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Q : Comment explique-t-on le fait que les enfants sont moins susceptibles de contracter la COVID-19 lorsque le virus les infecte ?

Hugues Beauregard

R : Monsieur Beauregard,

Vous touchez ici à un mystère qui, près de deux ans après l’identification du virus, intrigue toujours les scientifiques.

« Je suis obligé de vous dire qu’on n’a pas encore de réponse claire », prévient Hugo Soudeyns, spécialiste des maladies infectieuses et directeur adjoint aux affaires scientifiques au Centre de recherche du CHU Sainte-Justine.

M. Soudeyns tient à rappeler que certains enfants sont frappés très durement par la COVID-19. Une minorité d’entre eux développent par exemple ce qu’on appelle un « syndrome inflammatoire multisystémique post-COVID-19 », une répercussion grave qui ne semble pas toucher les adultes.

Il est toutefois clair que contrairement à d’autres maladies infectieuses comme la rougeole, par exemple, la COVID-19 est généralement moins dangereuse pour les enfants que pour les adultes. Heureusement, d’ailleurs ! Il a été déjà assez éprouvant de voir nos aînés frappés par la maladie. On n’avait pas besoin que les petits s’ajoutent en masse au sombre portrait.

Plusieurs hypothèses peuvent expliquer la relative protection des enfants contre la COVID-19. Et il est possible que la réponse soit une combinaison d’entre elles.

Certains chercheurs croient que le secret se trouve… dans le nez et le système respiratoire des enfants. Le fameux récepteur ACE2, qui permet au SRAS-CoV2, le virus causant la COVID-19, de pénétrer dans nos cellules, y serait moins présent que chez les adultes. Résultat : un nombre moindre de virus parviendraient à pénétrer dans le corps des enfants et l’infection serait donc plus facile à combattre.

Les autres hypothèses tournent autour du système immunitaire des enfants. On sait déjà que celui-ci ne fonctionne pas comme celui des adultes. Plusieurs maladies (on pense à la varicelle) se manifestent d’ailleurs de façon très différente chez les enfants et les adultes.

M. Soudeyns explique que le système immunitaire des enfants génère ce qu’on appelle une « réponse innée » envers les virus. Il s’agit d’une réponse moins spécifique que celle des adultes, ces derniers utilisant la mémoire des virus rencontrés dans le passé pour cibler leurs attaques contre les envahisseurs.

Dans le cas précis de la COVID-19, il est possible que la réponse rapide mais non spécifique des enfants s’avère plus efficace que celle des adultes.

Certains scientifiques croient d’ailleurs que la fameuse mémoire du système immunitaire des adultes pourrait leur jouer des tours. Les adultes ont affronté de multiples coronavirus moins virulents que le SRAS-CoV-2 au cours de leur vie. Il est possible que leur système immunitaire, croyant reconnaître un ennemi connu, lance une attaque qui s’avère inadéquate. Faute d’être efficace, cette réponse se poursuit et s’emballe, provoquant une tempête inflammatoire qui finit par causer plus de dommages que le virus lui-même.

D’autres chercheurs croient au contraire que de nombreux enfants ont été exposés très récemment à des virus similaires au SRAS-CoV-2, ce qui leur confère une « immunité croisée ».

Bref, c’est loin d’être simple. Mais les chercheurs ne jettent pas l’éponge. Parce que découvrir le truc des tout-petits contre la COVID-19 pourrait s’avérer précieux pour protéger… les grands.