Vous avez des questions sur nos éditoriaux ? Des interrogations sur les sujets chauds de l’actualité ? Chaque semaine, l’équipe éditoriale répond aux lecteurs de La Presse.

Q : Pourquoi n’en faisons-nous pas plus pour la libération des deux Michael (boycottage des Jeux olympiques, refus d’acheter des biens produits en Chine…) ?

Michel T.

R : Pensons-y un peu : cela fait maintenant plus de 1000 jours que Michael Kovrig et Michael Spavor croupissent en prison en Chine alors que de l’avis d’à peu près tout le monde, ils n’ont rien fait pour mériter un tel sort.

Rien… sauf être au mauvais endroit (en Chine), au mauvais moment. Le régime de Xi Jinping cherchait alors à faire pression sur Ottawa pour obtenir la libération de Meng Wanzhou, directrice financière de Huawei.

Mais le Canada, lui, met-il assez de pression sur Pékin pour obtenir la libération des deux Michael ? La question est très pertinente. On aurait envie d’y répondre de façon tranchée et de dénoncer l’attitude du gouvernement canadien, mais les circonstances nous poussent à faire preuve de beaucoup plus de nuance.

Car tout est une question de rapport de force. Et face à la Chine d’aujourd’hui, le Canada est bien petit et bien faible.

C’est pourquoi le Canada a tout avantage à continuer de chercher à convaincre ses alliés pour faire des gestes de façon concertée (comme la déclaration internationale sur les détentions arbitraires). Car le Canada tout seul, c’est David face à Goliath.

Prenons par exemple l’idée d’un boycottage des produits chinois. Admettons qu’Ottawa donne un tel mot d’ordre. Forcément, la Chine riposterait par des mesures similaires.

Et nous perdrions au change.

La Chine est le deuxième partenaire commercial du Canada, après les États-Unis. Mais le Canada, parmi les partenaires commerciaux de la Chine, se retrouve environ au 15e rang, explique Zhan Su, professeur titulaire au département de management de l’Université Laval.

Par ailleurs, les produits qu’on vend en Chine ne sont pas uniques, souligne-t-il. Pour le porc comme pour le soya, par exemple, il y a (pour Pékin) de nombreuses solutions de rechange.

Un tel conflit commercial pourrait donc faire mal au Canada. Très mal. Mais la Chine n’en pâtirait pas.

Quant aux Jeux olympiques, si le Canada faisait comme si de rien n’était en février 2022 à Pékin, ce serait terriblement gênant.

Cela dit, dans ce dossier non plus, les choses ne sont pas simples.

Rares sont ceux qui suggèrent au Canada le boycottage des JO, puisque cela pénaliserait les athlètes et n’aurait pas l’effet escompté.

Organiser les Jeux olympiques ailleurs ? On le souhaiterait, mais ça ne fonctionnera pas. Le Comité international olympique n’acceptera jamais un tel changement de dernière minute.

Le gouvernement canadien et le Comité olympique canadien auraient tout avantage à déployer des trésors d’imagination pour trouver des façons de protester lors de l’évènement. En boycottant les cérémonies d’ouverture et de clôture, entre autres.

C’est ce que suggèrent certains experts de la relation entre les deux pays, dont Margaret McCuaig-Johnston, de l’École supérieure d’affaires publiques et internationales à l’Université d’Ottawa.

Mais n’oublions pas, ajoute-t-elle, l’importance des initiatives sur le plan individuel. Tenter de ne pas acheter de produits made in China ou encore décider de bouder la diffusion des Jeux olympiques l’an prochain, par exemple.

« C’est ce que bon nombre de Canadiens vont faire, je crois, dit-elle au sujet des JO. Qui veut assister à ces grands spectacles alors que des Canadiens ont été kidnappés ? » D’autres initiatives citoyennes sont aussi, assurément, possibles.

Ce n’est pas tant, ici, une question de rapport de force que de principe.

En somme, ne nous demandons pas seulement ce que le Canada peut faire pour obtenir la libération des deux Michael.

Demandons-nous ce que nous pouvons faire, nous aussi, pour protester contre ce que la Chine leur fait subir.