En fait, pas littéralement chez lui, mais dans son monde, dans son Usine de films amateurs. Celle-ci s'ouvre au public ce matin en présence du réalisateur d'Eternal Sunshine of the Spotless Mind et permettra à plus de 3500 personnes de tourner un court métrage gratuitement au cours des six prochaines semaines. Plus tôt cette semaine, La Presse a tenté l'expérience.

Présentée pour la première fois au Canada dans le cadre du 375e anniversaire de Montréal et du festival Chromatic, l'Usine de films amateurs de Michel Gondry se promène de ville en ville depuis 2008. Paris, Moscou, Casablanca et Tokyo, entre autres, ont accueilli cette activité de création née à New York, à la suite du tournage de Be Kind Rewind. Le cinéaste français voulait alors pousser plus loin l'idée centrale du film, soit celle de tourner des oeuvres avec les moyens du bord. Quelques années auparavant, il avait expérimenté le concept de création collective avec des amis bédéistes, ce qui lui inspira le protocole de base de l'Usine de films amateurs. 

« Au départ, il était important pour moi de trouver une marche à suivre qui optimisait la participation de tout le monde et qui permettait d'être le plus créatif et le plus amusant possible », explique M. Gondry.

Ainsi, la structure de l'Usine de films amateurs est bien définie, mais ne fait à aucun moment obstacle à l'imagination des participants. En groupe de 15 personnes, formé sur place si on n'arrive pas avec ses 14 amis, les visiteurs disposent de trois heures pour réaliser un film de A à Z. L'activité se déroule en trois temps : élaboration de l'histoire, écriture du scénario et tournage. 

« L'objectif est de démontrer que tout le monde a cette capacité de participer à une oeuvre en commun et d'être créatif. »

Briser la glace

Après une visite des lieux, qui permet de prendre compte des différents décors - café, chambre à coucher, prison, forêt, club de jazz -, costumes et accessoires, le groupe doit élire un cadreur qui manipulera la caméra et mènera le tournage. Un médiateur accompagne les participants tout au long de l'activité, ce qui s'avère nécessaire particulièrement au début, car cela peut prendre un moment avant que tout le monde soit assez à l'aise pour donner ses idées et exprimer son opinion. 

« C'est le premier atelier que je préfère, indique l'auteur de La science des rêves. C'est là que les gens commencent à s'unir et à communiquer. Tout le monde est un peu timide, et tout d'un coup, quand les participants commencent à parler des genres de films, ensuite du titre, les rires commencent à fuser et ils se soudent à ce moment-là. »

Gestion de temps

La deuxième partie de l'activité permet de détailler chaque scène. C'est à ce moment que l'on précise le lieu, l'action, les personnages - et ceux qui les incarneront -, les costumes et les accessoires. Il est également possible de bricoler ses propres décors. Le rôle du maître du temps est crucial, car même si trois heures peuvent paraître amplement suffisantes, les ambitions du début doivent souvent être revues au cours du processus. 

Par exemple, dans le film réalisé par l'auteur de ces lignes et ses collègues des médias, 14 scènes étaient prévues. Puisque nous disposions d'à peine une heure pour tourner le tout, un calcul rapide nous a fait réaliser que moins de cinq minutes par scène nous obligeaient à réduire au minimum le nombre de plans et, malheureusement, à simplifier la poursuite entre la police et les trois cambrioleurs.

PHOTO SIMON GIROUX, LA PRESSE

Le concept permet à des groupes de 15 personnes, qui se connaissent ou non, de réaliser un court métrage.

Erreurs encouragées

Chaque fois que Michel Gondry a tenu son événement dans une ville, il a suivi quelques groupes et visionné leur travail. Cela lui permet de peaufiner le protocole de l'Usine de films amateurs. Le cinéaste précise d'ailleurs dans les règles que les erreurs sont encouragées. Puisque chaque scène n'est tournée qu'une fois et qu'il n'y a pas de possibilité de montage, les imperfections sont évidemment nombreuses. 

« Quand il y a une projection, ce que je préfère, c'est me tourner vers les spectateurs qui sont les créateurs du film et voir leurs réactions, confie M. Gondry. Il y a autant de joie et de rigolade dans leurs erreurs que dans les plans réussis. C'est assez drôle. » 

Dans la salle Wave du Complexe Dompark (5524, rue Saint-Patrick), jusqu'au 15 octobre, du mardi au dimanche

Un film personnel, une série américaine et un clip de Beyoncé

Bien que le dernier long métrage de Michel Gondry, Microbe et Gasoil, remonte à 2015, son flux créatif ne faiblit pas. « J'ai deux projets : un film assez personnel sur mes errances créatives durant le tournage d'un film, avec des choses assez extrêmes et illogiques, et une série télé pour une chaîne américaine. » Le réalisateur de 54 ans ajoute qu'il a aussi tourné un clip pour une chanson de Beyoncé, mais qu'il n'a toujours pas été diffusé. « Malheureusement, il n'est pas encore sorti parce qu'elle a eu ses jumeaux, mais c'est un clip tout fini qui est très très bien, je pense. »

PHOTO SIMON GIROUX, LA PRESSE

De l'écriture du scénario au tournage, les participants ont trois heures pour tout faire.