/m3) à la station de mesure dite « légale », située à la limite du quartier Notre-Dame.

Pour l’instant, l’entente actuelle signée entre le gouvernement et l’entreprise permet une concentration allant jusqu’à 100 ng/m3 à cet endroit. De 2005 à 2018, la moyenne a été de 165 ng/m3.

La norme pour l’arsenic qui s’applique à l’ensemble de la province est pourtant beaucoup plus basse, à 3 ng/m3.

En examinant les risques sur la santé des citoyens, on comprend à quel point permettre à une entreprise d’émettre des dizaines de fois la norme permise au seuil d’un quartier résidentiel est une expérience de santé publique irréfléchie.

En juillet dernier, l’INSPQ a évalué les risques de cancer liés à l’arsenic et au cadmium à Rouyn-Noranda. Les chercheurs ont tenu compte du risque d’inhaler ces contaminants présents dans l’air, mais aussi de les ingérer à cause des poussières contaminées.1

Ils ont considéré une personne qui vivrait à Rouyn-Noranda pendant 70 ans, de 1991 à 2060, avec différents scénarios d’émissions pour le futur.

Un risque considéré comme négligeable est de 1 cas de cancer par million d’habitants.

Dans un scénario où rien n’est fait pour abaisser les émissions, le risque atteint 61 cas par 100 000 habitants dans l’ensemble de la ville, soit 610 fois plus que le risque négligeable. Pour les habitants du quartier Notre-Dame qui jouxte la Fonderie, il grimpe à 87 cas par 100 000 habitants.

Pour l’INSPQ, tout risque qui dépasse 10 cas par 100 000 habitants est considéré comme « inacceptable ».

Compte tenu de la population de la ville, cela se traduirait par environ 14 cas de cancer supplémentaires en 70 ans à Rouyn-Noranda. Le chiffre peut sembler bas, mais il résulte de la faible population de la ville. Les experts en santé publique préviennent qu’il faut faire attention à ne pas en conclure que les petites populations peuvent être exposées à des niveaux plus élevés de pollution parce qu’il y a moins de malades en nombre absolu.

Les cancers ne sont pas les seuls risques posés par les contaminants émis par la Fonderie. La présence d’arsenic et de plomb dans le sol est notamment jugée « préoccupante » par l’INSPQ pour le développement des jeunes enfants, particulièrement ceux de 6 mois à 4 ans.2

Selon les chercheurs, cette exposition pourrait conduire à une baisse du quotient intellectuel des enfants. Il ne s’agit pas de s’affoler. Les scientifiques calculent que l’exposition actuelle serait associée à une baisse généralement inférieure à un point de QI, même si « on ne peut exclure des effets au-delà de cette valeur », écrit l’INSPQ.

Sur le plan individuel, une baisse d’un point de QI est négligeable. Mais à l’échelle d’une population, cela peut conduire à des effets observables. La proportion d’enfants considérés comme à faible QI, par exemple, sera légèrement plus élevée.

De façon générale, l’INSPQ conclut que « les concentrations actuelles et historiquement élevées et les risques en découlant ont été jugés inacceptables selon les balises suivies en santé publique » à Rouyn-Noranda, d’où la négociation avec l’entreprise pour abaisser les émissions.

Un scénario où la Fonderie parviendrait à baisser rapidement ses émissions pour atteindre une concentration de 15 ng/m3 pour l’arsenic, puis respecterait éventuellement la norme de 3 ng/m3, réduirait grandement les risques. Il faudrait aussi que les normes pour les autres métaux soient atteintes.

1. Consultez l’avis scientifique de l’INSPQ 2. Consultez le rapport de l’INSPQ