Pour son deuxième long métrage à titre de réalisateur, le comédien, humoriste et metteur en scène Alex Lutz désirait provoquer une rencontre entre le spectateur et un personnage fort. C'est alors qu'il a créé Guy Jamet, chanteur de variété français faisant un retour à la chanson.

Faire bêtement le portrait d'un personnage et le jeter en pâture aux cinéphiles, très peu pour le réalisateur français Alex Lutz. Pour son deuxième long métrage, Guy, dans lequel il interprète le personnage principal, il voulait susciter une véritable rencontre.

«Parce que c'est complexe, une rencontre, disait-il au bout de fil il y a une dizaine de jours, avant de venir à Montréal présenter son film au Festival du nouveau cinéma. Ce n'est pas qu'une image qu'on renvoie vers l'autre.»

Une rencontre, ça émoustille, ça pique la curiosité, ça donne envie de soulever des pierres pour comprendre le passé de la personne qu'on a devant soi. Et ça donne, forcément, l'envie de renouveler les rencontres.

C'est pour cette raison que dans Guy, le spectateur est carrément mis dans le siège qu'occupe Gauthier, jeune journaliste qui, à la mort de sa mère, apprend que Guy Jamet est son père biologique. Ce que le chanteur en question, grande vedette de la chanson de 1960 à 1990 qui tente un retour avec un spectacle de reprises, ignore complètement.

Pour approcher son père sans éveiller ses soupçons, Gauthier lui fait croire qu'il tourne un documentaire. Il a donc une caméra à la main, celle par laquelle l'histoire va se déployer.

«Sans Gauthier, cette histoire n'aurait eu pour moi aucun intérêt. Pour que le portrait soit puissant, il fallait une histoire humaine qui va nous faire sourire, nous faire rire et nous émouvoir. J'avais envie que le spectateur soit pris dans le tourbillon d'une histoire sans que celle-ci soit compliquée.»

D'abord, une forme

Alex Lutz aime visiblement creuser, chercher, fouiller, analyser... avant de se lancer.

À preuve, avant de trouver le personnage principal de son film, il cherchait à travailler dans la forme la plus libre possible. Libre dans le sens d'avoir un minimum de manipulations techniques à faire. C'est là qu'il a pensé au faux documentaire.

«En réfléchissant à des documentaires de cinéma que j'ai adorés, comme Relève: histoire d'une création [avec Benjamin Millepied à l'Opéra de Paris], je me suis dit que c'était une avenue possible. C'est le genre d'oeuvre dont l'axe de travail permet de tenir le spectateur en haleine.»

Dans le cas présent, le personnage de Guy Jamet est filmé autant chez lui, dans la campagne française, que dans des villes où il compose plus ou moins avec la présence de fans autour de lui et sur scène où il renoue des duos avec des collègues féminines. Plus le temps passe et plus la relation se complexifie, avec une montée de tension, entre Guy et Gauthier.

Avec légitimité, on va se demander s'il y a une ressemblance entre Guy, personnage totalement fictif, et de vraies anciennes stars de la chanson ou même du cinéma français. Johnny? Claude François? Sardou? Ou même Belmondo?

«Le public français, forcément, reconnaît quelques-unes de ses idoles, répond Alex Lutz. Mais moi, je ne voulais pas rechercher de ressemblance avec aucune d'entre elles. J'ai vraiment voulu inventer un personnage original. Même son répertoire de chansons est inventé. Mais comme son style musical ressemble à celui de certaines époques, on pense, forcément, à des artistes existants.»

Si les chansons de Guy Jamet ont effectivement été écrites pour ce long métrage, le personnage y va d'une reprise de Je reviendrai à Montréal de Robert Charlebois.

«Une chanson d'enfance que m'a apprise mon institutrice, explique le réalisateur. Elle est très présente dans mon coeur. Charlebois est un artiste que j'aime énormément. Il est venu voir le film et l'a beaucoup aimé. Je trouvais bien qu'il y ait une reprise dans les concerts de Guy. Et tout naturellement, celle de Charlebois s'est imposée.»