Sylvain Gaudreault est diplômé en histoire et en droit. Il a enseigné au cégep de Jonquière. On le connaît pour sa carrière en politique.

À l’occasion de cette course à la chefferie, j’ai soulevé à quelques reprises dans l’espace public la question des réfugiés climatiques. Alors que certains de mes adversaires ramenaient constamment la question de l’indépendance du Québec à une baisse des seuils d’immigration, j’ai tenté de présenter une vision d’un pays indépendant jouant un rôle humanitaire dans le concert des nations et acceptant d’accueillir sa part du flot des réfugiés climatiques actuels et à venir. Selon moi, le parti doit s’inspirer de Jacques Couture, ministre de l’Immigration du premier gouvernement de René Lévesque, et faire preuve d’ouverture comme il l’a fait envers les réfugiés vietnamiens, chiliens ou haïtiens dans les années 1970 et 1980. Prenons pour exemple l’été 1980. Le 2 août de cette année-là, quelques mois à peine après le premier référendum, alors que le PQ est au gouvernement et se prépare à être réélu avec une majorité plus forte qu’en 1976, La Presse titre à la une : « SOS Haïti : Québec demande l’amnistie pour les réfugiés “illégaux” » 1. Il est malheureux de constater que, 40 ans plus tard, un tel positionnement gouvernemental paraît, pour certains, impensable...

Les chiffres sont implacables. L’ONU prévoit pas moins de 250 millions de réfugiés climatiques dès 2050. D’autres rapports affirment qu’ils seront 1 milliard 2. Déjà, entre 2008 et 2016, la moyenne annuelle des déplacements reliés aux changements climatiques a été de 25,3 millions de personnes dans le monde 3. Évidemment, nous pensons tout de suite aux États insulaires qui sont directement touchés par la hausse du niveau de la mer, mais d’autres pays vulnérables sont et seront aussi frappés de plein fouet par les inondations, les sécheresses et les tempêtes. Ils se trouvent principalement en Asie du Sud, en Afrique et en Amérique latine. Au Bangladesh, par exemple, l’ONU estime que 19 millions d’enfants sont directement affectés par les effets des changements climatiques. On sait à quel point ce pays est particulièrement sensible aux inondations.

Le lien entre les changements climatiques, les catastrophes naturelles et les autres causes de migration de populations est incontestable. Il est évident que les catastrophes naturelles, la quête d’eau potable dans certaines régions arides ou l’insécurité alimentaire, par exemple, provoquent des déplacements massifs de populations. De même, plusieurs conflits armés et l’extrême pauvreté de certaines régions peuvent aussi s’expliquer par la crise climatique ou être accentués par celle-ci. L’Agence des Nations Unies pour les réfugiés (UNHCR) reconnaît le problème et prévoit son amplification pour les années futures 4.

Considérant les débats qui ont secoué l’opinion publique depuis 2018 à la suite du flux de réfugiés traversant le célèbre chemin Roxham, nous pouvons imaginer les discours polarisants qui attendent le Québec si l’État ne se prépare pas dès maintenant à la croissance de la migration de populations vulnérables fuyant des catastrophes naturelles.

Ce qui est frustrant, c’est que le Québec, au sein de la fédération canadienne, ne détient pas la responsabilité de traiter les demandes d’asile. Il est à la remorque du gouvernement fédéral à cet égard.

Néanmoins, il reste que nous sommes collectivement confrontés à un choix : soit nous attendons que l’enjeu s’envenime, renforçons le contrôle aux frontières, adoptons des politiques restrictives et alimentons un sentiment xénophobe ; soit nous anticipons cette future réalité inévitable et nous nous organisons dès maintenant pour pouvoir mieux gérer cet afflux migratoire dans un esprit humaniste et d’ouverture. Quant à moi, je choisis la deuxième option. Et savez-vous quoi ? Elle m’apparaît comme la plus pragmatique.

Cependant, la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés ne reconnaît pas les menaces climatiques comme un motif justifiant l’octroi de ce statut. Bien qu’en 2020 le Comité des droits de l’homme de l’ONU ait admis que retourner des demandeurs d’asile dans leur pays d’origine alors que leur vie est menacée par la crise climatique revient à exposer ces personnes à une atteinte à leur dignité, il persiste un vide juridique en droit international 5.

Tant qu’il ne pourra pas parler de sa propre voix au sein de l’ONU, je souhaite que le Québec agisse auprès du Canada afin que ce dernier reconnaisse qu’il existe des lacunes dans la protection des réfugiés en raison des nouvelles formes de déplacements. Le Canada et le Québec devront revoir leurs lois et politiques en matière d’accueil de réfugiés et d’assistance immédiate sur le terrain. Avec l’appui du Québec, le Canada pourrait accroître la pression pour développer une approche plus cohérente à l’échelle internationale afin de répondre aux besoins de protection des personnes déplacées en raison de catastrophes naturelles.

1. Pierre Saint-Germain (1980)
2. Stéphane Parent (2019)
3. François Gemenne (2019)
4. Guy S. Goodwin-Gill et Jane McAdam (2017)
5. François Gémenne (2020)

Pragmatique – Quand le climat dicte l’action politique

Pragmatique – Quand le climat dicte l’action politique

Somme toute, septembre 2021

146 pages

Qui est l’auteur ?

Sylvain Gaudreault est né au Saguenay et il y vit toujours. Diplômé en histoire et en droit, il a enseigné au cégep de Jonquière. Élu député en 2007 dans la circonscription de Jonquière, il a été réélu quatre fois. Il a notamment été ministre des Transports et des Affaires municipales dans le gouvernement Marois entre 2012 et 2014 et chef de l’opposition officielle en 2016. Il a été candidat à la chefferie du Parti québécois en 2020.