D'abord inspiré par En finir avec Eddy Bellegueule, le roman d'Édouard Louis, Marvin ou la belle éducation a rapidement évolué pour devenir un film ayant sa propre histoire. Mettant en vedette Finnegan Oldfield, Grégory Gadebois et Charles Berling, le 15e long métrage d'Anne Fontaine relate le parcours d'un garçon victime d'intimidation, qui trouve son salut dans le théâtre.

Réglons d'abord une chose. Votre film est une adaptation d'Eddy Bellegueule ou pas?

À titre personnel, Édouard Louis, l'auteur, est d'abord venu me proposer d'adapter son livre, que je n'avais pas encore lu. Ce récit m'a beaucoup impressionnée à la lecture, mais je me voyais mal en tirer un long métrage, car l'histoire s'arrête alors que le personnage a 12 ans. Dans un film, j'ai envie de voir comment ce personnage va s'émanciper. L'écrivain n'a pas vraiment besoin de l'expliquer puisque son récit est autobiographique et que son lecteur connaît forcément son destin. Au cinéma, il me paraissait essentiel d'inclure ce passage à l'âge adulte. Pierre Trividic et moi avons alors écrit un scénario en fusionnant l'origine du livre et mon propre sentiment. À l'arrivée, il y a au moins 60 % du film qui ne provient pas du bouquin. Quand il a lu le scénario, Édouard a pris la décision de dire que ce n'était pas une adaptation, mais il nous a quand même vendu les droits. On s'est mis d'accord et je suis partie faire mon film. Ce fut une aventure un peu particulière, mais ça s'est passé comme ça.

Diriez-vous que l'éclectisme est l'une des caractéristiques de votre cinéma? De Nettoyage à sec aux Innocentes, en passant par Coco avant Chanel et Perfect Mothers, on sent chez vous un désir d'explorer des univers très différents d'un film à l'autre.

Oui, mais en même temps, il y a des thèmes qui se recoupent, peu importe le cadre dans lequel ils sont traités. Mes films parlent souvent d'ambiguïté sexuelle et mettent en scène des personnages qui sortent de leur milieu. J'ai du mal à m'intéresser à un thème si je n'y trouve pas un lien personnel. Il y a autant de moi dans Les innocentes que dans Marvin. Le style est différent, bien sûr, mais ce qui m'intéresse, en fait, est de parler de la condition humaine, sans jugement moral. Marvin est dans une voie sans issue en apparence, exilé dans sa propre famille, mais il trouvera le moyen de sortir du tunnel. La construction du récit est exactement la même que celle des Innocentes. Je suis un caméléon, je m'adapte en fonction du sujet.

Marvin ou la belle éducation est votre 15e film en 25 ans. Faites-vous aujourd'hui du cinéma pour les mêmes raisons qu'à vos débuts?

Je ne veux surtout pas tourner pour tourner, même si j'ai toujours gardé un rythme très soutenu. J'ai eu la chance de trouver des sujets qui m'intéressent et je suis toujours poussée par le même désir de mettre en images une histoire qui me tient à coeur. Bien honnêtement, je ne pensais pas continuer après mon premier film [Les histoires d'amour finissent mal... en général ], que j'ai mis en scène moi-même à la suggestion de Jacques Audiard, même si j'étais une parfaite autodidacte. Je ne savais même pas comment fonctionnait une caméra! 

Puis, le film a reçu le prix Jean-Vigo et il a été sélectionné à la Semaine de la critique du Festival de Cannes. Je me suis alors fait à l'idée qu'un deuxième long métrage était réalisable, voire un troisième, en pensant que, forcément, tout cela allait s'arrêter. Aujourd'hui, je n'ai plus cette attitude, mais quand je commence un nouveau film, ma fragilité est la même qu'à cette époque. J'ai toujours l'impression de ne pas avoir assez d'expérience et c'est assez anxiogène. Quand je vois les reportages qui me concernent dans les magazines, je lis ça comme un roman, comme si c'était extérieur à moi. Faire un film est un gros saut dans le vide! 

Dans Marvin ou la belle éducation, Isabelle Huppert interprète son propre rôle. Avez-vous dû la convaincre?

Isabelle a été intriguée par la proposition. Je lui ai dit que je pouvais lui offrir un rôle comme elle n'en a jamais eu encore, et qu'elle ne tiendra probablement plus jamais au cinéma. Quand elle a lu le scénario, elle a tout de suite donné son accord.

Vous tournerez bientôt votre prochain film, une variation contemporaine du conte de Blanche-Neige?

En effet. Isabelle Huppert interprète la marâtre et Lou de Laâge campe la jeune femme. Ce sera une comédie érotique dans laquelle il y a deux femmes et sept hommes, parmi lesquels Benoît Magimel, Charles Berling et Vincent Macaigne. 

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Marvin ou la belle éducation prendra l'affiche le 30 mars.

Les frais de voyage ont été payés par Unifrance.

Photo fournie par Unifrance

Anne Fontaine a réalisé 15 films en 25 ans.