Après le succès de Bienvenue chez les Ch'tis, l'acteur et réalisateur Dany Boon met de nouveau l'accent du nord de la France au premier plan dans son nouveau film, La ch'tite famille. Entrevue.

Dix ans après Bienvenue chez les Ch'tis, deuxième succès de l'histoire au box-office français, le réalisateur Dany Boon ressort ses provinciaux du Nord en les faisant cette fois débarquer à Paris. La ch'tite famille, qui prendra l'affiche le 4 mai au Québec, raconte l'histoire du designer Valentin D., qui dessine des meubles ultramodernes - et très inconfortables - aux côtés de sa femme Constance. Valentin est un Ch'ti d'origine, qui a renié ses racines et effacé son accent... jusqu'à ce que sa famille fasse brutalement irruption dans sa vie parisienne branchée. Le réalisateur Dany Boon, qui donnait également un one-man show à Montréal au Théâtre Olympia samedi dernier, nous parle des Ch'tis, du Québec et aussi du snobisme.

Vous avez dit de La ch'tite famille que c'était votre film le plus personnel. Comme vous venez du Nord, quand vous avez débarqué à Paris, on vous a dit que vous deviez perdre votre accent, oublier d'où vous veniez?

Oui. On m'a conseillé très gentiment de gommer cet accent, de le perdre pour faire carrière en me disant que ça ne marcherait pas de faire carrière avec l'accent ch'ti. Ce qui est fou! En fait, c'est pour ça que j'ai eu du succès, du moins en partie. Le fait d'avoir l'accent ch'ti et de faire des personnages du Nord, ça a fait ma différence et fait en sorte que le public a accroché à mon univers. Si j'avais réussi en gommant mon identité, j'aurais dû travestir la réalité pour essayer de caresser le public dans le sens du poil, ce qui est une connerie. Car pour faire rire, il faut être le plus sincère possible.

De nombreux artistes de la distribution, notamment Line Renaud et Pierre Richard, sont originaires du Nord. Se souvenaient-ils comment parler ch'ti?

Presque tous les acteurs venaient du Nord. Line Renaud a dû réapprendre un peu et pareil pour Pierre Richard, mais sinon, les autres parlaient ch'ti couramment. C'était leur première langue!

Dans le film, le père de Valentin D. est incarné par Pierre Richard, un grand acteur comique. A-t-il été une source d'inspiration pour vous?

Je suis très fan de Pierre Richard depuis toujours. Il est brillantissime. Il est toujours aussi drôle et, à 82 ans, il ne fait pas son âge. C'était génial de l'avoir sur mon plateau. Le premier jour de tournage, je disais à toute mon équipe: «Regardez, c'est Pierre Richard!» Dans la toute première scène qu'il a tournée, il est pris dans une salle de lavage avec une machine qui déborde. Je lui ai dit: «Il y a de l'eau partout, tu vas t'asseoir sur un petit tabouret, je ne vais pas te mettre dans l'eau froide.» Il a dit: «Non, non, ce sera plus drôle si je suis dans l'eau, je suis là pour faire rire!» Il a passé une demi-journée allongé dans l'eau glacée. C'est un mec incroyable.

Vous êtes venu à plusieurs reprises au Québec. Trouvez-vous qu'il y a des points communs entre les Québécois et les Ch'tis?

Mais oui! Les expressions sont parfois les mêmes. Et puis, dans l'attitude, dans la gentillesse... Il y a un côté humain, très simple et très convivial ici. Ça m'a frappé dès la première fois que je suis venu.

Dans le film, vous caricaturez évidemment les Ch'tis, mais aussi, et surtout, les Parisiens.

C'est un milieu dans lequel j'ai évolué assez longtemps. Il y a ce côté snob et mondain d'étaler sa science pour écraser l'autre. Quand j'ai fait du repérage pour les lieux de tournage, nous sommes allés dans un musée d'art contemporain à Paris. La curatrice du musée est venue vers moi, elle m'a dit: «Vraiment, je suis navrée de vous dire ça, mais j'ai beaucoup aimé votre dernier film.» Mais il n'y a pas de honte à dire ça! Pourquoi on ne peut pas simplement dire ce qu'on aime?

Justement, certains critiques ont été très durs au sujet de La ch'tite famille. Vous sentez-vous snobé par la critique?

Évidemment, c'est leur droit de ne pas aimer. Mais parfois, c'est dit avec une telle violence... Il y a une certaine forme de snobisme, mais ce n'est pas que ça. À mon avis, le problème vient en partie de l'internet. Il y a des journalistes qui se sentent obligés d'être très agressifs avec des gens populaires pour faire le buzz sur internet. Sur le film Supercondriaque, il est arrivé qu'un journaliste fasse une bonne critique, 15 jours avant la sortie du film, mais au moment de la sortie du film, il en fait une autre, mauvaise. La même personne! Mais bon, ça ne me dérange pas. C'est toujours un peu douloureux, mais je ne cherche pas à être aimé de tout le monde.

Dix ans après Bienvenue chez les Ch'tis, pourquoi avez-vous ressenti le besoin de replonger dans le même univers?

Je n'ai pas spécialement le sentiment de replonger, j'ai le sentiment de ne jamais l'avoir quitté. C'est mon enfance, c'est ma mère, c'est le milieu où j'ai grandi. Et en plus, je suis designer, j'ai fait les beaux-arts, je connais ce milieu.

Donc, ces meubles invraisemblables qu'on voit dans le film, c'est vous qui les avez dessinés?

Oui, en partie. Je me suis beaucoup amusé. Dites-vous que la chaise à trois pattes, ça arrive: les choses très belles, c'est rarement confortable!

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La ch'tite famille prendra l'affiche vendredi prochain.