Vous avez des questions sur nos éditoriaux ? Des interrogations sur les sujets chauds de l’actualité ? Chaque semaine, l’équipe éditoriale répond aux lecteurs de La Presse.

Pourquoi le gouvernement a-t-il décidé, au début des années 1960, de construire le tunnel Louis-Hippolyte-La Fontaine au lieu d’un pont ? Je ne suis pas ingénieur, mais il me semble qu’un pont est plus facile à construire et à entretenir, et aussi probablement moins coûteux.

Claude Arseneau

On parle beaucoup du tunnel Louis-Hippolyte-La Fontaine ces jours-ci. Avec raison : on fermera lundi trois des six voies du tunnel pendant trois ans pour y faire des travaux. On s’attend à une forte hausse de la congestion automobile dans ce secteur.

Vous demandez pourquoi on a construit un tunnel plutôt qu’un pont ? À l’époque, dans les années 1960, un tunnel coûtait moins cher, nécessitait moins d’expropriations et pouvait être construit avec du béton québécois.

La décision de construire le pont-tunnel Louis-Hippolyte-La Fontaine (un tunnel de 2 km de Montréal jusqu’à l’île Charron, puis un pont de 500 m entre l’île Charron et Boucherville) a été prise par Québec et Ottawa en 1962. L’objectif principal était de faire passer la nouvelle autoroute Transcanadienne à travers l’île de Montréal pour rejoindre la Rive-Sud (et ensuite les provinces de l’Atlantique).

Si on a choisi un tunnel, c’est parce que le fédéral exigeait qu’un pont ait une hauteur minimale de 50 mètres (par rapport au niveau du fleuve Saint-Laurent) afin de laisser passer les bateaux dans le port de Montréal entre Montréal et l’île Charron. Il n’y avait pas de transport maritime dans la deuxième partie entre l’île Charron et Boucherville, ce qui explique pourquoi on a pu construire un pont relativement bas sur cette partie.

Normalement, un pont coûte moins cher qu’un tunnel. Mais un pont d’au moins 50 m de hauteur coûtait de 5 % à 10 % plus cher qu’un tunnel selon les calculs de l’époque, explique l’historien William Gaudry, qui a fait sa thèse de doctorat sur le pont-tunnel Louis-Hippolyte-La Fontaine.

« Les tunnels sont des infrastructures plus difficiles à entretenir que les ponts, principalement parce que les interventions se font en milieu souterrain, avec toutes les contraintes que cela amène, dit Bruno Massicotte, professeur en génie civil à Polytechnique Montréal. C’est pourquoi, lorsque cela est possible, il est préférable d’opter pour un pont. »

Le gouvernement Lesage avait aussi un argument nationaliste : on utiliserait du béton québécois pour construire un tunnel, plutôt que de l’acier américain pour un pont. « Le Québec était un grand producteur de béton, et c’était tout naturel pour le gouvernement Lesage d’aller vers des producteurs de béton québécois », dit William Gaudry.

Autre avantage considérable d’un tunnel : on aurait à procéder à beaucoup moins d’expropriations. « Étant donné la hauteur [50 m] d’un pont, il aurait fallu commencer la montée graduelle vers le pont plus d’un kilomètre sur chaque rive. À Montréal, ça aurait commencé progressivement à partir des Galeries d’Anjou », dit William Gaudry.

La construction du tunnel a tout de même forcé l’expropriation de 300 familles du quartier Longue-Pointe, à Montréal.

Inauguré en 1967, le pont-tunnel Louis-Hippolyte-La Fontaine a coûté 65 millions (environ 540 millions en dollars de 2022) à construire. Le fédéral a payé environ 75 % de la facture, le provincial 25 %.

120 000

Nombre de véhicules qui empruntent chaque jour le tunnel Louis-Hippolyte-La Fontaine

Source : ministère des Transports du Québec

Lisez l’histoire du tunnel Louis-Hippolyte-La Fontaine