Bon nombre de journalistes seraient d’accord : la période des Jeux olympiques est palpitante et foisonnante. On présente les athlètes, rapporte les exploits des équipes canadiennes, décortique les tensions géopolitiques, remet en question les dépenses de l’organisation. Les sujets et le travail abondent.

Aux dires de notre reporter spécialisée en santé Ariane Lacoursière, couvrir la pandémie, c’est un peu comme couvrir les Olympiques… à l’exception que la frénésie s’étire durant une année entière. « C’est intense, on n’arrête pas », confie-t-elle.

À l’aube de la crise, la population était inquiète et « assoiffée d’information », rappelle celle qui a vu son métier se transformer sans crier gare. Qu’est-ce que le virus de la COVID-19? Quels sont les symptômes de ce mystérieux pathogène? Comment est-il transmis? Les nouvelles scientifiques circulaient à une vitesse folle et des points de presse se tenaient quotidiennement.

Ariane Lacoursière a rédigé plus de 200 articles sur le contexte sanitaire. « Après avoir écrit 40 000 fois sur le délestage des chirurgies, les avantages de la vaccination, la hausse des cas, les mesures de confinement », elle confie avoir fait l’expérience du jour de la marmotte, même si son travail la passionne plus que tout au monde.

« Le défi pour nous, c’était non seulement de suivre le flot d’information complètement dément qui circulait, mais également de trouver une histoire exclusive et des angles d’analyse inédits apportant un tout nouvel éclairage de la situation.

Il faut savoir qu’en temps normal, un bien petit nombre de journalistes couvrent la santé au Québec. Du jour au lendemain, cependant, tous les journalistes de la province se sont retrouvés à se pencher sur ce domaine et à décortiquer un seul et même enjeu : la pandémie.

Ariane Lacoursière s’est même surprise à se dire qu’elle avait hâte de se retrouver à couvrir à nouveau des événements simples, comme des conférences de presse, avec la poignée de collègues journalistes spécialisés en santé travaillant pour d’autres médias.

Travail d’équipe

La crise a permis à Ariane Lacoursière et plusieurs de ses collègues de collaborer plus étroitement que jamais. Avec ses collègues, elle a mené en deux semaines des enquêtes qu’elle aurait normalement accomplies en deux mois. Pour révéler les failles de la gestion de la pandémie à Montréal, ils se sont partagé les entrevues à faire, ont rassemblé leurs recherches dans un Google Docs et, à la fin, ont désigné une personne pour rédiger le texte.

Celle qui a remporté le prix E. Cora Hind du Concours canadien de journalisme pour la qualité de ses reportages sur la COVID-19 échangeait tous les jours avec ses homologues à Québec pour être certaine qu’ils ne travaillaient pas sur le même sujet. Pour tout le monde, l’heure était à la communication, malgré la distance. Les patrons avaient un rôle de chef d’orchestre; ils s’assuraient que La Presse ne passe pas à côté de quelque chose.

« On a fini par avoir des spécialités dans la spécialité santé. On avait des terrains sur lesquels on aimait jouer. Par exemple, une collègue était particulièrement intéressée par la vaccination; c’est à elle que tout le monde posait des questions en lien avec l’immunisation. »

Dans l’ombre

Durant les premiers mois de la pandémie, la boîte courriel d’Ariane Lacoursière a testé ses limites de stockage. Elle essayait toutefois de répondre à toutes les missives de ses lecteurs, même si elle en recevait 150 par jour. Une manière pour elle de dénicher des primeurs et des nouvelles exclusives, faute de pouvoir être toujours elle-même dans le feu de l'action. « Tous les gens qui étaient dans les hôpitaux et dans les CHSLD, c’étaient nos yeux et nos oreilles. Ne pas pouvoir me rendre sur le terrain, c’était ce que je trouvais le plus difficile »

En général, les journalistes doivent obtenir une permission spéciale pour entrer dans les unités de soins des hôpitaux. Cependant, durant la première vague, l’accès était strictement interdit. Le vice-président Information et éditeur adjoint de La Presse François Cardinal a mené des démarches en collaboration avec l’ensemble des patrons de presse du Québec pour qu'ils puissent s’y déplacer. Depuis, Ariane Lacoursière a notamment franchi les portes de l’Hôpital général juif et Katia Gagnon, celles de Charles-Le Moyne.

Notre chroniqueur Yves Boisvert se plaît à arguer que les reporters ne sont pas assez souvent félicités pour les histoires qu’ils n’écrivent pas, raconte celle qui travaille à La Presse depuis 2006. Les journalistes passent en effet beaucoup de temps à vérifier des informations transmises par des sources diverses qui se révèlent fausses, grossies ou incomplètes. Cette tâche est précieuse et essentielle, en particulier au plus fort de la pandémie, alors que les filons ne pouvaient être corroborés sur le terrain.

Heureusement, Ariane Lacoursière avait bâti un lien de confiance avec des intervenants clés du réseau capables de confirmer les faits. « Mon carnet d’adresses m’a peut-être permis de travailler plus vite. Quand je pensais à un sujet, tout de suite trois à quatre personnes qui pouvaient m’en parler me venaient en tête. Mais je ne peux pas m’en vanter, parce qu’aujourd’hui, tous les journalistes m’ont rattrapée! »

Même en temps normal, médecins, infirmières, préposés et chercheurs sont débordés et difficiles à joindre. Ariane Lacoursière l’affirme toutefois sans hésiter : tous étaient « très très très généreux et disponibles » et souhaitaient collaborer pour bien renseigner la population, et ce, même quand les nouveaux cas se comptaient par milliers.

Il fallait cependant décrocher le téléphone à toute heure. « Quand tu as un médecin qui finit son quart de travail aux soins intensifs à 21h30, bin tu le prends, son appel. Je me trouvais tellement mal positionnée pour refuser des entrevues trop tard alors que ces gens-là travaillaient comme des dingues pour sauver des vies. »