La langue française évolue à une vitesse folle. Chaque semaine, notre conseillère linguistique décortique les mots et les expressions qui font les manchettes ou qui nous donnent du fil à retordre.

Le 1er juillet, jour de déménagement national, nombreux sont ceux qui emménagent dans un nouveau logement ; ils s’y installent, donc. Ils emménagent dans quelques jours.

Ces personnes aménageront ensuite les lieux pour les rendre plus confortables. Elles ont l’intention d’aménager un coin repas dans la cuisine.

On confond souvent les verbes aménager et emménager, qui sont des paronymes, soit des « mots de sens différent mais de forme relativement voisine ».

La ressemblance entre deux mots nous fait commettre bien d’autres erreurs. Par exemple, prolongation signifie prolonger dans le temps. Prolongation d’un traitement, d’une trêve, d’un contrat. L’équipe a perdu en prolongation. Et prolongement signifie prolonger dans l’espace. Le prolongement de la ligne de métro. On emploie aussi le nom prolongement notamment au sens de « répercussion ou suite d’un évènement, d’une activité ». Ouvrages consacrés aux prolongements des attentats du 11-Septembre.

Les paires de mots éruption-irruption ou éminent-imminent sont aussi des classiques, mais il en existe des dizaines d’autres. Le nom éruption désigne l’apparition de lésions cutanées (éruption de furoncles), le jaillissement des matières volcaniques (éruption volcanique) ou, au figuré, une production soudaine et abondante (éruption de colère). Le nom irruption s’applique à une invasion soudaine et violente d’éléments hostiles dans un pays (irruption de l’armée russe en Ukraine), l’entrée de force et en masse ou de façon inattendue dans un lieu. Irruption de manifestants.

L’adjectif éminent a le sens de « très distingué, remarquable ». Rendre d’éminents services, un éminent personnage. Imminent signifie plutôt qui « va se produire dans très peu de temps ». Son arrestation est imminente, un danger imminent.

Au Québec, on emploie aussi souvent échafaud au sens d’échafaudage. À l’écrit, on doit réserver le premier à l’estrade « destinée à l’exécution publique des condamnés ». Le film Ascenseur pour l’échafaud, de Louis Malle. Le second, lui, désignera une « construction provisoire en charpente, fixe ou mobile, réalisée pour construire ou réparer un bâtiment ». Dresser un échafaudage contre une façade. Ou un « amas d’objets entassés les uns au-dessus des autres ». Des échafaudages de meubles abandonnés sur le trottoir.

Courrier

Wagon ou voiture ?

Dans le domaine ferroviaire, doit-on dire wagon de passagers ou voiture de passagers ? De même, est-ce voiture-lits ou wagon-lits ? Sur les voitures de la Compagnie internationale des wagons-lits, on indique aux extrémités le mot voiture-lits ! VIA Rail utilise les mots voiture et voiture-lits.

Réponse

Le mot wagon peut désigner la « voiture d’un train aménagé pour le transport des marchandises, des bestiaux ». Mais il est aussi employé couramment pour désigner la « voiture destinée aux voyageurs ». « Le mot wagon, très usuel au XIXsiècle et jusque vers 1960-1970, semble reculer dans cet emploi non technique devant le terme techniquement correct, voiture », souligne le Grand Robert de la langue française.

Au mot voiture, le dictionnaire fait néanmoins la remarque suivante : « Le langage courant emploie aussi wagon, dans ce sens, voiture étant le terme administratif et technique. » « Dans la langue courante […], le nom wagon s’emploie de plus en plus pour désigner tout véhicule ferroviaire », précise aussi le Multidictionnaire de la langue française.

On lit le même genre de remarque dans d’autres ouvrages. Par exemple, dans le Dictionnaire des difficultés et pièges de la langue française : « Dans l’usage courant, non technique, on emploie souvent wagon pour voiture : nos couchettes sont dans le troisième wagon ; wagon-lit, wagon-restaurant (les termes techniques sont voiture-lit, voiture-restaurant). »

L’emploi du mot wagon au sens de voiture n’est donc pas fautif en soi. On écrit un wagon-lit, des wagons-lits, une voiture-lit, des voitures-lits, un wagon-restaurant, des wagons-restaurants, une voiture-restaurant, des voitures-restaurants.

Si on a envie d’employer les termes qui sont considérés comme techniques, on peut en ajouter un à son vocabulaire. Dans un train de voyageurs, le wagon qui sert au transport des bagages s’appelle le fourgon. Fourgon de tête, de queue.

Vous avez des questions sur la langue française ? Posez-les à notre conseillère linguistique. Elle répondra à une question chaque dimanche.