Le petit Spirou, inspiré de la bande dessinée culte de Tome et Janry, ouvrira le Festival international du film pour enfants de Montréal, le 2 mars. Nous avons discuté avec le scénariste et réalisateur français Nicolas Bary du caractère coquin de la série originale et de son adaptation au grand écran.

Les amateurs de la série bédé, qui met en scène Spirou «quand il était petit», ont sans doute gardé en tête les découvertes du futur aventurier qui, dans son jeune âge, s'intéressait beaucoup aux mystères de la sexualité - un peu comme le personnage de Titeuf. Tout comme les propos grivois de son Grand-Papy.

Pour l'adaptation cinématographique, Nicolas Bary a choisi de ne pas trop mettre l'accent sur le caractère irrévérencieux des personnages, même s'il a tenté d'en traduire «l'esprit fripon». Par l'entremise de Grand-Papy, par exemple, qui flirte avec la prof de Spirou, Mlle Chiffre, mais aussi de Spirou et de ses amis «petits de taille, mais qui abordent des sujets adultes».

Le réalisateur français avoue avoir marché sur des oeufs en saupoudrant son scénario de certains des éléments plus coquins de Tome et Janry. 

«Il y a des aspects très assumés dans la bédé avec la prof pin up et les garçons qui se penchent pour voir sa culotte et qui tombent dans les pommes, mais dès que vous le faites avec un vrai grand-père et de vrais enfants, ça devient gênant, surtout dans le contexte actuel, explique Nicolas Bary. Lorsque je demandais aux garçons, qui ont entre 8 et 10 ans, de regarder dans le décolleté de leur maîtresse, ça les gênait plus qu'autre chose. Dans la bédé, c'est plus facile à illustrer, mais pour le film, ce n'est pas la thématique qui me plaisait le plus. Je ne voulais pas faire un film avec ces gags-là.»

Parlons sexualité avec les enfants

Pour la sexologue Jocelyne Robert, auteure de la série à succès Ma sexualité - justement illustrée -, les bédés, de façon générale, peuvent être un prétexte pour aborder des sujets de sexualité avec ses enfants, en exemples ou en contre-exemples, même si, affirme-t-elle, le contenu est souvent «sexiste» «stéréotypé» ou «hétéronormatif». 

Mme Robert, qui a vu le film de Nicolas Bary, estime que Le petit Spirou a «une valeur ethnologique, historique et même sexologique en tant que révélateur d'une époque où le rêve et le fantasme romantique prenaient beaucoup de place chez les enfants, comme chez les adultes». «Mais c'est à des lustres de ce que les jeunes de cet âge vivent aujourd'hui», croit-elle.

«C'est vrai que les moeurs ont changé depuis 25 ans et qu'il y a des comportements aujourd'hui inacceptables, mais le contenu sexy de la bédé est caricatural et naïf.»

«Fantasmer sur le corps d'une femme quand on est ado, c'est normal, il ne faut pas culpabiliser les jeunes avec ça», ajoute M. Bary.

Destiné à devenir groom

Dans son film, Nicolas Bary a choisi d'explorer le thème du legs et des choix de vie. Dans la bédé, le petit Spirou est en effet représenté en groom, comme sa mère et son grand-père. Un aspect acquis dans les albums, mais qui n'est jamais expliqué. Le réalisateur français a donc construit son scénario en cherchant à donner un sens à l'accoutrement de Spirou.

«Pourquoi le petit Spirou est habillé en groom? Est-ce que c'est vraiment ça qu'il veut faire? C'était pour moi beaucoup plus intéressant et ça me permettait d'explorer le thème de l'héritage ou de la transmission, mais aussi de la famille et de l'amitié. C'était plus porteur, je crois, surtout pour ceux qui n'ont jamais lu la bédé.»

L'auteur de la bédé, Philippe Tome, a approuvé ce choix, nous a confié le réalisateur. «Il se trouve que Tome venait d'une famille de militaires et qu'il s'est finalement tourné vers la bédé, explique Nicolas Bary. Dans mon scénario, Spirou est destiné à devenir groom, mais il rêve de devenir aventurier.»

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Le petit Spirou sortira en salle le 2 mars.