Daniel Sanger a pris une pause de deux ans pour travailler avec Projet Montréal en 2010… une aventure qui aura duré neuf ans. Il raconte de l’intérieur l’ascension au pouvoir du parti, ses succès, ses échecs, et retrace le rôle de ses principaux protagonistes.

S’il y a un géant qui [est tombé à l’élection de] 2013, c’est bien Louise Harel, candidate dans Sainte-Marie, le district immédiatement à l’ouest de celui de Caldwell. Son élection au cœur de son fief était considérée comme acquise. Depuis sa première élection dans le quartier en 1981, elle n’avait jamais obtenu moins de 50 % des voix et avait toujours fait plus du double de son adversaire le plus proche. Mais jamais auparavant elle ne s’était présentée sur une liste dirigée par un fédéraliste conservateur. Elle n’avait probablement jamais non plus fait face à une candidate ayant l’énergie, l’enthousiasme et l’optimisme de Valérie Plante.

Projet Montréal n’a pas investi beaucoup dans cette course, ni en termes de ressources ni en termes d’espoir. Les priorités dans l’arrondissement de Ville-Marie étaient de faire élire Bergeron dans Saint-Jacques, où il se présentait contre une des recrues vedettes de Coderre, le journaliste de Radio-Canada Philippe Schnobb, et Jimmy Zoubris dans Peter-McGill, le troisième district de l’arrondissement. Depuis qu’Harel avait annoncé qu’elle s’y présenterait, Projet Montréal considérait Sainte-Marie comme « un district à oublier », selon Oliver Paré, le doc (directeur de campagne) de l’arrondissement en 2013.

Il n’y avait aucun scénario où [Valérie Plante] battait Louise Harel. Toutes les ressources que j’obtenais allaient d’abord à Richard ou à Janine [Krieber, la colistière de Bergeron], puis en deuxième lieu à Jimmy parce qu’on pensait avoir une chance dans Peter-McGill. Val était la dernière dans l’attribution des ressources.

Oliver Paré

« J’ai été assez clair avec elle à ce sujet. Je ne pouvais rien faire d’autre que de lui dire qu’elle devait se bouger le cul et qu’elle n’avait aucune chance à moins d’y aller à fond, ajoute-t-il. Et elle a reçu le message. Je lui ai demandé d’être aux portes tous les jours et elle l’a fait. » Par ailleurs, il n’est jamais venu à l’idée de Bergeron de faire un effort pour aider Plante à se faire élire. « Durant toute cette campagne-là, je ne me suis jamais occupé d’elle, dit-il. Pour moi, c’était la fille qui allait au casse-pipe. Elle consentait à aller se faire zigouiller. Elle n’avait aucune chance là. Elle ne peut pas gagner. Point. Terminé. »

Plante avait un noyau de quatre bénévoles dans son district avec lesquels elle faisait du porte-à-porte, mais elle se retrouvait parfois seule pour cette tâche – ce que le parti déconseillait pour des raisons de sécurité. Que ce soit seule ou avec un bénévole, il y avait aussi des jours où la perspective d’une autre soirée passée à arpenter les trottoirs et à monter les escaliers de Sainte-Marie était presque trop dure à supporter pour elle, raconte Paré. « Elle traversait le pont à vélo depuis son travail à Longueuil, rentrait à la maison, voyait ses enfants et m’appelait en larmes en disant : “Je ne veux pas le faire ce soir. Je veux passer du temps avec mes enfants.” Et je lui disais : “Pardon ? Tu es sérieuse ?” J’étais un vrai salaud. Mais j’avais l’impression que je devais faire ça, dans mes habits tout neufs de directeur de campagne. » Il ajoute : « Il y a eu des points de rupture dans cette campagne, où elle ne comprenait pas vraiment la valeur de ce qu’elle faisait, pourquoi elle laissait ses enfants pendant si longtemps. » Paré, qui avait grandi à NDG, était arrivé à Projet Montréal via Ray Guardia et le NPD. Un jour il a dit à Plante qu’elle correspondait, comme Jack Layton, au modèle du « guerrier heureux » et que « c’était sa force, c’était ce qui allait la propulser. Et elle a aimé ça, et je pense qu’elle a été dynamisée par cette image ».

Qui est Daniel Sanger ?

Journaliste et écrivain établi à Montréal, Daniel Sanger a pris une pause de deux ans pour travailler avec Projet Montréal en 2010. Une aventure qui aura fini par durer neuf ans. Il a écrit pour The Economist, Saturday Night, Walrus et de nombreux autres magazines et journaux.

Sauver la ville – Projet Montréal et le défi de transformer une métropole moderne

Sauver la ville – Projet Montréal et le défi de transformer une métropole moderne

Écosociété, septembre 2021

504 pages