Photographes fascinés par l'art narratif, Carlos et Jason Sanchez étaient destinés à faire du cinéma. Après des années d'efforts, leur premier long métrage, Allure, sort à Montréal, le 13 avril. Présenté à Toronto l'automne dernier, ce film explore, comme les photos des frères Sanchez, les côtés sombres de l'âme humaine. Une histoire sur la douleur d'une femme dans la trentaine, Laura, qui tente d'effacer son passé et de repartir sur de bonnes bases avec Eva, pianiste de 16 ans, sous le charme de qui elle tombe. La Presse a rencontré les deux réalisateurs montréalais.

Comment et quand est née l'idée de ce scénario?

Jason: Lors de notre dernière exposition à la Parisian Laundry, en 2015, on avait déjà écrit un scénario et on était en quête de financement. L'histoire était alors celle d'un homme qui enlève et emprisonne une jeune fille. Un scénario basé sur des histoires qu'on entendait dans les nouvelles, d'enfants enlevés qui n'essayaient pas d'échapper à leurs ravisseurs même quand ils en avaient la possibilité.

Votre scénario a changé depuis...

Jason: On a conservé l'idée de l'emprisonnement psychologique, mais comme on avait du mal à trouver l'acteur pour jouer le rôle principal et que des films sur le même thème sortaient chaque année, Room, par exemple, on a décidé de changer l'histoire et de prendre une femme pour le rôle principal. On a donc réécrit le scénario.

Le personnage de Laura est complexe. Au début, on croit à un Call Me By Your Name au féminin, mais ce n'est pas vraiment le même genre de relations...

Carlos: Laura est plus âgée qu'Eva, mais ce n'est pas une femme qui ne s'intéresse qu'à des jeunes filles. Elle va aussi avec des hommes de son âge. Ce n'est pas un type de personnes qu'elle recherche et la relation qu'elle a avec Eva est en partie consensuelle. L'une et l'autre ont autant besoin d'affection.

Le film évoque tout de même la manipulation d'une femme adulte sur une jeune fille...

Carlos: Oui, bien sûr, mais Laura cherche d'abord de l'amour et du réconfort. D'ailleurs, les deux actrices principales, Evan Rachel Wood et Julia Sarah Stone, ont été magnifiques dans leurs rôles. C'était fou de les voir jouer.

Votre film rappelle votre signature d'artistes visuels. On reconnaît les larges cadrages de vos photos, leurs atmosphères nocturnes, cette lumière ambrée de l'automne. Cela a été possible de conserver ce style avec une caméra?

Jason: Cela a été un grand plaisir, une expérience parfaite et notre directrice photo, Sara Mishara, a aussi débuté en photographie. Tous les trois, on s'est très bien entendus pour l'esthétique du film.

Allure a été tourné à Montréal...

Carlos: Oui, pendant 25 jours, en novembre et décembre 2016. On n'avait pas beaucoup de marge de manoeuvre, mais on était bien préparés!

On ne reconnaît pas Montréal dans le film?

Jason: On ne voulait pas qu'on reconnaisse un lieu précis, mais que ça ait l'air de se passer n'importe où en Amérique.

Le film a déjà été présenté à l'étranger?

Jason: Il a été vu dans une douzaine de festivals, dont Toronto, Palm Springs, Edmonton, en Corée, en Grèce, au Mexique, à Taiwan, en Inde, en Allemagne et à Whistler, en novembre dernier, où on a eu trois prix. Il va sortir en Grande-Bretagne en mai et ensuite ailleurs en Europe.

Le succès du film vous a permis de vous faire des contacts au sein de l'industrie?

Carlos: Oui, on a eu beaucoup de rencontres aux États-Unis pour d'autres projets. Comme on n'a jamais fait de courts métrages, c'est le film qui nous ouvre des portes, d'autant qu'on est en train d'écrire les scénarios de deux autres films.

Dans le même registre qu'Allure

Jason: On aime bien les études de caractère, les personnages qui se retrouvent dans des situations difficiles, qui se battent contre des comportements compliqués. Mais le prochain film ne sera pas aussi sombre que celui-là!

___________________________________________________________________

Allure (Emprise en version française) prendra l'affiche le 13 avril.

Photo fournie par Les Films Séville

Eva (Julia Sarah Stone) et sa mère (Maxim Roy) ont des relations difficiles dans le film Allure (Emprise), entièrement tourné à Montréal.