Réélu pour un second mandat fin avril, le président français, Emmanuel Macron, n’a pas été en mesure d’obtenir une majorité absolue à l’Assemblée nationale lors des élections législatives dont le second tour a eu lieu le 19 juin. Une telle situation n’est pas inédite dans l’histoire de la Ve République. Elle ne constitue pas une calamité annonciatrice d’une France « ingouvernable » condamnée à l’immobilisme. Il est au contraire possible d’y voir une occasion de redynamiser et relégitimiser le débat politique dans une démocratie représentative.

Une contreperformance à nuancer

Une réforme constitutionnelle adoptée en 2000 réduisit la durée du mandat présidentiel de sept à cinq ans. Elle s’accompagna également, voire surtout, d’une modification du calendrier électoral plaçant l’élection des députés à l’Assemblée nationale (également élus pour cinq ans) dans la foulée de l’élection présidentielle. Cela se traduisit par une présidentialisation accrue de la vie politique française. Depuis 2002, en effet, les candidats accédant à l’Élysée avaient tous réussi à tirer profit de la dynamique de leur victoire pour obtenir dans la foulée des majorités absolues (soit au moins 289 élus) au sein de la chambre basse du Parlement.

Dans cette perspective, que le président Macron doive se contenter d’une majorité relative est évidemment une contreperformance. Les 245 sièges glanés dimanche dernier par le mouvement Ensemble ! font pâle figure comparés aux 350 conquis en juin 2017. Ce n’est pourtant pas une « râclée » ou une « déroute », comme il a souvent été affirmé depuis une semaine. D’une part, le parti qui appuie le président reste le plus important à l’Assemblée nationale. D’autre part, la Constitution de la Ve République est assez souple pour que cette configuration du pouvoir ne soit pas inévitablement synonyme de paralysie des institutions politiques. Rappelons par exemple que de Gaulle lui-même dut composer avec des majorités relatives de 1958 à 1967.

Si ce scrutin n’est pas en soi catastrophique pour le président de la République, deux constats majeurs s’imposent. Premièrement, la grande variété de partis ayant les 15 élus nécessaires à la création d’un groupe parlementaire à l’Assemblée nationale rend l’enceinte où s’exprime la souveraineté populaire plus représentative des différentes sensibilités politiques qui façonnent le pays. Deuxièmement, en refusant les pleins pouvoirs à un président réélu après avoir exercé un premier mandat plein, une première depuis 1958, les électeurs ont manifestement voulu imposer des limites, instaurer une compétition, ce qui est loin d’être malsain en démocratie.

Il y a quelques mois, Emmanuel Macron disait vouloir changer sa façon de gouverner en étant moins vertical, certains diraient autoritaire, et plus à l’écoute. Les circonstances l’obligent maintenant à concrétiser cette aspiration.

Une revalorisation du rôle de premier ministre

Pour cela, il ne pourra pas agir seul. Deux acteurs se révéleront cruciaux dans les mois à venir. D’un côté, alors que le président devrait être amené à se concentrer sur les nombreux enjeux de politique étrangère qui relèvent du « domaine réservé » de la présidence, la première ministre Élisabeth Borne devra pleinement jouer son rôle de seconde tête de l’exécutif pour bâtir au cas par cas des majorités à l’Assemblée nationale. Cela impliquera de limiter les ambitions de réforme, voire d’en abandonner certaines, mais un Parlement qui parlemente n’empêchera pas un gouvernement de gouverner. Ce sera toutefois un défi important pour elle après des premières semaines bien ternes à Matignon. De l’autre, le parti Les Républicains qui, même s’il n’est que le quatrième en importance avec 61 élus, apparaît comme l’allié politique le plus naturel pour le gouvernement du président Macron. Après la déroute de la présidentielle, cette position de « faiseur de Roi » lui confère une importance peut-être inespérée, mais assurément capitale. C’est ainsi la droite républicaine, non les extrêmes de Mélenchon ou Le Pen, qui sera en mesure de dicter les succès ou échecs du second mandat de Macron.

Les scrutins présidentiel et législatif de cette année 2022 ouvrent de nouvelles perspectives politiques en France. Certes, la faible culture du compromis, la passivité, le manque d’assiduité trop fréquent chez les parlementaires ainsi que la détermination des perdants à revendiquer la victoire et à délégitimer les vainqueurs des urnes sont autant d’éléments qui peuvent laisser craindre un certain chaos. En reconduisant le président tout en imposant une certaine compétition du pouvoir, les électeurs démontrent que la Ve République peut très bien s’adapter aux exigences d’une vie démocratique saine. Celle-ci pourra pleinement s’exprimer dans une Assemblée enfin représentative de la grande majorité des sensibilités politiques qui sont au cœur du débat public depuis des années. C’est une vérité qui peut déranger si l’on considère le résultat obtenu par les partis antisystèmes. C’est possiblement à ce prix que les Français s’intéresseront de nouveau à la chose publique après s’en être détournés depuis trop longtemps, comme en atteste le taux d’abstention record (53 %) du second tour de ces élections législatives.

Plus près qu’on pense

Au Canada et aux États-Unis, le député de la 1re circonscription des Français établis hors de France, Roland Lescure, affilié au mouvement Ensemble ! du président Macron, a été réélu pour un deuxième mandat. Néanmoins, au Canada et au Québec particulièrement, c’est la candidate Florence Roger qui a obtenu le plus de votes. Celle-ci se présentait sous la bannière de la Nouvelle Union populaire écologique et sociale (NUPES), une alliance de divers partis de gauche regroupés autour du parti La France insoumise (LFI) de Jean-Luc Mélenchon.