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Q. « On insiste grandement sur l’impact environnemental des croisières, mais quel serait celui de la vie de l’ensemble des passagers et du personnel vivant sur le plancher des vaches pendant la même période ? »

Michel Lasalle

R. Votre question tombe à point. Après avoir été frappée de plein fouet par la pandémie, l’industrie des croisières redémarre. Le Los Angeles Times a récemment rapporté que Carnival Corp, la plus importante entreprise du secteur, a déjà enregistré plus de réservations pour la deuxième moitié de 2022 que pour la même période en 2019.

Les entreprises de croisières disent faire des efforts pour améliorer leur bilan environnemental. Malgré cela, il est indiscutable que ces immenses hôtels flottants sont extrêmement polluants. Les problèmes sont nombreux.

Le premier est que la plupart des bateaux utilisent du mazout lourd pour alimenter leurs moteurs. Or, ce carburant est tout sauf propre. On pense instinctivement au CO2 émis, avec raison. Les estimations varient grandement selon les sources consultées, mais toutes conviennent que les émissions des bateaux de croisière dépassent de beaucoup celles des voitures et même des avions.

Dans une étude néo-zélandaise révisée par des pairs, des chercheurs estiment par exemple qu’un bateau de croisière émet quelque part entre 250 et 2200 g de CO2 par passager par kilomètre, selon le type de bateau et le nombre de passagers. Un vol Montréal-Paris, en comparaison, génère autour 163 g de CO2 par passager par kilomètre, selon les calculateurs disponibles en ligne.

Une famille de quatre qui se promène en voiture émet environ 45 g de CO2 par kilomètre par passager.

Consultez un résumé de l’étude néo-zélandaise (en anglais)

Le CO2 est toutefois loin d’être le seul problème. Le mazout lourd émet également d’énormes quantités d’oxydes de soufre et d’azote, des gaz qui contribuent notamment à la formation de pluies acides. Une étude du groupe environnemental Transport & Environment a calculé qu’en 2017, les 47 bateaux de l’entreprise Carnival Corporation voguant dans les eaux européennes ont rejeté 10 fois plus de dioxyde de souffre que… toutes les voitures d’Europe. Ces chiffres ne sont pas révisés par des pairs, mais on peut dire sans se tromper que la pollution est réelle.

Consultez l’étude (en anglais)

Les moteurs des bateaux émettent aussi des particules fines, et d’autant plus que la presque totalité d’entre eux n’ont pas de filtres pour les capter.

Une façon de réduire ces émissions serait de limiter la consommation de carburant dans les moments où le bateau est en déplacement, et d’utiliser le réseau électrique local pendant les escales. Malheureusement, une minorité d’entreprises procède ainsi.

Autre problème : les bateaux génèrent toutes sortes de rejets – eaux usées non traitées, résidus alimentaires, plastiques – dans les mers et océans. L’organisation environnementale Stand estime que, chaque année, 32 milliards de litres d’eaux usées et d’eaux de lavage sont rejetés par les bateaux de croisière au large des côtes de la Colombie-Britannique – l’équivalent de 13 000 piscines olympiques.

Consultez l’étude de Stand (en anglais) 

Certains bateaux commencent à traiter leurs eaux usées, mais les progrès sont lents.

Si vous restez sur la terre ferme, l’énergie que vous consommez ne provient pas de mazout lourd et le contenu de vos toilettes est traité avant de retourner dans l’environnement. L’impact des croisières par rapport à la décision de rester à la maison – ou de voyager autrement – est donc bien réel.

Si vous choisissez néanmoins de partir en croisière, l’organisation environnementale allemande Nature and Biodiversity Conservation Union évalue la performance environnementale des principales entreprises selon plusieurs critères.

Consultez le rapport le plus récent (en anglais)