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À chaque procès criminel, comme celui de Carl Girouard à Québec, je me demande pourquoi ce n’est pas le tribunal qui engage un groupe d’experts pour instruire le jury sur l’état mental d’un accusé ? Je ne me fie pas à l’opinion d’un expert payé par la défense pour l’innocenter pas plus qu’à l’expert de la couronne pour le condamner. Dans le système actuel, la crédibilité et l’éthique des experts sont hautement discutables.

Bernard Cyr, Québec

L’un dit blanc, l’autre noir. C’est un grand classique des procès criminels qui s’articulent souvent autour d’un débat d’experts afin de déterminer si l’accusé avait toute sa tête au moment du crime. S’il pouvait distinguer le bien du mal. Et s’il est criminellement responsable de ses actes.

La semaine dernière, on l’a vu au procès de Carl Girouard, qui a brandi son sabre le soir de l’Halloween, à Québec, pour faucher la vie de deux personnes et en blesser cinq autres.

Le psychiatre de la défense a soutenu qu’il souffrait de schizophrénie et qu’il était en plein délire psychotique. Mais selon le psychiatre de la Couronne, le jeune homme ne présentait pas de « glissade » vers la schizophrénie et il n’avait pas d’idées délirantes ou d’hallucinations.

Qui croire ?

Les deux experts ont pourtant étudié les mêmes ouvrages. Ils se fondent sur la même science. Mais ils arrivent néanmoins à des conclusions différentes... en fonction de la partie qu’ils représentent.

Bien sûr, personne ne peut être dans la tête de l’accusé au moment où il a commis le crime, ce qui laisse place à une certaine interprétation, même si les experts ne peuvent pas étirer l’élastique trop loin, sinon ils deviendraient la risée de leurs pairs.

Mais lorsque deux experts arrivent avec des opinions divergentes, le public a de quoi être sceptique quant à leur objectivité. Dans certains cas, cela sème carrément la controverse. Souvenez-vous du procès de Guy Turcotte qui avait poignardé ses deux enfants. Le cardiologue avait été reconnu non criminellement responsable lors de son premier procès, pour ensuite prendre le chemin de la prison à l’issue d’un second procès.

« Ça jette beaucoup d’ombre sur la crédibilité du système », considère l’avocat criminaliste Jean-Claude Hébert.

Alors pourquoi le juge ne nommerait-il pas un seul et unique expert totalement indépendant et impartial ? Après tout, cela se voit en arbitrage civil, ce qui permet d’économiser du temps et de l’argent.

Le hic, c’est qu’une telle formule irait à l’encontre de la Charte des droits et libertés qui prévoit qu’un accusé a droit à une défense libre et entière. Cela inclut la possibilité de faire appel à l’expert de son choix.