Après Marguerite, qui lui a valu le plus grand succès public de sa carrière, Xavier Giannoli propose un film au coeur duquel figure une quête très particulière. Dans L'apparition, un grand reporter est mis à contribution par le Vatican pour mener une enquête canonique. Du coup, le cinéaste renvoie au spectateur - et à lui-même - sa propre quête spirituelle. La Presse a rencontré Xavier Giannoli à Paris.

Dans votre film, une enquête est déclenchée après qu'une jeune fille de 18 ans a prétendu assister à une apparition de la Vierge Marie. Comment en êtes-vous venu à choisir ce sujet? Avait-il auprès de vous une résonance particulière?

J'ai d'abord lu un article dans lequel il était question d'une enquête canonique. Il s'agit d'une enquête journalistique ou policière dont le but est de faire la lumière sur un fait surnaturel. J'y ai tout de suite vu un bon sujet de cinéma, car on tente alors d'expliquer avec des faits ce qui reste un phénomène mystérieux. Comme la plupart de mes compatriotes, j'ai reçu une éducation chrétienne. Je ne pratique pas, mais le doute me travaille. Donc, le point de vue d'un enquêteur sur une question religieuse, qui analyse le tout à la lumière de faits concrets, correspond à mon interrogation. Et débouche sur des questions existentielles fondamentales. Est-ce vrai, ou pas? Et Dieu? Existe-t-il, ou pas? Peut-on même répondre à ces questions?

Les religions provoquent à notre époque des débats explosifs, desquels il est difficile d'extirper un discours plus serein. Quelle est votre démarche dans ces circonstances?

Tout l'enjeu consistait à ne pas être dans le confort facile de la moquerie ni dans la foi aveugle. Le sujet principal de mon film est le doute. J'ai souhaité donner au spectateur le sentiment d'assister à une enquête dans la réalité de quelque chose. Le cinéma court toujours après ce sentiment d'authenticité, de vérité. Et l'humanisme commence à la nuance. J'avais besoin de me réapproprier une part intime de cette question religieuse et de le faire, si possible, avec dignité, calme et émotion. En fait, j'essaie de dépasser cette interrogation pour atteindre notre humanité, peu importe qu'on adhère à une religion ou pas.

Quand on écrit le scénario d'un film comme L'apparition, comment l'aborde-t-on?

Chaque fois que je fais un film, il me faut l'enraciner dans une réalité documentaire, par respect pour ce que je souhaite raconter. Ce film m'a d'ailleurs rappelé un peu À l'origine, qui reposait aussi sur une notion de croyance. Je suis allé sur des lieux de pèlerinage, Fatima notamment. Je n'ai pas eu d'audience au Vatican [rires], mais j'ai discuté avec des évêques, des ecclésiastiques, des gens extraordinairement ouverts. J'ai même demandé à l'un d'eux si, au moment de la mort, il aurait moins peur que moi, du fait qu'il est croyant. Il m'a répondu: «Au moment où je fermerai les yeux, je me dirai: "J'espère seulement ne pas m'être trompé!"» Ça m'a beaucoup touché, car ça fait écho à mon questionnement. 

Un film de cette nature n'a évidemment pas le même potentiel commercial que Marguerite, votre film précédent...

Je n'ai jamais fait de films en pensant à leur succès éventuel, ou en évaluant leur potentiel commercial. J'estime que toutes les aventures humaines font de bons sujets au cinéma. C'est ce qu'il y a de plus intéressant et de plus exaltant à filmer. 

Anna, qui prétend que la Vierge Marie lui est apparue, est incarnée par Galatéa Bellugi, une jeune actrice qui n'avait tenu que des rôles secondaires jusque-là. Face à elle, Vincent Lindon, un acteur qui en impose. Pourquoi les avoir choisis?

J'ai écrit ce film pour Vincent Lindon, avec qui je souhaitais travailler depuis longtemps. Je voulais lui offrir un rôle inédit, mais il existe un trait commun entre tous les personnages qu'il incarne: il met toujours à l'épreuve la sincérité des gens qui se trouvent en face de lui. Là, il incarne un journaliste de guerre, habitué à toujours chercher la vérité, et qui déteste qu'on lui mente. Je trouvais que la présence de Vincent cadrait parfaitement bien dans ce contexte particulier, qu'il était l'acteur rêvé pour être en face d'une jeune fille de 18 ans qui raconte avoir vu des choses. Quant à Galatéa, elle s'est tout de suite démarquée des nombreuses autres actrices que j'ai vues. Il y avait chez elle une évidence. Et je peux dire que chaque jour de tournage fut touché par sa grâce.

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L'apparition prendra l'affiche le 20 avril. 

Les frais de voyage ont été payés par Unifrance.

PHOTO MARTIN BUREAU, archives Agence France-Presse

Xavier Giannoli