La langue française évolue à une vitesse folle. Chaque semaine, notre conseillère linguistique décortique les mots et les expressions qui font les manchettes ou qui nous donnent du fil à retordre.

Quel est le genre des villes ? C’est une question qui revient fréquemment, sans doute parce que l’usage est flottant.

On verra par exemple le titre Paris brûle-t-il ? pour le livre écrit par Larry Collins et Dominique Lapierre, et le film qu’en a tiré le cinéaste René Clément. Mais on entendra aussi Jean-Pierre Ferland chanter que Montréal est une femme.

À La Presse, on observe (généralement) les conventions suivantes.

Les noms de villes sont masculins lorsqu’ils se terminent par une consonne. On écrira donc Montréal est parvenu à régler le problème. Si le masculin nous déplaît, on peut plutôt écrire La Ville de Montréal est parvenue à régler le problème. Si on trouve bizarre d’écrire Montréal est-il devenu une ville dangereuse ? on peut formuler sa phrase autrement : Est-ce que Montréal est une ville dangereuse ?

Les noms qui commencent par un article défini masculin sont (bien sûr) masculins. Le Gardeur, Le Mans, Le Caire (on écrit aller au Caire et les 24 Heures du Mans). Les noms commençant par un article défini féminin sont féminins. La Tuque, La Prairie, La Havane, La Nouvelle-Orléans. Dans ce dernier cas, le La fait aussi partie du nom et prend une majuscule (souvent omise).

Les noms de villes qui se terminent par un e sont généralement féminins. Mais on considère comme masculins les noms qui se terminent par une autre voyelle (comme Ottawa ou Oslo).

Le nom de Londres, qui, à l’oreille, se termine par un e, est considéré comme féminin. Et Versailles ? demanderont peut-être les cinéphiles en pensant au film de Sacha Guitry Si Versailles m’était conté… Le nom Versailles désigne ici plutôt le château, ce qui peut expliquer le masculin.

Quand le nom de la ville est précédé par les adjectifs vieux ou tout, on emploie le masculin. Se promener dans le Vieux-Montréal. Le Tout-Victoriaville s’était rassemblé pour le festival.

Enfin, le nom de ville est aussi masculin lorsqu’il désigne un gouvernement ou une équipe sportive. Washington indigné par les manœuvres de Moscou. Tampa Bay champion de la Coupe Stanley.

Courrier

L’emploi du faux ami éventuellement

Que faire avec l’usage fréquent de l’adverbe éventuellement employé dans le sens de « eventually » ? Est-il encore possible d’effectuer un virage majeur pour en finir avec cette paire de faux amis ? Ou est-il tout simplement trop tard ?

Réponse

Il se peut bien que ce sens, de plus en plus répandu, ne soit plus, un jour, considéré comme un anglicisme. Au journal, on essaie d’éviter cet emploi, toujours signalé comme fautif.

On emploie bien l’adverbe éventuellement comme synonyme de peut-être. Ces documents pourront servir éventuellement (mais peut-être que non, on n’en sait encore rien).

Mais en français, éventuellement ne signifie pas un jour (temporalité) ou finalement (finalité) comme l’anglais eventually.

Pour exprimer la temporalité, on peut employer des tournures comme : par la suite, plus tard, un de ces jours, à un moment donné, le moment venu ou ultérieurement.

Pour exprimer la finalité, « eventually » peut se traduire par : en dernier ressort, au bout du compte, en fin de compte, en définitive. Mais on évite aussi l’expression à la mode « au final », considérée comme un barbarisme.

Vous avez des questions sur la langue française ? Posez-les à notre conseillère linguistique.