Avec leur plume unique et leur sensibilité propre, des artistes nous présentent, à tour de rôle, leur vision du monde qui nous entoure. Cette semaine, nous donnons carte blanche à Mariana Mazza.

Le 20 septembre 2022. Gatineau. Je sors de scène. Je me dirige vers ma loge pour me changer, paqueter mon sac et me préparer à rencontrer mon public. Celui que je chéris et que j’estime. Celui qui pardonne mes faux pas et acclame mes bons coups. Celui qui essaie de comprendre mes travers et admire ma différence. Celui qui ne m’a pas lâchée quand les autres disaient que j’avais mal fait. Que j’avais trop parlé. Été trop heureuse. Intense.

En sortant de ma loge, je me rappelle que je dois aller à la rencontre de Lise, la sœur de Guy Lafleur. Elle m’avait contactée le lendemain de mon passage à Tout le monde en parle, il y a deux ans, pour me dire que sa famille et elle avaient adoré la chimie que j’avais eue avec Guy et que les Lafleur avaient acheté 10 places pour venir me voir en spectacle à Gatineau.

Ce soir de février 2020 là, pourtant, en rentrant chez moi après la diffusion de l’émission, je me souviens avoir été estomaquée par la violence de certaines personnes à mon égard sur les réseaux sociaux.

En ondes, je venais de lancer « mon tabarnak » à Guy Lafleur, après une taquinerie de sa part. Les deux, nous nous étions ensuite regardés. Puis nos têtes s’étaient légèrement reculées pour laisser sortir le son d’un rire gras et honnête. Celui qui fait du bien. Qui donne mal au ventre.

En rentrant chez moi, je me sentais bénie par cet homme de grâce. Cet homme adulé par des générations entières. On avait eu ce moment unique, public, à nous, mais à tous. Les gens avaient été témoins de notre complicité. Aucune photo, aucun autographe n’aurait pu accoter ce moment.

Je n’étais pas la plus grande fan de Guy Lafleur, mais comme beaucoup de gens, je l’aimais bien. Là, j’étais sous le charme de cet homme légendaire. J’avais eu avec lui ce petit moment majestueux, presque jouissif.

Je n’ai jamais compris les heures qui ont suivi. La frustration des uns, la colère des autres. J’avais, selon plusieurs, manqué de respect à la légende. Et pourtant, notre fou rire témoignait d’autre chose. Ma joie et mon euphorie s’étaient transformées en remise en question, en tristesse, en grande anxiété.

Et pourtant, j’avais eu la bénédiction de sa sœur qui était excitée de prolonger cette nouvelle relation entre son frère et moi, le temps d’un spectacle.

Nous revoici le 20 septembre. J’arrive dans la salle de spectacle, je traverse le couloir qui me mène à Lise et à sa fille. Les deux belles femmes m’accueillent comme de la famille. Un câlin. Une bise. Un regard lumineux. La dernière fois qu’on s’était parlé, Lise m’avait annoncé que la famille ne pourrait malheureusement pas venir au spectacle. Guy avait eu son diagnostic. Il était trop malade et fragile pour se déplacer dans une foule. J’avais été optimiste. Je m’étais dit que c’était passager. Que les Lafleur reviendraient une autre fois.

Guy avait déjà l’air fragile pendant notre rencontre à la télé. Je ne savais pas que ma première rencontre avec lui serait la dernière. Avoir su. Je ne sais pas ce que j’aurais fait de plus, mais je n’aurais pas boudé ma joie en lisant tout ce que les gens pouvaient dire sur moi.

Lise me tend une enveloppe.

« Guy t’a laissé un petit cadeau. »

Mon cœur débat.

C’est une photographie de notre moment. Celui qui a fait rager les gens. Celui qui m’a permis un contact, un vrai, avec la légende.

Il a adoré te rencontrer. Il ne savait pas qu’il était malade quand il a autographié la photo. Je pense qu’il a aimé ta légèreté avec lui.

Lise Lafleur, sœur de Guy Lafleur

Sur la photo, une phrase : « Pour Mariana, avec amitié, Guy Lafleur. »

Merci, Lise.

Je ne sais pas ce que Guy fait en ce moment, mais si j’étais avec lui, je lui donnerais une bine sur l’épaule en riant fort.

Merci, mon tabarnak.

Je t’aime.

Repose en paix.