La langue française évolue à une vitesse folle. Chaque semaine, notre conseillère linguistique décortique les mots et les expressions qui font les manchettes ou qui nous donnent du fil à retordre.

C’est jour d’élections lundi.

Les candidats se sont engagés dans la dernière ligne droite de la campagne (et non « dans le dernier droit »). L’image fait référence à la dernière portion en ligne droite d’une piste de course, avant la ligne d’arrivée.

Certains se diront peut-être « confiants de l’emporter ». Il serait préférable d’éviter cette tournure. En anglais, confident a à la fois le sens de « qui a confiance en soi » et de « convaincu, persuadé », ce qui n’est pas le cas de l’adjectif confiant en français. Les constructions « confiant de » (il est confiant de remporter la victoire) et « confiant que » (elle est confiante que son parti sera élu) sont fautives. On dispose de nombreuses locutions pour exprimer cette idée : avoir confiance en ou dans, avoir l’assurance que, avoir bon espoir que, croire que, avoir la certitude que, être convaincu que, être persuadé que, être sûr que, estimer que, penser que, ne pas douter que, etc. Il est certain que son parti l’emportera. Elle a bon espoir de voir son parti former le prochain gouvernement. Il est convaincu d’avoir mené une bonne campagne.

Les partis tâcheront, non pas de « faire sortir le vote » – c’est un calque de l’anglais –, mais plutôt de convaincre les électeurs d’aller voter. Ils inciteront les électeurs à voter, à exercer leur droit de vote, à aller aux urnes. On dépose bien son bulletin de vote dans l’urne – le terme « boîte de scrutin » est critiqué en ce sens.

Plus tard, si un résultat serré est contesté, on parlera du dépouillement du scrutin et des possibilités de dépouillement judiciaire, de nouveau dépouillement. Le mot recomptage est fautif en ce sens.

Dans une version simplifiée des choses, le parti victorieux forme le gouvernement et les élus qui ne sont pas du parti au pouvoir forment l’opposition. Le groupe qui, dans l’opposition, obtient le plus de sièges forme l’opposition officielle. Au journal, on laisse opposition au singulier en ce sens et on omet la majuscule initiale que certains préfèrent employer.

Courrier

Vous avez dit apparoir ?

Quand je lis « Il appert que » au lieu de « Il paraît que » dans votre journal, c’est tellement calqué sur l’anglais « It appears that » que je n’en crois pas mes yeux. Comme anglophone, est-ce que je suis plus royaliste que le roi d’en être offusqué ?

Réponse

Un peu. Doublet du verbe apparaître, apparoir est un verbe très ancien. Il est attesté depuis le XIe siècle. C’est l’anglais qui a emprunté son verbe to appear au français et non l’inverse.

Le tour il appert (que), « souvent usité dans la langue journalistique au Québec », comme le fait remarquer la Banque de dépannage linguistique de l’Office québécois de la langue française (BDL), n’est pas un anglicisme, mais il n’est pas toujours bien employé.

Le verbe apparoir « appartient à la langue juridique et il est quelque peu vieilli dans la langue courante », souligne le Multidictionnaire de la langue française. Il est seulement usité à la troisième personne du singulier de l’indicatif présent (il appert, justement).

« Apparoir étant strictement du domaine juridique et marquant la certitude, c’est commettre une double impropriété que d’employer il appert dans la langue courante avec l’idée d’un doute », signale le Juridictionnaire, l’ouvrage de jurilinguistique du Bureau de la traduction du gouvernement du Canada. Si on écrit « Il appert que l’accident a été causé par la chaussée glissante », cela signifie que l’accident a bien été causé par la chaussée glissante, ce n’est pas une hypothèse.

On pourrait écrire plus simplement L’accident a été causé par la chaussée glissante ou On a constaté que la chaussée glissante était la cause de l’accident.

Si un doute subsiste en réalité, on écrira plutôt, par exemple, L’accident aurait été causé par la chaussée glissante ou La chaussée glissante serait à l’origine de l’accident, suggère le Juridictionnaire. D’autres formulations sont aussi possibles, précise la BDL, comme selon toute vraisemblance, selon les apparences ou apparemment.

Vous avez des questions sur la langue française ? Posez-les à notre conseillère linguistique. Elle répondra à une question chaque dimanche.