Utopiques ou réalistes, les quartiers sans voitures ? Dans un nouvel essai, le maire de Laval, Stéphane Boyer, nous explique pourquoi il y croit.

Il faut un certain courage politique pour aborder la question des quartiers sans voitures quand on est maire. Il en faut encore plus quand on est maire de Laval, une ville où la majorité de la population (selon un sondage) estime qu’un espace de stationnement est synonyme de qualité de vie.

Mais cela n’empêche pas Stéphane Boyer de rêver. Le maire de Laval fait partie de la nouvelle génération d’élus municipaux qui se démarquent de leurs prédécesseurs par leur volonté de faire les choses différemment. Il faut dire qu’ils n’ont plus trop le choix : ils doivent gérer les effets de la crise climatique et les excès des générations précédentes qui ont développé sans trop penser aux conséquences sur l’environnement. Que ce soit à Longueuil, Granby, Gatineau, Québec ou Sherbrooke (et Montréal, bien sûr), les nouveaux élus font face à des défis de taille : la crise du logement, l’étalement urbain, le coût des infrastructures, etc.

Stéphane Boyer lance donc un pavé dans la mare : l’idée des quartiers sans voitures, un quartier à échelle humaine où la densité permettrait aux résidants de faire presque tout à pied ou à vélo : reconduire les enfants à l’école ou à la garderie, faire les courses, aller chez le médecin… Les autos seraient stationnées en périphérie, ce qui limiterait les surfaces de béton — îlots de chaleur – et, donc, les coûts d’entretien des routes. Au final, c’est la qualité de vie qui en bénéficierait : moins de pollution, de bruit, et un plus grand sens de la communauté.

Les quartiers sans voitures se distinguent des écoquartiers, où on mise sur des habitations qui répondent à des normes environnementales élevées, mais qui sont parfois érigés au beau milieu d’un champ, loin des infrastructures existantes. Les quartiers sans voitures, nous explique Stéphane Boyer, misent plutôt sur la réingénierie des infrastructures et de l’aménagement du quartier.

On ne le réalise plus tellement on est habitués, mais le bitume occupe une grande superficie de nos milieux de vie.

Quelques chiffres : le réseau routier, c’est 15 % du territoire de Laval et de Longueuil, 21 % de celui de Montréal.

On entend souvent les automobilistes se plaindre qu’en plus de payer pour leur voiture, ils financent avec leurs taxes et impôts les infrastructures de transport public. Mais l’inverse est aussi vrai : non seulement les gens sans auto financent la construction et l’entretien des routes, mais ils paient aussi pour des espaces de stationnement qu’ils n’utilisent pas. Des centaines de milliers de carrés d’asphalte qu’on pourrait convertir en espaces verts ou en habitations.

Stéphane Boyer propose deux modèles pour les quartiers sans voitures : le premier à l’initiative d’un promoteur, l’autre, de la municipalité. Dans les deux cas, il faut le même ingrédient de base : la volonté politique.

Le maire de Laval cite l’exemple du quartier Vauban, à Fribourg (Allemagne), un modèle inspirant selon lui. Pas question de culpabiliser le lecteur, mais plutôt d’expliquer qu’il existe d’autres façons de vivre, plus écologiques et qui, en fin de compte, apportent un plus grand bien-être économique et social.

Réaliste ou utopique ?

Lucide, le maire Boyer reconnaît que le plus grand obstacle demeure notre résistance au changement. Changer la culture de l’auto demeure tout un défi. Ce livre est un excellent prétexte pour lancer la discussion.

Extrait :

En éliminant les rues locales, les places de stationnement et les garages, nous économiserions beaucoup d’espace. Les distances à parcourir entre chaque bâtiment seraient ainsi réduites. Par conséquent, il serait plus facile et rapide de les parcourir à pied ou à vélo. Plutôt que d’y retrouver des rues et des cases de stationnement, on y retrouverait des allées piétonnes bordées d’arbres, de fleurs et de jardins. Sans voitures dans les rues, le quartier serait non seulement plus silencieux, mais aussi plus sécuritaire pour y laisser jouer les enfants, il serait plus agréable de s’y promener, d’y lire un livre sur un banc public ou d’y prendre un verre sur une terrasse. Les rues seraient également plus animées.

Des quartiers sans voitures : de l’audace à la réalité

Des quartiers sans voitures : de l’audace à la réalité

Somme toute

128 pages

Qui est Stéphane Boyer ?

Avant d’être élu maire de Laval en 2021, Stéphane Boyer a été conseiller municipal de Duvernay–Pont-Viau. Il a publié un premier livre, Un monde de différences (2009), sur son expérience en Afrique du Sud dans le cadre du programme Jeunesse Canada Monde.