Avec leur plume unique et leur sensibilité propre, des artistes nous présentent, à tour de rôle, leur vision du monde qui nous entoure. Cette semaine, nous donnons carte blanche à Dany Turcotte.

Le 16 février 2021, je quittais Tout le monde en parle, avec fracas, accompagné d’un haut-le-cœur généralisé des commentaires haineux sur les réseaux sociaux. Immédiatement, on m’a perçu comme une pauvre victime de la méchanceté maintenant normalisée sur l’internet. S’en est suivi un tsunami d’amour. J’ai reçu, en quelques jours, 100 000 messages. Mes boîtes de courriels débordaient.

Après avoir reçu le pot et le fumier pour les faire pousser, les fleurs arrivaient ! Je me roulais littéralement dans l’amour, tel un capelan au clair de lune ! Les gens qui ne se prononcent jamais sur les réseaux sociaux avaient décidé de me faire sentir leur présence. La majorité silencieuse s’est levée pour moi.

Dans la rue, des gens me regardaient avec pitié, le visage grimaçant de compassion. On me demandait de 25 à 30 fois par jour : « Ça va-tu bien, Dany ? » Je remercie vraiment ces gens qui s’inquiétaient sincèrement pour moi !

Aujourd’hui, je peux dire que oui, je vais beaucoup mieux ! Je me souviens, au début de Tout le monde en parle, il n’y avait pas de réseaux sociaux, une simple boîte de courriels recevait les commentaires. Notre producteur, Guillaume L’espérance, nous en avait même retiré l’accès à Guy et à moi, car il trouvait qu’on y passait trop de temps et que ça nous déconcentrait. Deux ans plus tard, Twitter est arrivé ! Non seulement les gens pouvaient nous écrire, mais chaque dimanche, ils étaient avec nous dans notre salon… bonjour la concentration !

Les réactions à Tout le monde en parle ont toujours été très vives. Chaque année, je survivais à deux ou trois tempêtes de réseaux sociaux : des partisans politiques « crinqués » contre une carte donnée à leur chef, un écart de comportement envers une actrice entrepreneuse spécialisée dans les bijoux, dont je tairai le nom, ou encore, de sanguinaires véganes offusquées d’une blague d’accord rôti de porc-vin végane !

Mon rôle de guêpe tournant autour du pot de miel dérangeait et c’était parfait ainsi ! Je m’étais habitué à ces soubresauts saisonniers. Je faisais partie de l’émission Tout le monde en parle, il fallait bien que, quelque part, quelques-uns en parlent !

Mais j’avoue que la dernière année, en pleine pandémie, en direct, sans public avec six sujets lourds, et ce, au moment même où la Terre entière était plongée dans une vaste crise d’anxiété, chaque tentative d’humour avait l’effet d’un ongle qui frotte sur un tableau. Le timing était donc parfait pour faire rouler la tête du fou du roi. En 30 minutes, ma lettre de démission était écrite, le fruit de mon exaspération était si mûr qu’on avait même trouvé un peu de pourriture près du noyau !

Aujourd’hui, le temps a travaillé, j’ai relativisé cette « haine » reçue par l’entremise de nos jeunes réseaux sociaux (Facebook a 18 ans). Ceux-ci sont entrés dans nos vies aussi violemment qu’un truck dans Ottawa ! Avec leur arrivée, les klaxons de l’opinion étaient en marche. Tout le monde a maintenant accès à tout le monde, il est évident que l’apprentissage du « comment se comporter en ligne » sera un long fleuve extrêmement agité.

Avant l’avènement de ces plateformes, chacun fréquentait sa petite taverne personnelle. On n’avait aucune idée des propos qu’on y tenait, ça restait des opinions prononcées discrètement à l’urinoir en rotant sa sixième Molson Ex. Aujourd’hui, on fréquente tous et toutes la même taverne virtuelle.

Jamais on n’aurait pensé que la démocratisation de l’opinion allait révolutionner nos vies au point où l’on en viendrait à pouvoir interpeller le premier ministre directement pour le traiter d’« hostie de vendu » et que non seulement ce serait légal, mais aussi fortement encouragé !

Toutes les radios, toutes les télés et tous les journaux implorent les gens de se prononcer sur Twitter et sur Facebook. Nos sociétés ont elles-mêmes créé cette pandémie d’opinions. Les estrades sont pleines de gérants, les statuts Facebook et les tweets explosent dans cette course à qui ira chercher le plus de réactions sur sa réaction. On aime les likes.

Nos iPhone ont remplacé la cigarette. Ils comblent les temps morts de nos vies. À quand des patchs pour se désintoxiquer de ces appareils mangeurs de temps ? Nos pauvres doigts qui swipent frénétiquement sur le téléphone jusqu’à former une corne ! Sortir la « maudite machine » dans l’ascenseur par malaise pour être bien certain de ne pas avoir à parler aux autres. Marcher dans la rue, la chose à la main, par peur de rater la dernière vidéo Instagram du chien à deux pattes avec une chaise roulante.

Je nous souhaite rapidement des zones sans WiFi, au même titre qu’il y a des endroits non-fumeurs. Des zones où l’on pourrait simplement se parler. Le retour des perrons d’église en présentiel !

Imaginez, le téléphone intelligent n’a pas encore 20 ans. Il sera à combien, notre « temps d’écran », dans 20 ans ? On faisait quoi avant de nos journées ? On fumait des cigarettes, j’imagine !

Sur ce, bonne journée. Je travaille sur de beaux projets, qui verront le jour bientôt, je l’espère. En attendant, suivez-moi sur mes pages Twitter, Facebook, Instagram, LinkedIn, et surtout, n’hésitez pas à m’écrire, je veux connaître votre opinion ! Je like tout le monde, même ceux qui ne m’aiment pas. Pas le temps de ruminer, nos vies sont trop courtes !