L’histoire retiendra de la récente élection présidentielle américaine qu’il a fallu quatre jours pour sacrer un vainqueur, le démocrate Joe Biden. (Son adversaire a de toute évidence une opinion différente !) Mais à La Presse, le scrutin aura été mémorable pour une autre raison : pour la première fois en près de huit mois, le journal a été monté dans notre salle de rédaction du Vieux-Montréal plutôt qu’en télétravail.

Les soirées électorales sont des moments phares dans la vie de la rédaction de La Presse – et pas seulement parce que les patrons paient la pizza, une vieille tradition. Reporters, chroniqueurs, relecteurs, pupitreurs, graphistes, réviseurs, éditeurs photo, chefs de pupitre – ils sont des dizaines à s’activer dans un ballet soigneusement chorégraphié et rigoureusement minuté.

Pour le scrutin du 3 novembre, nous avons décidé qu’il serait plus efficace – et plus sûr – que le cœur de l’équipe de production du journal se réunisse en personne au bureau, en respectant bien sûr la proverbiale distanciation sociale. On n’est jamais à l’abri d’une panne de courant à un moment crucial chez un graphiste ou un pupitreur, un risque qu’on ne peut pas se permettre de courir quand on travaille sans filet au petit matin.

Au contraire des élections québécoises et canadiennes, où l’on entend parfois « si la tendance se maintient » moins d’une heure après la fermeture des bureaux de vote, les élections américaines ont en effet la fâcheuse habitude de finir tard. Très tard. Ceux qui étaient là en 2000 quand la Floride a joué au yoyo entre Al Gore et George W. Bush en parlent encore.

Le virage numérique nous a heureusement donné une marge de manœuvre extraordinaire en nous permettant, quand la situation le commande, de repousser l’heure de tombée de La Presse+. Au temps du papier, l’édition devait être bouclée vers minuit et demi.

Dans la nuit du 3 au 4 novembre, il était 3 h 59 quand notre imperturbable chef de pupitre Simon Kretz a mis le point final à une soirée mouvementée au cours de laquelle la manchette du journal – « Trump crie à la fraude », dans sa version finale, après la tonitruante conférence de presse du président vers 2 h 30 du matin – avait eu le temps de changer à plusieurs reprises. (Parmi les versions antérieures : « Le combat continue » et « Il surprend encore ».)

Les lecteurs lève-tôt de La Presse+ et ceux qui ne s’étaient carrément pas couchés ont pu télécharger leur journal quelques minutes plus tard. Et quel journal : une quinzaine d’écrans de contenu, une vingtaine d’articles incluant quatre chroniques et des textes de nos envoyés spéciaux en Floride, en Pennsylvanie et en Géorgie, des cartes et des graphiques interactifs, le tout dans le riche habillage développé par l’équipe de notre directeur artistique Jacques-Olivier Bras.

En fait, la soirée ne s’est jamais réellement terminée, car notre vaillante équipe web a continué d’alimenter lapresse.ca jusqu’à l’arrivée de la relève à cinq heures du matin.

C’est à cette heure-là que plusieurs d’entre nous avons finalement pu aller nous coucher – pour nous relever deux ou trois heures plus tard afin de relancer la machine en vue de l’édition suivante. L’actualité ne nous donne guère de répit. Encore moins quand il est question de Donald Trump.