L'éléphanteau Dumbo, qui attire les railleries avec ses grandes oreilles puis s'en sert pour voler, fait partie de l'imaginaire collectif. Adorable dans le quatrième film d'animation de Walt Disney, sorti en 1941, il a touché des générations d'enfants droit au coeur. C'est avec un grand respect pour l'esprit du film original que le réalisateur Tim Burton et son équipe ont décidé de lui redonner vie.

Dumbo s'inscrit dans la liste des grands classiques de Disney qui passent de l'animation à la prise de vues réelles, après Alice au pays des merveilles, Cendrillon, Le livre de la jungle et La Belle et la Bête. En salle dès vendredi prochain, il précède Aladin (sortie le 24 mai), Le roi lion (le 19 juillet) et Mulan (prévu pour 2020).

Tim Burton se sentait à l'aise de s'approprier Dumbo, a révélé le cinéaste lors d'une rencontre de presse organisée à Los Angeles. Ce qui lui plaisait? Le concept de l'éléphant volant dans un cirque lui permettait d'exprimer sa créativité et d'explorer le monde du pachyderme autrement, tout en respectant l'essence du film original.

Surtout, il aime le personnage de Dumbo, qu'il comprend fort bien. Le réalisateur d'Edward Scissorhands ne le cache pas: il était lui-même considéré comme bizarre en grandissant, et même au début de sa carrière dans la section d'animation des Studios Walt Disney. On lui a toujours fait sentir qu'il n'était pas comme les autres.

«J'aime l'idée de l'étrange éléphant volant», a-t-il clamé, volubile et accompagnant ses paroles de grands gestes expressifs, lors d'une table ronde.

«C'est un symbole de plein de choses que je ressens par rapport à la vie : comment les gens perçoivent les autres et ce que tu fais avec cette différence, physique ou mentale, qui te vaut d'être perçu comme étrange, pour la tourner à ton avantage.»

Aussi réel que possible

La nouvelle version de Dumbo, considérablement enrichie, met en scène des humains qui traversent eux aussi des périodes difficiles et essaient de trouver leur place. Adieu éléphants, souris et corbeaux qui parlent. L'éléphanteau naît plutôt dans un cirque sur son déclin, mené tant bien que mal par Max Medici (Danny DeVito). Il est pris en charge (et en affection) par les deux enfants de Holt Farrier (Colin Farrell), qui viennent de perdre leur mère et doivent réapprivoiser leur père, à peine revenu de la guerre. Ce sont eux qui découvriront que le petit éléphant, rejeté à cause de ses énormes oreilles, peut voler. 

L'arrivée du riche propriétaire du cirque Dreamland, attiré par l'appât du gain, fait entrevoir de nouvelles possibilités. V.A. Vandevere (Michael Keaton) confie à sa conquête du moment, Colette Marchant (Eva Green), la responsabilité de gagner la confiance de l'éléphanteau pour faire un numéro avec lui dans les airs. Ce qui, dans la réalité, ne fut pas chose facile.

PHOTO FOURNIE PAR DISNEY

Le réalisateur Tim Burton

«J'étais absolument pétrifiée, a révélé l'actrice, qui en est à son troisième film avec Tim Burton [après Miss Peregrine's Home for Peculiar Children et Dark Shadows]. Je ne pensais pas être capable d'y arriver. J'ai eu l'aide de gens de cirque fantastiques, qui ont été très patients. Je me suis entraînée tous les jours pendant deux mois. Puis, petit à petit, je suis allée de plus en plus haut. Je me suis surprise moi-même.»

Le cirque vient avec son assortiment d'artistes, tous plus excentriques les uns que les autres. Dresseur de serpents, sirène, contorsionnistes, jongleurs, lanceurs de couteaux et clowns ajoutent une touche d'authenticité.

Effets spéciaux

Dumbo a été entièrement créé par ordinateur, tout comme sa mère. Tim Burton ne voulait pas qu'il ressemble en tous points à un éléphant, lui donnant une plus grande tête et de très grandes oreilles, pour qu'il puisse prendre son envol. Ses émotions passent par ses yeux, expressifs. Fidèle à son habitude, le réalisateur a commencé par le dessiner. Il a continué à le peaufiner en postproduction jusqu'au début de ce mois-ci. Est-il fidèle à ce qu'il avait imaginé?

«Donnez-moi une seconde, s'est-il exclamé lorsqu'on lui a posé la question. C'est comme un accouchement. Donnez une minute au bébé avant de dire qu'il est laid! Je lui donne quatre étoiles. Mais ne me posez pas la question. Je viens de finir. Je suis la pire personne à qui demander cela.»

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Dumbo est entouré d'humains qui doivent surmonter leurs propres difficultés.

Pour rendre Dumbo plus véridique et donner des références aux acteurs, six versions différentes ont été confectionnées et utilisées sur le plateau. Grandeur nature, elles avaient différentes textures, des poils en quantité variable et des yeux de différentes couleurs. Flexibles, leur tête et leurs oreilles pouvaient se détacher. Lorsque nécessaire, entre autres lorsque les enfants devaient toucher l'éléphanteau, un artiste de vert vêtu a pris sa place. Il était plus petit, mais ses yeux étaient à la bonne hauteur et les acteurs pouvaient mettre la main sur le dessus de sa tête. L'empreinte générale était suffisante pour être retravaillée par la suite.

Grand déploiement

Tim Burton a choisi de tout filmer à l'intérieur de deux gigantesques studios en Angleterre, où il habite. Il pouvait ainsi contrôler la lumière et ne pas s'inquiéter de la pluie. Il s'en est donné à coeur joie, faisant un film à grand déploiement.

«J'aimerais que les gens le voient sur un grand écran et j'espère qu'ils vont l'apprécier, a-t-il indiqué lorsqu'on lui a demandé ce qu'il pensait de films comme Roma, diffusés sur Netflix. C'est la raison pour laquelle tu fais cela, avec une centaine de personnes dans ton équipe. Tu n'obtiens pas le même effet sur ton téléphone.»

La réputée conceptrice de costumes Colleen Atwood, qui a remporté quatre Oscars (et a été en lice 12 fois), en est à sa 11e collaboration avec le réalisateur.

Faisant le lien entre la réalité et la fantaisie, alors que l'action se déroule dans deux cirques au début du XXe siècle, elle a dû habiller 500 personnes par jour pendant plusieurs mois. «Tant de choses étaient réelles, a-t-elle souligné. Quand tu es sur place, au milieu de l'action, tu réalises que tu te trouves dans un endroit vraiment magique, vraiment rare. Cela ne se produira peut-être plus jamais parce que les films changent très rapidement, tout comme le monde numérique. Ce fut une expérience très spéciale.»

Les frais de voyage de ce reportage ont été payés par Disney.

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Pour entrer dans la peau de la trapéziste Colette Marchant, Eva Green s'est entraînée pendant deux mois, Elle a aussi surmonté sa peur des hauteurs.