La guerre en Irak a peut-être officiellement pris fin en 2011, mais pour le réalisateur Mohamed al-Daradji, qui représente une nouvelle fois son pays aux Oscars, elle fait encore partie du quotidien.

«On peut dire que mes films sont un moyen de faire face aux séquelles de la guerre», explique à l'AFP l'Irakien de 40 ans, venu à Los Angeles pour promouvoir son film The Journey (Baghdad Station en français, sortie annoncée en février).

«Pour moi, le peuple irakien n'a pas fait son deuil. Il n'a pas encore réussi à accepter ce qui s'est passé [...] et j'ai l'impression que, peut-être, mon film peut aider les gens à se reconnaître sur le grand écran», dit-il.

Le film, dont l'action se situe en 2006, cinq minutes avant la pendaison du dictateur Saddam Hussein, parle d'une femme kamikaze qui se prépare à se faire exploser dans un attentat contre la gare de Bagdad.

Premier film à avoir fait une sortie commerciale en Irak depuis 27 ans, The Journey a été sélectionné par ce pays comme son candidat officiel pour la prochaine cérémonie des Oscars, dans la catégorie du meilleur film étranger. C'est la troisième fois que Mohamed Al-Daradji représente l'Irak dans cette compétition, après Ahlaam en 2007 et Son of Babylon en 2010.

Comme les précédents, The Journey dissèque la guerre et ses conséquences, cette fois à travers les yeux d'une femme, Sara, qui prend soudainement conscience de l'acte horrible qu'elle est sur le point d'accomplir.

Dans la gare de Bagdad, où se situe l'action, le réalisateur exprime la douleur des Irakiens via différents personnages, de la fillette mariée de force perdue dans sa robe blanche aux enfants des rues qui subsistent en vendant des fleurs et en cirant les chaussures, en passant par un musicien retrouvant une vie normale après 22 ans passés dans un camp de prisonniers.

«Je pousse un cri»

À ces protagonistes s'ajoutent les inévitables militaires américains, qui patrouillent dans la gare en aboyant des ordres mais qui ne sont pas pour autant exempts d'humanité, comme ce soldat qui chante au téléphone une berceuse à son enfant resté aux États-Unis.

Mohamed Al-Daradji dit avoir été inspiré pour cette histoire par un article consacré à une adolescente irakienne de seulement 17 ans, arrêtée avec une ceinture d'explosifs autour des reins.

«J'ai commencé à faire des recherches et j'ai découvert qu'il y avait eu plus de 200 femmes kamikazes en Irak», dit-il.

Le réalisateur a pu approfondir son scénario grâce à une prisonnière capturée par l'armée irakienne, qu'il a été autorisé à rencontrer.

«Je l'ai regardée et c'était un être humain, elle était belle et si intelligente», raconte-t-il. «Et la question que je soulève avec The Journey, c'est la possibilité d'une rédemption» pour les kamikazes.

«Peuvent-ils retrouver l'humanité qu'ils ont perdue ?», interroge-t-il.

Son prochain film, intitulé Bird of Paradise, mettra également en scène un personnage féminin, et des enfants.

«Quand je repense à mon enfance, il n'y avait personne qui m'écoutait. Et c'est peut-être pour ça que j'utilise des enfants dans mes films, et des femmes aussi, pour leur donner la parole», lâche le réalisateur.

Comme toujours, l'histoire chaotique de son pays sera au coeur du film. «De manière assez curieuse, je crois que tous les Irakiens souffrent de stress post-traumatique [...] À travers mes films, je pousse un cri, je projette toute ma colère, ma frustration», confie-t-il.

«The Journey, je l'ai fait pour des motifs égoïstes. D'une certaine manière, ça m'aide à m'accepter. On peut appeler ça une forme de thérapie.»