Mettant en vedette Charlotte Gainsbourg et Pierre Niney, La promesse de l'aube est une adaptation du célèbre roman autobiographique que Romain Gary a publié en 1960. De son enfance en Pologne jusqu'à ses exploits d'aviateur pendant la Seconde Guerre mondiale, la vie de Gary est de celles dont se nourrit le cinéma. La Presse a rencontré à Paris le réalisateur Éric Barbier.

Le roman de Romain Gary a déjà fait l'objet d'une adaptation cinématographique en 1971, sous la direction de Jules Dassin. Était-ce pour vous un point de référence?

Pas du tout! Je crois qu'à l'époque, Jules Dassin avait surtout choisi ce projet pour rendre hommage à Mélina Mercouri, sa femme. La relation avec le fils était moins mise de l'avant et le récit se concentrait davantage sur les rêves de la mère. Moi, j'ai fait l'inverse, ce qui est plus fidèle au roman. Nous avions vraiment le champ libre, car la première adaptation n'en était pas vraiment une, en fait. D'ailleurs, le fils de Romain Gary m'a raconté que son père était sorti furieux du cinéma le soir de la première! Non, vraiment, les deux films n'ont rien à voir.

Quel rapport aviez-vous avec ce roman au départ?

Je l'avais lu à l'adolescence, mais j'ai été beaucoup plus touché en le relisant en tant qu'adulte. Le sujet, au fond, est la vengeance d'un fils envers un monde dans lequel sa mère a dû traverser de grandes épreuves, dont certaines furent très humiliantes. Au cinéma, ce thème est très fort. Et universel. Car, même si le récit est campé dans une autre époque, il comporte une part de modernité. Cette dette envers ses parents, on l'a toujours.

La promesse de l'aube est une production ambitieuse, dont le tournage s'est déroulé dans plusieurs pays, et pour laquelle il a fallu évoquer autant la Pologne des années 20 que le Mexique des années 50. On s'y plonge facilement en tant que metteur en scène?

Le travail principal du metteur en scène est de se concentrer sur le sujet et sur la scène à tourner. Ça empêche d'avoir le vertige. L'on se doit de suivre cette ligne, tout en traduisant en images l'aspect aventureux du roman. Dans le processus d'adaptation, le plus difficile a été de choisir, car le roman est très riche. Romain Gary avait une capacité d'invention sidérante, et son roman, d'inspiration autobiographique, comportait aussi une grande part de fiction. Avec la coscénariste Marie Eynard, nous avons convenu de nous concentrer sur le rapport entre la mère et le fils afin d'éliminer toutes les digressions, très nombreuses dans le livre.

Avez-vous d'emblée pensé à Charlotte Gainsbourg pour incarner la mère? La description du personnage n'amène pas automatiquement son image à l'esprit...

Oui, j'ai pensé à Charlotte assez rapidement. Je la connaissais déjà assez bien, car j'ai eu l'occasion de travailler aussi avec Yvan Attal [le conjoint de Charlotte Gainsbourg]. Elle était d'emblée touchée par cette histoire, car elle y voyait aussi celle de sa propre grand-mère russe. En lisant le scénario, elle m'a cependant vite dit que ça ne collait pas avec elle, qu'elle n'avait pas du tout le physique du personnage. Il est vrai que le physique de Charlotte, qui est long, très mince, très moderne, ne correspond pas à celui des femmes de cette époque. Nina est une ouvrière et elle est fatiguée. Charlotte a proposé des essais avec des prothèses et elle a pu se transformer. Il n'y a pas un plan où elle est au naturel. On s'est beaucoup amusés avec les perruques, les faux seins, les prothèses pour la grossir. Par ailleurs, Charlotte a travaillé le polonais comme une acharnée pendant cinq mois. Ne maîtrisant pas moi-même cette langue, j'étais incapable d'évaluer sa performance à ce chapitre, mais plusieurs Polonais d'origine m'ont dit qu'elle parlait leur langue de façon impeccable, avec un accent dont ils étaient incapables de déceler la provenance!

Et Pierre Niney?

Il fallait un acteur dont le jeu est puissant, autant dans l'aspect comique que dramatique. En plus de son talent d'acteur, Pierre est doté d'un physique faisant en sorte qu'il peut être aussi crédible dans la peau du personnage à 18 ans que lorsqu'il est plus vieux. En plus, Pierre adore Romain Gary. Ce film était important pour lui et il s'y est beaucoup investi. 

Un spectateur dont l'univers de Romain Gary ne lui serait pas du tout familier peut-il aussi être en mesure d'apprécier votre film?

Je m'adresse avant tout aux gens qui n'ont pas lu le livre. À partir du moment où on entre dans le système du cinéma, il faut faire comme si personne ne connaissait l'auteur, surtout pour un film à vocation populaire. La promesse de l'aube n'est pas du tout un biopic sur Romain Gary. J'ai traité le livre comme une fiction, comme une pure création artistique.

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La promesse de l'aube prendra l'affiche le 13 avril.

Les frais de voyage ont été payés par Unifrance.

Photo fournie par AZ Films

Pierre Niney et Charlotte Gainsbourg dans La promesse de l'aube, un film d'Éric Barbier