Après avoir reçu le Prix du meilleur premier long métrage en 2014 pour Whitewash, Emanuel Hoss-Desmarais propose Birthmarked, une comédie écrite avec Marc Tulin, dans laquelle deux parents scientifiques (Toni Collette et Matthew Goode) imposent à leurs enfants une éducation en contradiction avec leur bagage génétique. Une comédie inspirée de leurs réflexions sur leurs parents, et sur eux-mêmes, devenus pères pendant le long processus d'écriture.

Birthmarked, c'est un scénario que vous aviez en tête depuis très longtemps, Marc Tulin et vous. Comment a-t-il évolué au fil des années?

Tout a commencé il y a presque 14 ans, et l'idée est venue en rigolant, alors qu'on parlait beaucoup de nos parents, de l'impact qu'ils avaient eu sur nous. Mon père est cinéaste, le père de Marc est médecin, ma mère est musicienne, sa mère travaille en comptabilité... On se demandait si l'impact que nos parents ont eu sur nous avait à voir avec le fait qu'on a des intérêts communs ou pas. Et à un moment donné, une idée un peu «twistée» est arrivée, que ce serait drôle d'imaginer des parents qui forcent le destin de leurs enfants. On a développé un scénario, on l'a mis de côté, on a fait Whitewash, on y est revenus sept ou huit ans plus tard, et on était déjà rendus parents tous les deux. On a repris le film vraiment avec un autre regard, qui a métamorphosé le scénario, et les croyances que j'avais sur l'inné et l'acquis.

Justement, quelles recherches avez-vous faites sur ce genre d'expérience scientifique?

Au début, on lisait énormément là-dessus, on était surtout fascinés de voir comment, au cours du XXe siècle, le pendule a vraiment basculé d'un côté comme de l'autre par rapport aux croyances. Ce que je trouvais intéressant, c'est à quel point la science peut être convaincue d'une chose dans certains domaines et que, 10 ans après, on est convaincus du contraire. C'est tellement quelque chose de complexe, je pense que nous n'aurons jamais la réponse complète à cette question. Ces parents-là croient dur comme fer à la théorie que l'acquis est plus fort que l'inné et ils veulent aider les enfants qui sont prisonniers de leur code génétique, si on veut. Pour eux, c'est quelque chose de tout à fait sain de vouloir les aider à s'émanciper. Je pense qu'à l'époque du film (fin 1970), les moeurs scientifiques étaient moins analysées et qu'aujourd'hui, on ne pourrait jamais faire ça. Je ne suis pas spécialiste, et le film n'est évidemment pas un essai scientifique, mais je crois que l'on naît avec une certaine quantité d'éléments et que certaines choses dans la vie vont faire qu'ils seront activés, ou éveillés, et parfois pas. Au fur et à mesure que le film avance, les parents comprennent que la question est plus complexe, alors que les enfants arrivent à l'adolescence et au début de leur crise identitaire. On comprend que les parents se font prendre à leur propre jeu.

Comment avez-vous choisi les interprètes?

Parce qu'on faisait un film en anglais, et que c'était une coproduction avec l'Irlande, on voulait une distribution internationale. On a été très chanceux, Toni et Matthew, aussitôt qu'on a envoyé le scénario, sont tombés amoureux du projet. Le problème était de faire fonctionner l'horaire de ces deux vedettes avec notre horaire de production. Le reste de la distribution est un mélange, la petite fille est irlandaise et les deux garçons sont canadiens. Disons qu'il a fallu faire un maquillage d'accents pour que tout ça soit possible!

Vous avez tourné en anglais, avec des comédiens d'un peu partout, et avec une équipe québécoise, dans les Laurentides. Quel genre d'ambiance cela donnait-il?

On a tous été lancés dans cette aventure extrêmement rapidement. L'horaire de Toni et de Matthew était tellement compliqué qu'il fallait tourner là, maintenant. C'est un film qui a été écrit pour l'été, et il a été changé en film d'hiver à cause de ça. Il a aussi fallu amener un tuteur sur le plateau pour les enfants, parce que c'était encore l'année scolaire. On filmait dans une maison parce qu'il faisait froid, tout le monde se cachait dans une pièce pendant qu'on travaillait dans une autre pièce... On a été un peu obligés de vivre comme ça, en huis clos, pendant deux mois d'hiver, et je pense qu'on a été obligés de bien s'entendre et de vivre en famille!

Qu'avez-vous appris de cette expérience... cinématographique?

Énormément de choses. J'adore filmer l'hiver, mais j'espère que mon prochain film sera tourné en été! Mais je n'ai pas de contrôle là-dessus. Sinon, l'apprentissage d'écrire une histoire sur une heure et demie est quelque chose de formidable. J'apprends chaque fois que j'ouvre le document d'un scénario et que je le relis. Je me rends compte de l'immense défi que représente construire une histoire qui reste attachante et intrigante sur une heure et demie. C'est là-dedans que j'apprends le plus, parce que réaliser pour moi est très instinctif, c'est un muscle que j'entraîne beaucoup en faisant de la publicité. C'est vraiment l'écriture qui est pour moi l'apprentissage le plus complexe.