Vous n'êtes pas friand de films d'horreur? John Krasinski ne l'est pas vraiment non plus. Mais le scénario d'A Quiet Place faisait résonner quelque chose de tellement fort en lui-même qu'il a décidé de le porter à l'écran. Parce qu'il s'agit, en fait, d'une lettre d'amour à sa propre famille.

«Ah! Vous êtes de Montréal! s'exclame John Krasinski au bout du fil. C'était pratiquement mon deuxième chez-moi l'an dernier, quand j'ai tourné la série Jack Ryan. J'habitais dans le Vieux-Montréal et j'avais carrément l'impression de vivre un conte de fées. J'ai adoré séjourner chez vous!»

L'acteur pourrait presque affirmer vivre une autre sorte de conte de fées présentement. Sa troisième réalisation, le thriller surnaturel A Quiet Place, a ouvert récemment le volet cinématographique du festival South by Southwest et a été accueillie là-bas avec enthousiasme.

«Ce que nous avons vécu à ce festival est complètement surréaliste, raconte-t-il. Me croiriez-vous si je vous disais que j'ai mis la touche finale au film une douzaine d'heures seulement avant la première? J'étais vulnérable comme je ne l'ai jamais été dans ma vie auparavant et je crois même avoir arrêté de respirer pendant les 90 minutes de la projection. Quand, à la fin, le public a applaudi et s'est levé, j'ai été soufflé et très ému. C'est un sentiment incroyable de savoir que ce que tu as dans le coeur est partagé par d'autres personnes. Jamais je ne pourrai oublier cette soirée. Je suis convaincu que je ne revivrai jamais de ma carrière une première comme celle-là non plus. En toute honnêteté, je suis encore en train de digérer tout ce qui arrive.»

Le son du silence

Le récit d'A Quiet Place est campé dans un monde où le moindre bruit humain peut se traduire par une mort quasi instantanée. D'étranges créatures pourchassent en effet les individus dès qu'ils émettent un son et les attaquent férocement. C'est dans ce contexte qu'une famille isolée tente de survivre.

«Le scénario original m'a beaucoup attiré, car il s'agit, d'abord et avant tout, d'une allégorie sur la parentalité. J'y étais d'autant plus sensible que notre deuxième fille était alors à peine née.»

D'abord sollicité en tant qu'acteur, celui qui a été révélé grâce à la série The Office a négocié son accord en posant une condition: qu'il puisse réécrire le scénario. Il a été si convaincant qu'il a aussi hérité du rôle de réalisateur.

«J'avais le sentiment qu'on pouvait aller tellement plus loin avec le thème de la famille, dit-il. Cette idée de devoir vivre dans le silence absolu était tellement forte qu'il me semblait nécessaire de l'explorer de façon plus profonde. J'ai donc apporté quelques idées. Il était très amusant de jouer dans ce carré de sable.»

Faire l'acteur tout en portant le chapeau du réalisateur lui faisait peur au départ. Il y a toutefois vite vu certains avantages, notamment celui de pouvoir donner des indications sur-le-champ à ses partenaires, sans avoir à interrompre le tournage d'une scène.

Tourner avec sa femme

A Quiet Place marque aussi sa première collaboration professionnelle avec Emily Blunt, la femme qui partage sa vie.

«Cela a toujours été une vraie préoccupation pour nous, souligne-t-il. Emily et moi avons souvent souri à l'idée de faire quelque chose ensemble sur le plan professionnel, mais nous étions toujours craintifs. On ne voulait pas que notre relation privée prenne le pas sur l'histoire qu'on raconte dans un film. Mais là, j'ai été absolument ravi qu'elle souhaite jouer ce rôle.

«Après la naissance de notre deuxième fille, Emily tournait déjà Mary Poppins et je ne voulais surtout pas me faire insistant à propos de mon film. La situation était quand même délicate: soit elle dit non et ça risque de générer des conversations un peu étranges au souper, soit elle dit oui simplement pour me faire plaisir, et je ne veux pas ça non plus.»

«Avant de lire le scénario, Emily m'a d'ailleurs recommandé de le proposer à d'autres actrices, mais, une fois qu'elle a lu ma version du scénario, elle m'a dit qu'elle ne pouvait plus laisser ça à quelqu'un d'autre. C'est le plus beau compliment auquel j'ai eu droit dans ma carrière.»

Krasinski portant les chapeaux de scénariste, de réalisateur et d'acteur, il est facile de présumer son obsession de tous les instants pendant la fabrication et le tournage du film, surtout avec un scénario aussi riche en frissons. De surcroît, il avait l'occasion d'en discuter constamment avec sa vedette féminine. Or, il n'en fut rien.

«J'ai la chance d'être marié à l'une des plus grandes actrices de notre époque, fait-il remarquer. Emily peut tout fermer aussi vite qu'elle peut tout ouvrir. Elle peut décrocher d'une scène difficile, très riche en émotions, deux secondes après l'avoir jouée. Il n'était donc pas question de ramener du travail à la maison. On avait un plaisir fou à se rendre ensemble au boulot et à en revenir. Jamais je n'ai eu une aussi belle collaboration avec quelqu'un. Je mesure bien ma chance, car travailler avec son conjoint ne veut pas automatiquement dire que tout va bien se passer. Des choses peuvent se révéler qu'on ne souhaite pas nécessairement. Heureusement, ce ne fut pas le cas.»

La suite...

John Krasinski compte bien mener parallèlement une carrière de cinéaste à celle d'acteur.

«Je cherche d'autres projets de réalisation, c'est certain, affirme-t-il. Mais je me rends compte à quel point il sera difficile d'en trouver un qui me sera aussi personnel et significatif qu'A Quiet Place. Ce qui m'importe avant tout est de croire en l'histoire qu'on me propose et de m'y investir totalement. Là, bien franchement, je n'aurais pas pu demander mieux!»

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A Quiet Place (Un coin tranquille en version française) prend l'affiche le 6 avril.

Photo Jack Plunkett, archives Invision/Associated Press

L'actrice Emily Blunt et l'acteur et réalisateur John Krasinski lors de la première d'A Quiet Place au festival South by Southwest, le 9 mars